Certainement l'œuvre la plus "géologique" de l'écrivain de La Route, "De si jolis chevaux" est digne de figurer au rang des œuvres qui surprennent le plus. D'abord parce que l'on s'attend à quelque chose de sucrée, de beau, de niais mais vu l'auteur on sait très bien que ça ne sera pas le cas.
tout est là pour poser une quête initiatique sublime et ce n'est pas le cas. Le paysage est préhistorique, rocailleux, désertique, sec, les hommes sont muets, suspects, violents, l'ambiance est moins lourde que dans ses autres romans mais le no man's land se fait énormément ressentir.
Les protagonistes fuit leur pays pour trouver l'éden et s'y perdent corps et âme : à la fois l'amour des chevaux, l'amour d'un femme, la désillusion, la violence, l'éloignement, la solitude..
Toute l'intrigue ne repose que sur un fameux cheval finalement. Celui d'un jeune gamin paumé qui suit les deux jeunes adultes et devient une sorte de fardeau. Malgré tout une sorte de lien se créé.
Après une cavalcade pur récupérer le cheval perdu récupéré par de Mexicains, nos personnages vont tomber sur un ranch dans lequel ils vont travailler. John Grady Cole et la belle mexicaine doivent cacher leur amour, un drame survient et tosu sont séparés. Deux vont en prison, le jeune est abattu par la police etc...
L'intrigue est comme d'habitude assez spéciale à suivre: loin d'être linéaire il faut s'adapter à la ponctuation spéciale des romans de l'auteur et àsa manière d'amener les dialogues, d'organiser sa narration et de décrire les paysages très souvent avec une précision géologique experte et surprenante. Des comparaisons et des métaphores de génies, un style qui laisse bouche bée quand les images s'imposent au fer rouge dans notre imagination. Dans ce livre, le beau côtoie la violence, l'amour côtoie la haine, l'amitié côtoie une folie latente qui ne s'exprime que par à-coups et un passage exprime terriblement bien le fond même de ce premier tome de la trilogie des Confins :
" Il pensait que dans la beauté du monde il y avait un secret qui était caché. Il pensait que pour que batte le cœur du monde il y avait un prix terrible à payer et que la souffrance du monde et sa beauté évoluaient l'une par rapport à l'autre selon des principes de justice divergents et que dans l'abyssal déficit le sang des multitudes pourrait être le prix finalement exigé pour la vision d'une seule fleur."
Point barre.
hs: d'ailleurs on pourrait résumer les films de Terrence Malick de la même façon.
Quelques passages:
" Quand le vent était au Nord on pouvait les entendre, les chevaux et l'haleine des chevaux et les sabots des chevaux chaussés de cuir brut et le cliquetis des lances et le frottement continuel des barres des travois dans le sable comme le passage d'un énorme serpent et sur les chevaux sauvages les jeunes garçons tout nus folâtres comme des écuyers de cirque et poussant devant eux des chevaux sauvages et les chiens trottinant la langue pendante et la piétaille des esclaves suivant demi-nue derrière eux et cruellement chargée et la sourde mélopée sur tout cela de leus chants de route que les cavaliers psalmodiaient en chemin, nation et fantôme de nation passant au son d'un vague cantique à travers ce désert minéral pour disparaitre dans l'obscurité portant comme un graal étrangère à toute histoire et à tout souvenir la somme des vies à la fois séculaires et violentes et transitoires."" Dans cette fausse aube bleue les Pléiades semblaient s'élever et sombrer dans l'obscurité au-dessus du monde et emporter avec elles toutes les étoiles, le grand diamant d'Orion et Céphée et la signature de Cassiopée, toutes remontant comme une nasse marine à travers la nuit phosphoreuse."" Il se mit à la fenêtre du café désert pour observer les activités sur la place et il dit que le bon Dieu avait raison de faire que les jeunes qui commencent ignorent tout des vérités de la vie parce que sans cela ils n'auraient pas le courage de rien commencer."Le fameux "i'm a poor lonesome cow-boy" n'a jamais trouvé plus bel écho que dans la dernière page du roman (337-338). L'écriture est impériale. Un de mes McCarthy préféré.