INSOMNIA
3ème film de Nolan et premier remake de sa part, Insomnia se définit avant tout comme un polar presque "nordique" (l'action se déroule en Alaska, Le "nord" extrême des USA) sociologique et psychologique où les protagonistes et leur psyché et leur background prennent largement le pas sur l'intrigue même. Les deux se mêlent parfaitement bien mais il est clair que le principal se trouve surtout dans le personnage interprété par Al Pacino (son dernier vrai "grand" rôle) et Robin Williams (rare, mais au talent monstre).
Nolan donne même de l'importance à des individus que l'on voit finalement peu dans le film (comme l'hôtesse d'accueil et gérante du Motel) en instillant tout simplement quelques dialogues et/ou une scène intimiste banale mais juste et touchante (la scène où Will se retrouve dans sa chambre d'hôtel avec la gérante c'est d'une efficacité rare en terme d'empathie).
"Will" (Pacino) interprété un homme torturé par son désir de rester intacte dans une affaire où il a légèrement dérapé et sur laquelle un de ses collègues/amis ne veut pas "mentir" mais rester intègre même si c'est Will doit en payer le prix. Après la mort pseudo-accidentelle de celui-ci, Will erre dans un petit village d'Alaska afin de résoudre une affaire et par la même occasion tout faire pour se sortir d'un sacré pétrin. Pour le déstabilisé rien de mieux qu'imposer une clarté incessante, quais éternelle et agaçante où seul les habitués se laissent tomber dans les bras de Morphée facilement. Mais est-ce vraiment la lumière qui l'empêche de dormir ou la mort de son collègue dont il revoit par fragment la mort?
L'ambiance du film est enivrante, presque hypnotique (les paysages , la photo légèrement dépressive, monotone , le jour et la clarté permanent, le silence presque inquiétant, la brume, l'humidité, l'impression de vide, de no man's land, les musiques de David Julyan : compositeur attitré de Nolan sur Following, Memento, Prestige, Insomnia...et qui manie avec habilité les notes douces, simples, en retrait et se nichant subtilement au récit en instaurant toujours une atmosphère unique).
Robin Williams livre une bonne performance que dans la peau de cet écrivain retranché et isolé qui se prend d'affection puis d'amour et de désir pour une jeune fille accroc à ses bouquins. Un rire moqueur et tout bascule. Sa version de l'histoire et le pourquoi du meurtre mettent mal à l'aise le spectateur tant la réaction qu'il a eut pourrait être "universel" mais sa méticulosité à camoufler les preuves le font définitivement sombrer dans un pur profil de tueur. Insomnia raconte donc le premier meurtre d'un flic mais aussi le premier d'un futur tueur en série.
Un polar glacial, profond et magistral.
Notons une grande scène dans la brume où la mise en scène nous plonge littéralement dans la séquence avec Al Pacino en pleine indétermination et la brume pourrait métaphoriquement représenté la confusion dans laquelle se trouve ses choix moraux, la vision qu'il a de sa carrière, ce qu'il veut faire et ne pas faire, ses peurs etc... :
Son 3ème film marque donc une évolution flagrante en terme de photo, maitrise de la mise en scène très sobre mais minutieuse et recherchée.
Au niveau de l'intrigue c'est très prenant : deux personnages s'affrontent au milieu d'une intrigue divisée en deux trames liées par la sang, le secret, le mensonge. Deux rôles intéressants, passionnants et magnifiquement interprété par deux monstres du Cinéma.
Insomnia se termine sur une note tragique sublimée par la magnificence d'une réalisation académique magistrale, une ambiance singulière et une écriture intelligente, équilibrée et où les ingrédients d'un bon polar sont tous bien réunis pour donner nous laisser happer par cette histoire, ses protagnoistes et son final à la fois pessimiste et troublant : la vérité reste à la obscure et évidente.
9/10