[groo] Mes Critiques en 2011

par **groo** » Ven 07 Jan 2011, 15:40

Allez, hop !
Début d'année et bonnes résolutions obligent, je vais tenter de faire quelques critiques à mon tour.

Films vus en 2011
Janvier : 36 films vus - film du mois : Incendies (D.Villeneuve - 2011)

Février : 34 films vus - film du mois : Portrait of Jennie (William Dieterle - 1948)

Mars : 41 films vus - film du mois : orgueil et préjugés (Joe Wright - 2005)

Avril : 67 films vus - film du mois : Murder by Contract (Irving Lerner - 1958)

Mai : 39 films vus - film du mois : Vincent, François, Paul et les autres (Claude Sautet - 1974)

Juin : 44 films vus - film du mois : Les contes cruels du Bushido (Tadashi Imai - 1963)

Juillet : 31 films vus - film du mois : Underworld (Josef von Sternberg - 1928)

Août : 41 films vus - film du mois : L'heure suprême (Frank Borzage - 1927)

Septembre : 42 films vus - film du mois : L'Apollonide, souvenirs de la maison close (Bertrand Bonello - 2011)

Octobre : 43 films vus - Film du mois : The ox-box incident (William Wellman - 1942)

Novembre : 43 films vus - Film du mois : The Movie Orgy (Joe Dante 1968)

Décembre : 44 films vus - film du mois : Mission impossible - le protocole fantôme (Brad Bird - 2011)

par **groo** » Ven 07 Jan 2011, 16:28

CITY GIRL (F.W.Murnau - 1930) 8,5/10

Lorsqu'il part pour New York vendre la récolte de l'exploitation familiale, Lem rencontre Kate, jeune fille qui rêve de fuir la vie urbaine pour la campagne, et l'épouse. Le jeune couple rentre bienheureux au Minnesota, mais ce choix n'est pas au gout du père de Lem, homme austère et dur, qui s'interposera entre les jeunes époux. Le film traite donc de cette situation d'autant plus difficile que la récolte elle-même est prise en étau entre plusieurs dangers, grèves des saisonniers et tempête de grèle...

Un film d'une incroyable fluidité

La première chose qui frappe devant ce film, c'est la modernité de son découpage. Les plans sont brefs, précis, la caméra est mobile, ses mouvements épousent ceux des acteurs. On est dans un film muet, certes, mais à un niveau où l'expression par la mise en scène a atteint une sorte de sommet : chaque séquence est à la fois drole et prenante, on ne voit pas le temps passer, les acteurs, Mary Duncan et Charles Farrel, sont justes et vivants (ce n'est pas la première fois qu'ils jouent ensemble, ni même avec Murnau, pour qui ils ont déja tourné La femme au corbeau). Les séquences des premières rencontres du couple dans un diner's en ville sont aussi romantiques que droles.

Un réalisme quasi-documentaire

Tourné en décors naturels, le film révèle un mode de vie dur et peu documenté, celui des grandes exploitations fermières d'avant la crise de 1929. On assiste à la moisson, à l'arrivée des travailleurs saisonniers. On se dit immédiatement en voyant ce film quelle influence il a dû avoir sur Les moissons du ciel (Terrence Mallick, 1978). La caméra s'attarde sur les machines, sur la journée de travail, avec sa pause déjeuner, les blagues échangées entre les ouvriers... On est constamment intrigué ou charmé (les cadrages sont toujours d'une très grande précision, on a presque affaire à des tableaux, mais ils n'ont rien de figé).

Une oeuvre abimée

Voici Kate prise au piège d'une vie dont elle ne soupçonnait pas la dureté

Il s'avère néanmoins que le réalisateur n'a pu achever son montage comme il l'avait entendu (le titre d'origine était "notre pain quotidien"), et il est clair qu'il s'intéressait plus aux conditions de vie des fermiers qu'à l'histoire d'amour naïve du film. On sent donc la patte d'une production interventionniste, divers quiproquos interviennent, qui affaiblissent la force du récit, qui n'avait pas besoin de ce coté vaudeville pour passionner. Trop centrée sur les facheries du couple à un moment donné, le film perd donc un peu de sa tension. Heureusement, il finit par retrouver sa force, essentiellement grace à des plans de toute beauté et à des comédiens superbement filmés (la figure du père, fermier sévère et dur, est fascinante, et un peu inquiétante à la fois). Après ce film, Murnau ne réalisera qu'une autre oeuvre, elle totalement documentaire, Tabou. Il reste, sur le plan formel, comme l'un des plus grands cinéastes de la période muette.

