Full Metal Jacket de Stanley Kubrick
(1987)
Grand fan de Stanley Kubrick que je suis, je n'ai pourtant jamais considéré
Full Metal Jacket, sa seule incursion dans le film de guerre, comme l'un de ses meilleurs au même titre que
A Clockwork Orange ou
2001, A Space Odyssey même si je le considérais comme un grand film, comme la plupart des œuvres de sa filmographie. Ces derniers jours ont été l'occasion de revoir mon jugement quelques années après ma dernière vision du film, l'occasion de le redécouvrir totalement.
Soyons clair dès le début,
Full Metal Jacket est un film atypique, à l'image des autres films de Kubrick à partir du moment où on les comparent avec les autres œuvres du genre. Ainsi,
Full Metal Jacket est un film sur le Vietnam qui ne parle pas du Vietnam à proprement parler, l'histoire se concentrant bien plus sur le parcours de quelques soldats comme les autres, des parcours qui pourraient bien se trouver dans n'importe quel conflit post-Seconde Guerre Mondiale. Les combats sont donc rares,
Full Metal Jacket ne cherchant jamais à montrer de l'action pour de l'action, ainsi, la première moitié du film se concentre totalement sur l'entraînement des soldats pour donner plus d'impact à la seconde moitié, celle-ci se déroulant dans le pays en conflit. Étonnamment, c'est bien la première partie qui se trouve la plus réussie, car non seulement originale mais arrivant à traiter la militarisation d'une façon très brute, très froide, à l'image de la mise en scène de Kubrick qui, à force de travellings fluides et de plans fixes, arrive à créer une véritable distance entre l'action écranique et le spectateur. On ne cherche donc nullement à rentrer dans un processus d'identification aux différents personnages mais bien à rester spectateur de quelque chose qui nous dépasse. Ainsi, les passages presque oniriques traitant de la montée en puissance de la folie des personnages en deviennent véritablement dérangeants. Deux scènes particulières ressortent facilement du lot, tout d'abord l'apogée de la folie du personnage de Vincent D'Onofrio (qui trouve là certainement son rôle le plus marquant) ou encore la mise à mort du sniper vietnamien.
Pourtant,
Full Metal Jacket est loin d'être le film ultime sur le conflit vietnamien. Tout d'abord parce que le film est réalisé dans le milieu des années 80. De ce fait, Kubrick prend véritablement beaucoup trop de recul vis à vis de son sujet, au point de n'avoir presque plus aucune identité dans le sens où jamais le spectateur n'a la conviction de se retrouver dans cette guerre. Exit la folie, l'ampleur destructrice et la profondeur de
Apocalypse Now, exit la véracité et la puissance narrative de
Platoon, nous sommes ici bien en face d'un film froid, presque impersonnel au niveau du sujet mais totalement assumé qui le rend à la fois repoussant et passionnant. L'autre défaut du film vient de sa réalisation. Non pas qu'elle soit bâclée, loin de là, mais le fait est que l'on a déjà Kubrick bien plus inspiré. Ici, hormis quelques passages surprenants (la tension lors de la scène du sniper, les scènes oniriques, les passages en steady-cam suivant les Marines), on a l'impression de se retrouver devant un mélange de la presque totalité des gimmicks de mise en scène de Kubrick, ce qui renforce le problème d'identité du film et qui l'empêche d'être aussi marquant que certains films du cinéaste.
Mais que l'on ne si trompe pas :
Full Metal Jacket est clairement un grand film, une œuvre qui aura ouvert la voie à des films de guerre plus originaux en terme de narration. Avec cet opus guerrier, Stanley Kubrick prouvait une fois de plus qu'il pouvait tout traiter à sa manière de façon marquante sans tomber dans le hors-sujet, la marque des plus grands réalisateurs.
NOTE : 8/10