Avant la sortie du 4ème opus le mois prochain, je me suis fait plaisir en m’enchainant cette trilogie devenue culte. C’est la première fois que je me faisais les trois à la suite, alors que jusqu’ici je les regardais indépendamment, voire même dans le désordre. Une nouvelle perspective puisque il est étonnant de voir a quel point chaque épisode répond aux autres par ses codes, ses références et son intrigue. Une trilogie incontournable dans la carrière de
Wes Craven, l’aboutissement de son travail depuis ses débuts 20 ans plus tôt. Il suffit de regarder sa carrière pour se rendre compte que c’est un réalisateur paradoxal dans le monde du cinéma d’horreur. Il est ce qui est arrivé de mieux dans ce genre en participant activement au mouvement avec son Freddy, personnage devenu culte qui engendra une saga inégale mais adulée. Mais il est aussi ce qui est arrivé de pire selon certains avec
Scream, qui failli tuer le genre qui ne s’encombrait alors pas de second degrés ni d’ultra-références.
Wes Craven devient un homme mal aimé par les fans pur et dur du slasher, genre qu’il porta pourtant aux nues. Bien sur, il serait dommage de s’arrêter a cette analyse rapide de
Scream, tant il est, au-delà d’un divertissement agréable, une analyse pointue du genre et son renouvellement.
Scream, c’est avant tout la rencontre entre deux hommes.
Wes Craven d’un côté, ancien prof de philo devenu cinéaste. Et
Kevin Williamson de l’autre, acteur qui tente de faire son trou sans y parvenir et se tourne vers l’écriture. Son premier scénario peine pourtant a convaincre a tel point qu’il le portera a lui-même l’écran en 1999 (
Ms Tingle). Son deuxième scénario finira dans les mains de
Wes Craven, qui voit l’occasion de relancer sa carrière.
Scream sort donc en 1996 et fait l’effet d’une bombe. Il marque la fin du film d’horreur sérieux et crade et le début d’une approche très "teenage", voire grand public, du genre. On parlera alors de néo-slasher dont
Scream sera l’étendard, mais aussi le seul digne représentant. Tout le monde veut faire son
Scream, mais personne n’y parvient, et nos salles de cinéma chéries seront envahies d’avatar tous plus ridicules les uns que les autres. Hommage à Carpenter, rempli de clin d’œil, ultra référencé, bourré d’ironie,
Scream s’impose comme étant un essai sur les codes de son propre genre, allant jusqu'à les tourner en dérision. Le duo
Craven/
Williamson dépoussière tout un genre en le critiquant et en l’inventant de nouveau.
L’histoire en elle-même est assez banale : un tueur au couteau poursuit et assassine de jeunes adolescents d’une bourgade pourtant paisible des Etats-Unis. Rien d’extraordinaire de ce côté malgré le côté alambiqué de la progression. Mais c’est vraiment ce traitement spécifique et ce ton cynique qui fera de
Scream une réussite. On assiste a une totale mise en abyme du genre. Il suffit de se rappeler de la scène d’intro pour s’en rendre compte. Une jeune femme, qui finira pendue à un arbre et étripée, se fait harceler au téléphone par un tueur dont chaque phrase fait écho à l’imagerie et a la culture du film d’horreur. On est prévenu d’emblée, on aura affaire a un film qui ne se prend pas au sérieux, revisite un genre a tout les niveaux et parcouru de références aux films dont il est le descendant. Mieux, il le réinvente avec notamment la figure du tueur. Ici, pas de croquemitaine invincible, mais des tueurs sous un masque. Et c’est ce masque, ce fameux GhostFace, qui deviendra l’emblème de la saga. Le meurtrier, qui change a chaque film, n’est identifié que par son déguisement et se prend des tatanes a tout va par ses victimes, des portes de frigo et des bouteilles dans la gueule. Bref ce n’est qu’un homme après tout.
Usant jusqu'à la corde les plus gros clichés du cinéma d’horreur, en les tournant en dérision et en les exploitant d’une manière nouvelle,
Craven et
Williamson s’en donnent a cœur joie. Quel plaisir de voir des potes disserter sur les 5 règles à suivre pour survivre dans un film d’horreur ou sur la cage thoracique de Jamie Lee Curtis, prévenir la police par Internet et non par téléphone, donner des coups de pieds au tueur dans les parties… Une relecture totale du genre en somme.
Parmi le casting, pas de tête d’affiche, mais de jeunes acteurs dont le trio principal deviendra lui aussi indissociable de la saga.
Neve Campbell tout d’abord campe le personnage central du film, jeune étudiante dont les démons du passé ressurgissent pour son grand malheur.
Courteney Cox incarne une journaliste prête à tout pour couvrir un scoop, et qui y parviendra.
David Arquette joue un flic un peu gauche qui passera proche de la mort à chaque opus. Autour de ce trio, voire quator si on considère le GhostFace, gravite quelques acteurs eux aussi quasi inconnus ou dont le nom évoque vaguement quelquechose. Et pour cause, la plupart sont des acteurs issus de séries télé, fait rare à l’époque dans un film. De ces seconds rôles les acteurs se délecteront de distiller faux indices et pistes fallacieuses.
Mais si
Scream est une réussite, c’est aussi parceque c’est un film efficace. Ici, pas de tripailles a tout va, pas de nudité, ou seulement suggérée, pas de frousse marquante. En donnant au slasher une identité tout public,
Craven s’éloigne des canons du genre auquel il apporta tant. Sa patte est facilement reconnaissable, il est donc aisé de reconnaitre a travers son style passe partout qu’on tient ici sa propre réflexion sur le genre, un bilan de sa carrière et un aboutissement de son travail mené depuis 20 ans. Je n’ai bien sûr pas l’intention de porter ce film aux nues, il n’est pas exempt de défaut, mais son efficacité, la dérision dont il fait preuve et son originalité font que je ne peux que le ranger au côté des réussites du genre.
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