Manhunter (Michael Mann - 1986) 8/10
Le profileur William Graham doit rempiler pour aider le FBI à identifier un serial killer qui commet un carnage chaque nuit de pleine Lune. Rentrant progressivement dans la logique du monstre, Graham doit solliciter l'aide d'un éminent psychiatre et néanmoins psychopathe, le docteur Hannibal Lecktor, qu'il avait précédemment incarcéré. Mais c'est jouer avec le feu, et Graham se retrouve une nouvelle fois à risquer sa vie dans sa poursuite du tueur...La première adaptation du roman de Thomas Harris Un des premiers films à privilégier la police scientifiqueManhunter est la première adaptation de Dragon rouge, roman à succès de Thomas Harris, surtout connu pour son Silence des agneaux, où Lecter (et non Lecktor comme ici) était incarné par un incroyable Anthony Hopkins. Ici, Leckter reste terrifiant, et les séquences qui le mettent en scène, si elles reposent moins sur l'acteur (Brian Cox, pas déshonorant, mais loin du charisme de Hopkins), n'en sont pas moins d'une belle efficacité.
Le style de l'auteur apparait ici surtout dans son sens du détail : Graham (William Petersen) mène une enquête minutieuse, et on insiste fortement sur les aspects techniques du meurtre : la police scientifique est la clé d'une grande partie de l'intrigue. En cela, le film annonce les séries contemporaines où cet aspect est désormais devenu un enjeu majeur sinon l'enjeu (Dexter et autres experts, parmi quelques exemples).
Un film formellement superbe La jeune fille qui n'a pas peur des fauvesSi manhunter reste intéressant sur le plan narratif, c'est, à mon sens, avant tout sur le plan formel que se trouvent ses qualités majeures. Accompagné d'une musique électronique planante (et qui pourrait en gêner plus d'un, mais pas moi : je suis né en 71, et les synthés, c'est mon dada, comme disait le poète), le film décline une investigation lente et minutieuse, où le suspense, à l'exception de quelques très brèves séquence qui évacuent la violence en peu de plans, règne surtout dans des salles de décision.
Le film s'attache aussi, dans une seconde partie, à nous exposer le tueur, ainsi que son attachement à une jeune femme aveugle. Dans une séquence qui est sans doute l'une des plus belles du film, il fait rencontrer un tigre à la jeune femme. Celle-ci n'a pas peur, et s'émerveille devant le fauve.
Du coup, le rythme du film reste lent, mais les séquences violentes sont d'autant plus brutales et saisissantes que la menace règne en permanence, et que l'atmosphère reste funèbre du début à la fin, notamment par le gimmick des films-souvenirs des familles massacrées que regarde Graham en permanence.
Un étonnant travail sur l'espace Un espace urbain aliénant et dangereuxCe qui me plait le plus, probablement, dans ce film, c'est l'usage que fait Mann de l'architecture, source visuelle de tous les maux. Les batiments sont écrasants, vides, aseptisés et sans vie. Soit, comme les lieux de crime, qu'ils ne contiennent que les traces des horreurs d'antan, soit comme les hotels ou commissariats, qu'ils soient déshumanisés et quasiment vides, avec une nette dominante blanche.
Le tueur lui même se terre dans une cabine de développement, un espace minuscule et coincé, entre quatre murs exigus. Plus tard, il jaillira même d'un mur, fendant l'affiche qui en dissimulait l'ouverture. Comme si cette thématique de l'enfermement mortifère était une des clés de la mise en scène du film, celui-ci insiste sur le lieu paisible où vit notre héros quand il est loin de l'horreur, dans un espace libre et sans limites (devant la mer). De même, après une nuit d'amour, la jeune aveugle attire notre tueur à l'extérieur, voir le lever du soleil. La visite d'intrus (la police) l'oblige à réintégrer les murs...
En tout cas, manhunter est à mes yeux une belle réussite, à la mise en scène léchée et élégante, au récit sombre et précis, à l'action courte et précise (le redoutable coup de fusil à canon scié de la fin est un moment saisissant, qui me reste en mémoire). Indéniablement supérieur à la version de Brett Ratner, Dragon Rouge, même si dans une ambiance très différente. Le Mann des années 80 est ici à son meilleur.
Des murs pour attirer le tueur... Début du film, idyllique, loin de la ville et de ses murs aliénants Fin du film, retour aux grands espaces sans murs...