Au final, City Girl est un très beau film, surprenant par sa modernité, dont la légère faiblesse réside dans son coté vaudevillesque un peu artificiel. Je ne saurais trop en recommander la vision aux amateurs de cinéma muet.

8,5/10

par **alinoe** » Ven 07 Jan 2011, 16:47

Superbe première critique : très bien rédigée, passionnante et enrichissante.

par **groo** » Ven 07 Jan 2011, 17:14

Merci.

Je vais essayer de me tenir à l'exercice sur une base régulière, mais ça suppose de m'attaquer à cet immense poil qui me pousse dans la paume de la main.

par **Alegas** » Ven 07 Jan 2011, 17:25

Ah bah je l'ai reçu en blu-ray avec L'Aurore pour noël dernier et je l'ai toujours pas vu, du coup tu me donnes envie de me le visionner très prochainement !

par **groo** » Ven 07 Jan 2011, 17:54

REPO MAN (Alex Cox, 1984) 5/10

Otto Maddox (Emilio Estevez), jeune punk désoeuvré et sans le sou, découvre le curieux métier de Repo-man, qui consiste à saisir les biens achetés à crédit en cas de retard dans le paiment des échéances. Sous la tutelle de Bud (Harry Dean Stanton), il apprend les ficelles d'un métier déjanté où tous les coups sont permis. Jusqu'à ce qu'il croise le parcours d'un véhicule réclamé pour une valeur totalement disproportionnée, aux étranges propriétés...

Un film totalement déjanté

Repo Man est avant tout un film délirant, qui mélange toutes sortes de thématiques, complots de l'état (Men In black & aliens), musique punk, fonds social... Chacun des personnages croisés dans le film est outré dans le délire (les repo-men tricotent entre deux missions, par exemple). Transgressif, le scénario vise donc à déjouer systématiquement les attentes, à décontenancer. Mais ce grand délire n'a pas totalement pris sur moi : entre deux tirades sur le code de l'honneur des repo men ou de mollassonnes courses poursuites en voiture, le film peine à soutenir l'intérêt, et ne parvient pas à donner une forme à ce qui n'est, au final, qu'un entassement d'idées loufoques, même si certaines en sont néanmoins excellentes. Le principal moteur du spectateur est donc la surprise : "qu'est-ce qu'ils vont inventer encore ??"

Une bande sonore rock'n'roll

Avec son coté "Blues brothers" version punk, sa B.O. pleine de groupes punks et globalement composée par Iggy Pop, le film marque par sa musicalité, il s'inscrit totalement dans la punk-attitude de la période. Mais il ne parvient pas à en porter l'énergie ou le rythme. Les acteurs, en revanche, sont dans le ton, notamment Harry Dean Stanton qui fait un repo-man aux valeurs affirmées, celui à qui on ne la fait pas, souvent très rigolo.

Deux comédiens très sympa

Un délire dans l'air de son temps

Le film délire tout de même beaucoup

Le film est donc devenu culte pour sa bande son, et pour ses délires narratifs : effets spéciaux simplissimes (on pense aux envahisseurs), répliques provocantes pour un oui pour un non, assertions antisociales qui tombent justes, on comprend qu'il s'attire les sympathies. Vingt ans plus tard, qu'en reste-t-il ?? Le témoignage d'une époque, des acteurs sympathiques, une musique plaisante, quelques idées farfelues... Mais, si l'on garde une indéniable sympathie pour le film, c'est un peu court.

5/10

par **groo** » Ven 07 Jan 2011, 17:56

Alegas a écrit:Ah bah je l'ai reçu en blu-ray avec L'Aurore pour noël dernier et je l'ai toujours pas vu, du coup tu me donnes envie de me le visionner très prochainement !

