GOYOKIN

2ème chambara que je vois après le fameux et noir " le sabre du Mal" déjà très intense et profond , Goyokin est pour moi tout aussi excellent et même plus grâce à une mise en scène tout en mouvement, riche et douée d'une photographie tout bonnement sublimée par le pessimisme du récit.
Les temps changent et le Japon Féodal connait ses dernières heures officieuses.
Les Samouraïs se renient, changent et les valeurs sont corrompues par l'or.

Des villageois massacrés; un soldat changé à jamais par un code qu'il croyait sien et qu'il trahit l'histoire d'un coup de taille.

L'acteur principal (déjà habité par son rôle dans le sabre du Mal) transpire de charisme, de souffrance et de solitude. Alerte et tendu , il décide de contrecarrer un nouveau massacre ordonné par son ancien commandant.

Moins violent que "the Sword of doom" mais aussi moins spectaculaire niveau combat/chorégraphie , Goyokin n'en est pas un un film pictural dont une flopée de plans rappellent de majestueuses peintures. La lenteur apparemment inhérente au genre n'est pas dérangeante et colle parfaitement à l'ambiance que l'on retrouve aussi dans certains westerns. Ici, on se rapproche d'un "Grand Silence" par les décors, certains intérieurs et la neige.


Chambara quasi crépusculaire, ce film de Hideo Gosha envoute littéralement par son ambiance et sa crédibilité : costumes, paysages, scénario mêlant géopolitique, relations homme/femmes, combats aux sabres, l'âme torturée d'un Ronin, et les temps funèbres qui courent sur tout un pays mais les hommes surtout, ceux qui résistent (ou non) au changement. La scène d'introduction exprime totalement cet aspect et les 6-7 premières minutes frisent le fantastique : une femme accoure dans sa maison et les corbeaux envahissent le ciel et les alentours. On entend leurs croassements, on voit un peu de sang ici ou on le devine plutôt, tout est en piteux état, la femme crie, elle appelle son mari, d'un coup plus de sons, un corbeau lui fait fasse, la caméra épouse plusieurs mouvements et angles , déjà d'entrée de jeu on perçoit la maitrise.
Plan inhérent au cinéma japonais où l'homme et la femme ne sont jamais face à face, jamais ne se regarde dans les yeux et très peu et le tout instaure un fossé, une distance palpable et dérangeante. A la fin du film ce sera encore le cas avec Magobei marchant ma tête haute vers dce qui sera son dernier fief et sa femme cours derrière lui....

Je n'ai juste à reprocher que quelques "tics" comme des cadrages déséquilibrés et saccadés (idem dans le Grand silence d'ailleurs), des zoom/dézoom pas toujours très subtil ni très bien placés et le jeu un tout petit peu théâtral -ici justifié par cette fresque à la fois intimiste et historique.

Ces mêmes corbeaux seront encore présent lors du duel final lui aussi très court, mais d'une rare intensité. De plus, c'est sublime. Pour en revenir aux combats il est clair que les plans séquences du Sabre du Mal étaient bluffants. Goyokin est plus posé, moins tape à l'œil, moins précis et calculé mais aussi vif que le film de Kihachi Okamoto.
Je suis persuadé que Christophe Gans a rendu un hommage à ce film avec Le pacte des loups et sa première séquence magistrale sous la pluie. Même plan, même visuel/ambiance.
8.5/10