Spider-Man 2 de Sam Raimi
(2004)
Après le succès colossal, aussi bien critique que public, de
Spider-Man dans le monde entier, dire que la suite était attendue avec impatience serait un doux euphémisme. Le public avait autant à y perdre que Sam Raimi, soit la suite se révélait aussi bonne que le premier opus et la révolution des adaptations de comics devenait définitivement lancée, soit le film se révélait mauvais et prouvait par la même occasion que
Spider-Man premier du nom n'était qu'un simple coup de chance. Heureusement pour tout le monde, Sam Raimi a fait encore mieux : deux ans après la sortie du premier
Spider-Man, il réalisait une suite en tout point supérieure (ou presque), chose que personne n'avait osé imaginer à l'époque.
Spider-Man 2, c'est avant un opus, à l'instar du
X-Men 2 de Bryan Singer, jouant la carte du bigger, stronger, better. Comprenez par là que le film se veut dans une veine d'action bien plus forte que celle du premier film sans pour autant rendre le reste mauvais. Ainsi, là où
Spider-Man prenait son temps pour poser son personnage et son univers, le second film se cherche davantage dans le spectaculaire tout en conservant un juste milieu qui permet à la psychologie de Peter Parker et des autres protagonistes de rester tout aussi travaillée. Le scénario, un poil moins ambitieux et original dans ses thèmes que celui du premier film, se concentre donc particulièrement sur les déboires de la double vie, de ses conséquences et de la nécessité de trouver dans sa vie son véritable but.
En apparence,
Spider-Man 2 se veut être une suite plutôt quelconque et pourtant Sam Raimi arrive à rendre son film encore plus intéressant que ne l'était le film original. En effet, à chaque instant du film, on sent un véritable relâchement des studios sur la travail du cinéaste et donc un véritable épanouissement de celui-ci à tout les niveaux. L'humour presque cartoonesque se veut donc plus présent (via Peter Parker et J.J. Jameson notamment), le spectaculaire se veut extrêmement stylisé (le format 2.39 n'y étant pas pour rien) et le récit en lui-même cherche à devenir le tremplin nécessaire pour une suite pour le moins pessimiste. En cela, on se retrouve donc devant un un véritable film hybride, entre film d'auteur à la Raimi et pur produit de studio efficace, une première pour un sujet de cette envergure.
Introduisant un personnage antagoniste, pourtant pas forcément crédible en apparence, d'une façon habile et crédible en la personne de Docteur Octopus, Sam Raimi permet tout d'abord de rectifier le tir après le cabotinage certain du Bouffon Vert qui servait bien plus à introduire la famille Osborne qu'autre chose. Là aussi donc, Sam Raimi se fait véritablement plaisir avec Octopus, un bad guy jouant plus sur son côté humain que charismatique, et permettant un approfondissement de la dualité entre ce que les personnages souhaitent faire et ce qu'ils sont censés faire ainsi qu'une multitude de scènes d'action marquantes de haute volée. De ces scènes, une sort véritablement du lot, celle du réveil d'Octopus dans une salle d'opération où suivra un massacre à la fois macabre et teinté d'humour noir. Sam Raimi rend ici (mais aussi dans d'autres séquences, dixit l'apparition très drôle de Bruce Campbell) un vibrant hommage aux films qui lui ont permis d'atteindre sa notoriété (la saga
Evil Dead particulièrement) avec des éléments clés (la tronçonneuse), des situations cartoonesques sans être drôles pour autant et surtout des plans tout droits sortis d'une série B que l'on pouvait déjà apercevoir sur quelques séquences du premier film.
Dans un registre plus spectaculaire, on retiendra aussi l'attaque puis la fuite de la banque (pour la chorégraphie mais aussi et surtout pour un plan magnifique suivant la chute d'Octopus sur plusieurs mètres avant de se rattraper avec l'un de ses tentacules) mais c'est bien le duel sur le métro qui retiendra l'attention des spectateurs. Une scènes où les situation s'enchaînent à un rythme dingue et où aucun temps mort n'est laissé au spectateur, si la séquence de l'hôpital prouve que Sam Raimi est capable de faire la synthèse de ses cinémas, la scène du métro prouve bien qu'il est capable d'utiliser le numérique à des fins spectaculaires comme peu savent le faire. On ne pourra donc qu'être déçu devant la pauvreté relative du climax final, même si cela ne gâche heureusement pas le résultat final, tout simplement grandiose.
Enfin,
Spider-Man 2 est aussi le moyen pour Raimi d'annoncer un troisième opus extrêmement sombre. Dévoilant pour la première fois le professeur Connors (futur Lézard), faisant découvrir à Harry Osborne deux identités qu'il aurait préféré, au fond de lui, ne jamais connaître afin de le transformer en véritable gouffre de haine trop longtemps dissimulé, on s'attardera aussi sur le plan ultime du film, celui où Mary-Jane Watson observe Spider-Man d'un air trop triste pour ne rien signifier, tout portait à croire que Sam Raimi cherchait à tuer son personnage (on sent déjà d'ailleurs qu'il hésite à la sacrifier dans le film) pour offrir un ultime opus qui bouclerait la boucle. Il n'en sera rien hélas, mais ça c'est une autre histoire.
Côté casting, si les anciennes têtes sont fidèles à eux-mêmes (c'est à dire presque tous excellents), on ne pourra qu'être étonné par le choix d'Alfred Molina dans le rôle du bad guy, un choix risqué mais qui se révèle encore une fois payant tant l'acteur arrive à insuffler une véritable humanité dans ce personnage contrôlé par son génie créatif. Un dernier mot enfin sur la composition de Danny Elfman qui se révèle pour le moins décevante. En effet, la totalité de la piste musicale se révèle être exactement la même que celle du premier opus, à quelques variations près. Seul le thème d'Octopus, bâclé et insipide, est véritablement nouveau.
Malgré ses quelques défauts qui l'empêchent d'atteindre le statut de chef-d'œuvre,
Spider-Man 2 se révèle être une superbe adaptation mais aussi un film historique qui, de par les risques encourus, permettra à des films comme
Watchmen et surtout
The Dark Knight de naître au sein des grands studios. Meilleur film de son auteur,
Spider-Man 2 est la preuve ultime que la pop culture geek est capable de produire des œuvres magnifiques et accessibles à tous. Un grand film qui aura véritablement marqué sa génération.
NOTE : 10/10