Je serais curieux d'avoir ton avis, mais je pense que ça te plaira.
Certains travellings, notamment, sont drolement efficaces, à une époque où la steadicam n'existait pourtant pas (ainsi lors d'une course dans les champs filmée par une caméra qui va aussi vite que les coureurs)...

par **Alegas** » Ven 07 Jan 2011, 17:58

Déjà L'Aurore m'avait impressionné par sa technique très en avance pour son époque. Si City Girl est du même acabit, ça devrait le faire.

par **zack_** » Sam 08 Jan 2011, 21:52

Je connaissais pas ce Repo Man qui me fait penser à Repo Men sorti l'année dernière même si ce dernier développe plus le coté humain et boucherie que celui de 1985 qui a priori reste que matériel sur les saisis au vu de tes écrits.
Tu l'as vu le remake? Y a des similarités ou rien à voir ce n'est juste qu'un titre en relation aux repurchase agreements?

par **Heatmann** » Sam 08 Jan 2011, 23:11

ahhh les film de alex cox c'est toujour des grand moment , moi j kiff

d'ailleur l'anne derniere il a sortie Repo-chick en dtv :super:

par **groo** » Dim 09 Jan 2011, 15:21

zack_ a écrit:Je connaissais pas ce Repo Man qui me fait penser à Repo Men sorti l'année dernière même si ce dernier développe plus le coté humain et boucherie que celui de 1985 qui a priori reste que matériel sur les saisis au vu de tes écrits.
Tu l'as vu le remake? Y a des similarités ou rien à voir ce n'est juste qu'un titre en relation aux repurchase agreements?

Je n'ai pas vu ce film récent, mais autant je pense que le titre exploite la notoriété (relative, mais bon) du film de 1985, qui a vraiment ses fans purs et durs, autant je ne pense pas qu'il y ait de lien thématique (sinon par le métier de repo-man). En revanche, le Repo-chick dont parle Heatman est clairement une suite. Je serais curieux de voir ça, d'ailleurs...

par **groo** » Lun 10 Jan 2011, 16:21

SIXIEME SENS (Night M. Shyalaman, 1999) 10/10

A la suite d'une agression par un de ses anciens patients, le docteur Malcolm Crowe (Bruce Willis), psychologue pour enfants, trouve l'occasion de se réhabiliter en aidant un jeune garçon asocial et problématique.

SPOILERS - JE RECOMMANDE A QUICONQUE N'A PAS VU LE FILM DE NE PAS ALLER PLUS LOIN

Un scénario admirable, qui multiplie les niveaux de lecture

Un film de fantôme qui évoque les terreurs enfantines... Mais pas seulement

Troisième film du réalisateur Night M. Shyalaman, Sixième sens est celui qui révèle au grand public ce talentueux réalisateur. Son récit est remarquablement astucieux, et mène le spectateur par le bout du nez, malgré de nombreux signes visibles du secret révélé à la fin. Aussi, c'est un film qui tolère formidablement la révision, sans pour autant s'épuiser. Car de nombreuses histoires s'entrecroisent dans le film, et leurs enjeux apparaissent selon l'angle sous lequel on regarde le film.
Ainsi, lors d'un premier visionnage, Sixième sens est souvent perçu comme un film d'horreur prenant, terrifiant, mais aussi troublant par sa révélation finale. Un film de fantômes avec quelque chose en plus...
Lors d'un second visionnage, le spectateur aura tendance à vérifier les éventuelles incohérences, maintenant qu'il sait. Mais le film tient formidablement la distance, et on avait tout à fait les moyens de deviner la fin si l'on est vraiment attentif. On se retrouve avec un film malin et brillant, et l'on se laisse généralement séduire par l'élégance de la mise en scène.
C'est après ce second visionnage que les choses deviennent vraiment intéressantes : car une fois passée la peur, la surprise, et le scepticisme, le film ne se réduit pas à rien. Son récit, d'une force poignante, est celui d'un homme en quête de rémission : condamné pour n'avoir pas su écouter un patient (il le croyait fou, alors qu'il voyait réellement des spectres), il bénéficie d'une deuxième chance. Ce récit, également, est celui d'un homme qui a perdu sa femme, qui ne peut plus parler avec elle, et qui en souffre. Les dernières scènes, lorsque le personnage de B.Willis discute avec sa femme, sont très émouvantes, très belles (ce qu'on n'aperçoit pas forcément lorsqu'on est frappé par la révélation du film).
Mais le récit est aussi celui d'une mère célibataire qui se bat pour son fils sans le comprendre, sans pouvoir communiquer avec lui. Résultat, elle s'inquiète à mort, et lui n'ose lui dire son secret, de peur qu'elle le prenne pour un monstre. Aussi s'efforce-t-il de produire les signes de la normalité. Le moment de la révélation, dans une voiture, est lui aussi vraiment très émouvant. Là encore, la communication s'établit entre les morts et les vivants, puisque, pour convaincre sa mère, le jeune Cole lui transmet des paroles de sa mère à elle. Rétablissant ainsi les échanges affectifs, le jeune Cole est guéri, et sa mère comprend enfin.
La maestria avec laquelle s'enchevêtrent les récits est proprement merveilleuse : selon la lecture, on passe d'un film de fantômes à un film d'amour, ou à un mélodrame familial. Et le tout tient très bien ensemble.

