A History Of ViolenceA History Of Violence, c’est d’abord une bande dessinée américaine. Imaginée par John Wagner, elle met en scène Tom, père de famillle dans une petite ville tranquille, qui est amené un jour à tuer 2 braqueurs. La suite de l’histoire est connue pour être bien plus sanglante que l’adaptation de Cro. Celui-ci nous expliqua d’ailleurs dans une interview son refus de tomber dans la facilité du gore, et d’une violence omniprésente sous la même forme. Parce que oui, A History Of Violence n’est pas juste un énième polar avec des gens qui s’entretuent, avec des flingues, des bolides et d’la meuf. Drame, Thriller, etc... ? On ne sait pas trop. Ce qu’on sait en revanche c’est que ça parle de violence.
Pratiquement toute l’histoire se déroule donc dans un bled de l’Indiana. Après son acte héroïque, Tom sera contraint à une popularité qu’il ne veut surtout pas. L’effet médiatique allertera vite des gars bizarres au look bien mafieux, très intéressés par ce bon vieux Tom Stall, qui serait d’après eux plutôt Joey Cusack, le frère d’un des chefs de gangs de Philadelphie. Scénario brillant, Cronenberg étire le suspens tout au long du film, est-il vraiment Joey ? Oui, on s’en doute dès le début.
Et même lorsqu’on remate le film, la scène de la révélation entre Tom et Karl : “ I should have killed you back in Philly “ est toujours aussi forte, et on se plait à être encore surpris par la mutation du père de famille en tueur mafieux. Va s’en suivre un voyage à Philadelphie avec règlement de compte entre Tom/Joey et son frère Edie.
Donc voilà, histoire relativement intimiste, et puis surtout avec peu de scènes de fight. 3 ou 4 seulement, qui expliquent la déception de beaucoup de spectateurs. Les qualités bien présentes sont ailleurs. Dans la manière où Cronenberg amène ces 3 scènes, la façon de les filmer ou même de les conclure lentement, tout est conçu sans la moindre faille. Ces scènes avec violence physique sont relativement courtes mais relativement Cronenbergiennes. Aspect brut, on voit tout, aussi bien le regard de celui qui donne le coup que de l’apparition de la blessure sur la victime, et pourtant ça fait pas cut, les plans sont solides, ni trop courts ni trop longs, juste excellents. Mais bon, Cro nous a quand même habitué à plus dégueu.. mais c’était dans d’autres ambiances, d’autres buts. Ici, elles sont déjà totalement en opposition avec l’ambiance sereine de la petite ville.
Et puis rien que la scène d’intro, 2 longs plans séquences où l’on voit les 2 braqueurs partir d’un motel, où l’un d’eux ressemble étrangement à Viggo, et l’autre au look de branleur. 2 plans où l’on passe du son de grillons aux pleurs d’une fillette, en passant par le silence glauque autour de la contemplation des corps ensanglantés des parents de la petite. Ces 2 plans s’enchaînant sur le réveil de la fille de Tom suite à un cauchemars où elle aurait vu 2 monstres. Forcés de s’identifer en la petite, on se retrouvé vite réconfortés par ce père de famille. Cronenberg a installé le socle de l’histoire, nous entraînant dans une posture apte à gober son film comme il l’entend.
Parce que oui, l’intérêt principal du film, c’est le jeu psychologique de Cro. Derrière cette mutation progressive de Tom en Joey, on pourra observer son reflet par son fils, en plein adolescence qui va vite suivre l’évolution du père en parallèle avec une attitude de plus en plus violente, poussée par la violence verbale d’autres lycéens. La relation entre le couple va elle aussi vite se déformer, le sexe étant comme toujours chez Cronenberg, très représentatif la ville elle même des protagonistes. Et pas seulement, parce qu’il nous délivre ici un panel d’expressions, de sentiments, tellement dense... de l’admiration au dégoût, de la complicité à la crainte, amour à la haine, etc... tout ça se mélange, ce qui donne un aspect très réaliste au film, où l’on évite le cliché du scénario guidé, avec des sentiments relativement simples et bien surlignés.
Surtout que tout le reste, c'est bon, au niveau de l'acting tous les acteurs sont superbes (Viggo comme d'habitude, Ed Harris est impressionnant, comme d'habitude, Maria Bello en milf, bah génial, etc...).
On notera aussi une subtile critique des médias et de leur matraquage “violent” de l’information, avec sur-information, harcèlement des sujets de reportage, et puis exagération des sujets. Sans eux, pas de mafieux, ils auraient continué leur petite vie tranquille loin de cette violence. Cronenberg construit cette critique aussi bien sur la fond que sur la forme. Lorsque Tom observe avec las son arme après le braquage, on le voit tout de suite après dans sa chambre d’hospital, télécommande à la main, tentant désespérément de trouver une chaîne où l’on ne parle pas de lui. Tom luttant face au journalisme abusif.
Un dernier petit mot sur la fin, avec le règlement de compte entre Tom et son frère. Moult interpretations à ce sujet sur le net (rédemption, métaphore de Cain et Abel. Au final, j’ai pas trouvé ça très important, c’est surtout la scène finale qui m’a marquée, lorsqu’il rentre chez lui, au moment où sa famille dîne. Regard de honte, évitant celui de sa femme, pas un mot, sa fille se lèvera quelques secondes plus tard pour lui donner une assiette. Fin particulièrement intense pour un Grand film, accompagné d’une musique sublime, souffrant légèrement de sa ressemblance avec celle du seigneur des anneaux. Au fur et à mesure des années, la ressemblance me choque de moins en moins, et au final, le fait qu’elle soit totalement orchestrale et d'influence très romantique assurera au film un devenir intemporel.
10/10