Pour son second film,
Paul Thomas Anderson se lance dans un projet ambitieux et nous livre une belle chronique américaine des années 70-80 en s’inspirant d’évènements réels auxquels il avait déjà consacré un court-métrage :
The Dirk Diggler story. Avec ce film, il commence à s’orienter vers le film chorale qu’il explorera encore d’avantage avec
Magnolia.
Pour retracer cette période, il décide de s’intéresser au parcours d’un producteur de films porno et surtout d’une star montante qu’il va prendre sous son aile :
Dirk Diggler. On y suit son ascension fulgurante de jeune serveur à star du porno grâce à un accessoire particulièrement bien dimensionné puis sa chute avec celle de cette industrie dans les années 80. Dans une société en éternelle évolution, il faut faire les bons choix si on ne veut pas se retrouver hors du coup …
A travers cette industrie de la pornographie, le réalisateur trouve le sujet de fond parfait pour montrer l’évolution de la société américaine à la fin des années 70. Avec les années 80 arrivent la fin de la liberté sexuelle prônée par les hippies et la fin d’une exploitation du film pornographique en salle au profit d’un marché en vidéo. Le puritanisme américain revient sur le devant de la scène et si on s’y oppose, on finit sur le côté de la route.
Le film se divise d’ailleurs clairement en 2 parties, le réveillon de passage à la nouvelle décennie servant de scène charnière. Lors de cette soirée, on voit Jack Horner refuser la proposition de Floyd Gondolli qui causera sa perte, on voit le personnage interprété par
William H. Macy mettre définitivement fin aux années d’infidélité de sa femme mais on voit aussi les prémisses d’une homosexualité affirmée à travers le personnage joué par
Philip Seymour Hoffman. Par l’intermédiaire de cette séquence,
Paul Thomas Anderson annonce le point de rupture qui causera la perte de ses personnages.
Cette rupture se fait également par l’intermédiaire de la musique qui a une place relativement importante dans le film. Alors que toute la première partie du film était bercée par la musique "disco", on passe soudainement à une musique plus "funk" qui marque là aussi un changement important. Le personnage joué par
Don Cheadle était un gros has been qui n’avait pas réussi à s’adapter à la période disco et était resté en mode "country". L’émancipation des blacks par la musique va lui permettre lui-même de s’émanciper et de tourner la page sur son passé d’acteur porno.
DISCO
FUNK
Côté mise en scène,
Paul Thomas Anderson confirme tout son talent en livrant un film de 2h30 parfaitement rythmé devant lequel on ne s’ennuie jamais. Sa mise en scène en éternelle mouvement rappelle forcément celle de
Martin Scorsese qui semble être une véritable source d’inspiration pour le réalisateur. A cela, il faut ajouter un excellent travail sur la photographie, les décors et les costumes. On a réellement l’impression de plonger dans cette période comme si nous y étions.
Pour ce qui est du casting, c’est là qu’on retrouve l’influence de
Robert Altman. Le réalisateur a réussi à créer un noyau dur d’acteurs qui reviendront de film en film (
William H. Macy,
John C. Reilly,
Philip Seymour Hoffman,
Melora Walters, …) et qui donne l’impression que l’ambiance de tournage était vraiment excellente. Cela se ressent à l’écran. Et même si certains acteurs ont des rôles plus importants que d’autres, on a affaire à un vrai film chorale où chaque personnage apporte sa pierre à un tableau final.
Dans le rôle principal, le jeune
Mark Wahlberg est étonnant de naturel. Son personnage est parfaitement écrit et son évolution semble inévitable : il est rapidement dépassé par sa notoriété qui retombera tout aussi rapidement.
Burt Reynolds, quant à lui, livre son meilleur rôle en producteur à l’ancienne. Proche de ses acteurs, il voit le cinéma porno comme un art à part entière et préfère sacrifier sa carrière plutôt que de faire des sous produits. Tous les seconds rôles sont également fort bien écrit.
William H. Macy représente le problèmes liés au libertinage,
John C. Reilly joue le meilleur pote de
Mark Wahlberg qui lui restera fidèle en toute circonstance (voir la scène de l’enregistrement de l’album),
Heather Graham symbolise la jeune fille rapidement catégorisée comme pétasse sans cervelle parce qu’elle fait du porno et son modèle jouée par
Julianne Moore paye le prix de sa carrière en ne pouvant voir son enfant. Cette galerie de personnages est vraiment réussie et il n’y a rien à jeter.
Au final,
Paul Thomas Anderson livre ici une bien belle chronique d’une époque révolue et montre qu’il faut savoir évoluer avec son temps sous peine de rester sur le carreau. Sa mise en scène est de plus en plus classe et il a un vrai don pour tirer le meilleur de ses acteurs. Et en plus, je trouve que le film se bonifie avec le temps !