True Grit de Ethan et Joel Coen
Les Coen canalisent leur fouge absurde en adaptant un western, récit classique avec un point de vue original, une verve racé, des gags savamment dosés malgré cela l’émotion tardive et l’action appétissante laissent un petit goût d’insatisfaction.
A travers un monologue narré sur fond de crime enneigé à lumière cendré, les frères coen posent les bases d’un film à la fois conventionnel et déroutant. Les yeux a priori innocent d’une petite fille de 14 ans délivre un langage adulte, True Grit joue constamment sur un décalage qui désarçonne le spectateur. Une véritable Coen touch ici minimisé permettant d’aborder le western de manière frontale : des meurtres montrés plein champ aux négociations âpres dans le but de poursuivre une vendetta.
L’introduction des deux shérifs est un modèle du genre, dans une reconstitution luxueuse Roger Deakins offre aux Coen une sublime lumière enfumée sacralisant ses personnages pour mieux les ridiculisé par la suite dans des joutes verbales délicieusement juvénile à l’accent prononcé. Un niveau d’excellence que l’on ne retrouvera que vers la fin du métrage entre temps les coen simplifieront leur réalisation annihilant toute ambigüité pour délivrer leur meilleure comédie depuis The Big Lebowski.
Le film à l’image de son héroïne délaisse petit à petit les cordes à deux grands enfants dans l’âme qui n’auront de cesse de se chamailler. Une étoile épinglée et un révolver affuté sont les seules choses qui démarquent le duo, des habituels loosers que les Coen aiment dépeindre. On assiste rapidement à un véritable concours de situation comique ou Jeff « Cogburn » Bridges exulte l’alcool contenu dans les pores de ses narines alors que Matt « LaBoeuf » Damon ne réduit pas l’allure de ses paroles même avec la langue tranchée.
True Grit sous la forme d’un road movie initiatique passe à vitesse grand V sur toutes les caractéristiques du Western. Genre genèse de l’histoire d’Amérique qui importe finalement peu aux frangins, tous les éléments clés y sont rapidement survolés : des grands espaces signes de libertés et de conquêtes. De ce point de vue, No Country For Old Men imposait un rythme plus lancinant et équilibré pour abordé le Western, ici tout semble un poil précipité pour délivrer un grand film.
On aurait tant aimé en avoir plus le finish, aussi efficace soit-il, laisse sur le palier deux rôles secondaires aussi géniaux qu’ils sont à peine effleuré. On reste sur un sentiment de frustration voir si brièvement deux grand acteurs : Josh «Chaney » Brolin demeuré, obstiné et Barry «Lucky Ned » Pepper intelligent et répugnant. On se consolera en repensant aux deux meilleurs passages central du film autant en terme de mise en scène que d’idée de situation : un aller-retour mortifère dans un bois magnifié et un duel de tir en plein air dantesque d’obstination désopilant.
True Grit finit sur une chevauché crépusculaire qui imprègne la rétine : piqure de rappel d’une virtuosité formelle retrouvé et d’une émotion trop longtemps délaissé par les frères Coen.
8/10