PUBLIC ENEMIES de Michael Mann
Presque 15 ans après le phénoménal Heat, Michael Mann revient au film de braquage avec Public Enemies, une histoire inspirée de la vie de John Dillinger, braqueur de banque et ennemi public n°1 des U.S.A durant les années 30, qui sera traqué par l'agent du futur F.B.I Melvin Purvis.
Pour incarner Dillinger, il confie le rôle à Johnny Depp, choix plutôt surprenant de la part du réalisateur, puisque Depp se contente de cabotiner depuis 10 ans chez Burton ou Verbinski dans des rôles écrits sur mesure. Est-il encore capable d’incarner avec justesse un personnage ancré dans le réel, aux émotions très mesurées, à l’opposé de ses rôles récents ?
Clairement oui, puisque c’est sans doute le meilleur rôle de Depp depuis longtemps (From Hell ?), il incarne parfaitement cette figure mythique du gangstérisme, contrôle son jeu et il est vraiment crédible et charismatique dans un rôle peu évident. Il est magnifié et iconisé avec brio par la mise en scène de Mann, qui abuse cependant des cadres très serrés.
Face à lui, on retrouve Christian Bale dans le rôle de Purvis. Il assure plutôt bien en agent du F.B.I peu expressif et adepte de l'action, même si le scénario ne lui permet pas une grande liberté de composition, le personnage étant assez sous-exploité.
Pour accompagner ces deux têtes d'affiche, il fallait bien évidemment un gros casting de seconds rôles. Sur ce point, c'est vraiment royal : Billy Crudup impeccable en Hoover, Stephen Graham bouffe l'écran à chaque apparition en Baby Face Nelson (dés que son perso apparait, l'ambiance devient tendue, comme avec Pesci dans Goodfellas), on retrouve aussi Stephen Lang qui a droit à une super scène dans les bois,un bref passage de Giovanni Ribisi ou encore Stephen Dorff. Du tout bon, même si le scénario ne leur laisse guère de place.
Comment ne pas parler du rôle principal féminin, celui de Billie Frechette, la compagne de Dillinger. En sachant que la majeure partie de la psychologie du personnage de Dillinger repose sur cette idylle, il est étonnant de voir que c'est Marion Cotillard que Mann ait choisi. Malheureusement, n'étant pas une bonne actrice, elle n'arrive pas à donner de l'intensité à son personnage, et ruine en grande partie la love story sensée émouvoir le spectateur. A aucun moment je n'ai cru à cette histoire d'amour, trop rapidement traité, pas assez incarné.
Il serait temps que les réalisateurs étrangers comprennent qu'elle n'est pas à la hauteur des rôles qu'on lui confie, puisqu'elle a récemment récidivée chez Nolan.
La seule scène où elle joue correctement
Hormis cette erreur de casting, le principal souci de Public Enemies, c'est son scénario. Trop centré sur Dillinger, trop elliptique et s'attardant sur les points les moins intéressants de sa vie, il ne laisse pas vraiment exister les autres personnages et les sous intrigues qui auraient pu être passionnantes, notamment la création du F.B.I et la confrontation entre Hoover et l'administration (un film signé Eastwood devrait bientôt rattraper cette lacune).
Les séquences s'enchainent vraiment trop vite, les liens humains entre Dillinger et ses hommes de main ne sont quasiment pas traités, et ce rythme haletant ne laisse pas de place à l'émotion (ce qui n'a que rarement été le cas chez Mann de toute façon).
Coté réalisation, c'est vraiment classe, hormis quelques cadrages vraiment trop rapprochés, l'utilisation de la HD qui aurait pu s'avérer anachronique est bien gérée et donne lieu à des plans superbes (la scène dans les bois avec Purvis qui mitraille debout sur la voiture
).
Les gunfights sont plutôt bien faits, avec néanmoins un coté chaotique absent de Collateral ou Heat (la fusillade dans la cabane notamment). Les mitraillettes à l'ancienne type Thompson, c'est rare et toujours très classe, et Mann les mets bien en valeur.
La photographie de Dante Spinotti (Heat, Revelations ou encore Le Dernier des Mohicans) est comme d'habitude magnifique et le score d'Elliot Goldenthal en parfaite adéquation avec l'époque dépeinte.
Après un Miami Vice joli mais très creux, Mann relève tout de même bien le niveau. Avec un scénario qui laisse plus de place aux personnages et avec un autre choix pour le rôle féminin, il aurait sans doute atteint la qualité exemplaire de ses meilleurs films. En l'état, Public Enemies est un bon film, parcouru de petites touches géniales et d'excellents acteurs, mais qui reste trop superficiel pour devenir un classique !
7,5/10