Inferno |
Réalisé par Dario Argento
Avec Irène Miracle, Leigh McCloskey, Eleonora Giorgi, Daria Nicolodi, Sacha Pitoeff, Alida Valli
Giallo fantastique, Italie, 1h46 - 1980 |
8/10 |
Résumé : Rose découvre dans un vieux livre, l’histoire des Trois Mères, trois sorcières, résidant chacune à Rome, Fribourg et New-York. Convaincue que son immeuble abrite l’une d’entre elles, Rose prise de panique, demande à son frère, étudiant à Rome, de la rejoindre…
Ne cherchez pas un scénario, il n’y en a pas. Inferno est une sorte de psychanalyse des rêves, un conte de fées macabres et esthétique avec ses sorcières, ses vieux livres, ses alchimistes, ses sorts, ses chats, ses chaudrons, ses peurs ancestrales…une divagation issue de l’esprit inquiet et tourmenté d’Argento.
Une fois, admis ce postulat, laissez-vous emporter par vos sens et plonger dans cette horreur gothique et flamboyante. Avec Inferno, le baroque et le maniérisme agrémenté cette fois, d’une touche de surréalisme se côtoient à nouveau dans le cinéma d’Argento. Sous son regard, les immeubles New Yorkais deviennent des labyrinthes chaotiques , Central Park un cloaque infâme infesté de rats, les bibliothèques des repères d’alchimistes et de sorcières, les caves, des décors baroques immergés où flottent des corps en décomposition… Un spectacle hypnotique et sublime,ou chaque plan est un tableau nimbé de miroitement bleuté, de jade et de rose, d’ocre et d’ambre.
Il n’y a pas de véritable héros ou héroïnes. Il n’y a que des êtres qui passent fugitivement (Rose, Sara, Elise, Mark), que l’on suit un temps vers leur destin funeste ou vers leur salut provisoire, au gré des humeurs et des jeux cruels de Celle qui tisse le destin des hommes. Le véritable personnage principal, le cœur du film est cet immeuble majestueux et lugubre, sous l’emprise de la Mater Tenebrarum, dans les méandres tortueux duquel, on se perd avec Rose, Elise et Mark, jusqu’aux secrets les plus terribles, aux sons des murmures et de chœurs baroques, dans des chatoiements de couleurs.
Inferno est une expérience qui se ressent visuellement et musicalement. C’est le règne des impressions et des sens, dans lequel s’abîme toute logique. Il n’y a pas de réponses aux énigmes soulevées, il n’y a qu’une seule réalité : la Mort gouverne la vie. Une présence maléfique qui peut posséder toutes choses, les chats, les rats, le vent, les murs, les poignées et même les êtres humains. La Mort symbolisée, par ce meurtrier énigmatique qui se manifeste sous la forme d’un souffle, d’une main gantée qui tient un couteau, ou d’une longue main décharnée semblable à celle d’une sorcière. Peut-être l’expression physique de la Mater Tenebrarum ou pas ? Le malaise et le danger sont palpables mais demeurent indicibles et mystérieux.
Tout au plus, pourrait-on reprocher au film, une mise en scène des morts, tout aussi maniériste et cependant moins marquante et surtout moins graphique que dans
Suspiria, notamment la scène avec les chats et les rats vraiment trop longue et pas dans le ton du reste du film, ainsi que la faiblesse et le manque de conviction de certaines interprétations, notamment celle de
Leigh McCloskey dans le rôle de Mark. Mais son air perpétuellement absent et dépassé, voir hébété, colle finalement parfaitement à la situation : une marionnette face à la Mort.
Inferno est un voyage onirique et ésotérique dans le monde foisonnant d’idées funestes d’Argento, où chaque objet, chaque plan, chaque son est une clé qui n’ouvre pas forcément la porte d’une découverte ou d’une réalité. Entre pièges et fausses pistes, à chacun d’explorer à sa manière le mystère qu’il nous offre.