Une mise en scène très léchée

Night M. Shyalaman met en place ici tout un dispositif de mise en scène qui joue sur de nombreux tableaux.
Notamment au niveau de la couleur, le réalisateur sait jouer, dans une photographie globalement grise et terne, de la couleur rouge qui semble toujours accompagner les moments où surgit le surnaturel.
L'utilisation de la belle bande sonore de James Newton Howard pour créer et entretenir la tension est d'une précision diablement efficace.
Enfin et surtout, les mouvements de caméra orchestrés par Monsieur Shyalaman sont de toute beauté. Au point qu'on a pour un temps affirmé que le réalisateur était le "fils sprituel" de Spielberg. Vrai ou non (pour ma part, je ne partage pas cette façon de voir), cela en dit long sur le talent de la mise en scène. Car l'orchestration de la peur champs/hors-champs est ici d'une redoutable efficacité. Et il faudrait aussi parler de la force de certains travellings caméra à l'épaule (le plus souvent en steadicam) qui créent une tension dans des plans de toute beauté...

Un casting de premier ordre

Enfin, la force du film repose aussi sur le jeu des comédiens, remarquablement dirigés ici. Sans cabotinage, Bruce Willis incarne un homme triste (ça se lit dans ses yeux, comme le dit Cole), Haley Joel Osment s'avère être la grande révélation du film, tant son jeu, toujours entre l'effondrement nerveux et le besoin de s'ouvrir aux autres, porte la plupart des scènes de dialogue avec Bruce Willis. Car la thérapie repose avant tout sur la parole et l'échange, et, ici, les dialogues entre les deux comédiens parviennent à rester juste et intrigantes, voire à émouvoir (notamment lors des adieux finaux). Enfin, Toni Colette, une de mes actrices favorites, montre ici encore une sensibilité frappante, et convainc parfaitement en mère célibataire se débattant avec les problèmes de son fils. Enfin, Olivia Williams, peut-être un chouia en dessous, reste néanmoins juste et belle, émouvante lorsque l'on comprend qu'elle porte le deuil.

De très belles scènes de dialogue

Au final, Sixième sens m'apparait comme un des meilleurs films de la décennie 90, et on a pu voir par la suite tout le talent de son réalisateur, même si ses derniers films ont été moins convaincants, Shyalaman reste encore capable de tourner de fort belles oeuvres à venir. Il restera en tout cas à mon sens comme un des grands réalisateurs de la décennie 2000.

10/10

par **Scalp** » Lun 10 Jan 2011, 19:58

T'as oublié la note ( edit : ah bein c'est bon elle est dans le récapitulatif de ton premier post ) du 10 bien généreux là quand même :mrgreen:

par **Jeff Buckley** » Lun 10 Jan 2011, 20:50

J'attends avec impatience les critiques de
Le masque de fer
On acheve bien les cheveaux

Celle de City Girl me confirme la nécessité de me procurer le coffret 2 films de Murnau en Blu Ray avec L'Aurore : méga schwing.

par **groo** » Mar 11 Jan 2011, 10:08

Scalp a écrit:T'as oublié la note ( edit : ah bein c'est bon elle est dans le récapitulatif de ton premier post ) du 10 bien généreux là quand même

Le fait est que j'ai toujours du mal à noter, et qu'étant un grand amateur de films, j'ai tendance à noter de façon "trop" généreuse : au final je note moins le film que le plaisir que son visionnage me procure, et comme je suis content rien que d'être assis devant un film, ben, la note est souvent bonne.

Cela dit, dans le cas de Sixième Sens, je ne l'avais pas noté aussi haut à la première vision. Mais plus je le revois, plus je le trouve bien fichu. D'où la très bonne note. :wink:

EDIT : J'ai rectifié la mise en page de mes titres, histoire que ça soit plus lisible. :wink:

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City girl - 8,5/10

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Sixième sens - 10/10

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