NO LIMIT de Gregor Jordan
En voilà une sacrée surprise ! Pensant que c’était encore un film pro-américain sur fond de terrorisme, je l’avais volontairement mis de coté.
Monumentale erreur puisque le film s’avère plutôt réussi, et surtout bien loin des clichés du genre, repoussant souvent les limites du politiquement correct et questionnant le spectateur sur ses propres convictions.
Et c’est bien là la grande force du film, le scénario étant suffisamment malin et les acteurs très bons pour faire ressentir au spectateur un maximum d’émotions, parfois contradictoires.
« Jusqu’où irez l’Etat pour sauver 10 millions de personnes ? », voilà la question majeure posée par le film. Et force est de constater que la réponse n’est pas évidente, ni pour les personnages, ni pour le spectateur.
Cette thématique est symbolisée dans le film par la confrontation entre le perso de Samuel L Jackson, H, un agent Black Ops dont la spécialité est la récupération d’informations par la torture physique et mentale, et celui de l’agent du FBI Helen Brody, jouée par Carie-Anne Moss, qui travaille dans les règles de l’art et dont la morale va bientôt être mise à rude épreuve.
Car ses deux personnages seront vite confrontés à un terroriste musulman (interprété par un Michael Sheen excellent), assez atypique pour un film U.S, (il est blanc et américain) et qui affirme avoir posé trois bombes nucléaires dans trois villes américaines. Pour lui faire avouer la position des explosifs, l’armée (sur ordre du gouvernement) va bientôt demander les services de H et de ses méthodes bien particulières pour faire avouer le suspect.
La première partie du film insiste principalement sur la moralité et les réactions de chacun des protagonistes vis à vis de la torture. Les hauts gradés insistent pour que H continue jusqu’aux aveux (tout en ne donnant pas leurs accords explicitement), le FBI s’indigne et le terroriste ne parle pas. Une première partie assez posée, intéressante dans sa réflexion mais trop fonctionnelle dans sa réalisation.
Mais, au bout d’une heure de métrage, le film va prendre une autre tournure, plus extrême, plus inquiétante, où tous les persos, y compris l’agent Brody , cautionnent la torture ou presque et H va de plus en plus loin, jusqu'à l’impensable du titre original (le coup de la femme du terroriste, j’ai halluciné
), et à partir du moment où les rôles vont s’inverser, le doute va de plus en plus s’immiscer dans la tête du spectateur.
Finalement, H (et donc le gouvernement) aurait il raison d’employer la torture ? Le terroriste ment-il sur la nature des bombes, leurs emplacements, leurs nombres ?
Cette réponse sera délivrée dans un dernier plan couillu, renvoyant le spectateur fasse à sa propre conscience (même si cette révélation finale cautionne les méthodes de H)
En tout cas, vu la teneur polémique du film, je comprends mieux pourquoi il est sorti en catimini aux US et en dtv chez nous et en Angleterre. Même si le film donne finalement raison aux méthodes du tortionnaire, il n’en est pas moins une violente charge contre la politique anti-terroriste des années Bush.
Pour conclure, No Limit est une belle réussite, fort bien écrite et interprétée (à noter Brandon Routh et Benito Martinez dans deux mini rôles), qui manque néanmoins d’une réalisation plus musclée, plus percutante pour appuyer un scénario au ton aussi radical.
7/10