IMPITOYABLE
Chef d'oeuvre incontesté,
Unforgiven porte en lui d'innombrables qualités portées par une icône du cinéma mythique et immortelle, Dieu unique d'un genre mourant.
Le classicisme de la mise en scène couplé à un travail photographique d'une beauté imparable, le meilleur western de
Clint Eastwood empoigne toute une série de thèmes et de codes d'un genre pour leur rendre hommage en les sublimant par une volonté artistique empreinte de poésie, de mélancolie, de violence sourde, abyssale, profonde et d'une intensité dramatique unique. Jamais un western n'avait été aussi bien écrit. Une plume littéraire et patiente. La caméra prend son temps, les plans en disent longs et la douceur de travellings rappelle que l'académisme maitrisé offre des films inoubliables.
Eastwood s'entoure de Lennie Niehaus pour la musique et son travail exalte une œuvre hautement symbolique puisqu'elle signe à la fois la fin d'un genre tant aimé et tant mis en scène, mais aussi à la fois sa résurgence par l'envie de faire quelque chose de différent en démythifiant certains codes. Une sorte d'Adieu et de testament du western spaghetti et crépusculaire sur une mise en scène classique impériale.
Émotions exacerbées grâce à une interprétation magistrale de Clint et un casting en or, le background des personnages du film ainsi que leurs ambitions, leurs vies et leurs démons permettent au métrage de gagner encore en crédibilité. Rien n'est laissé au hasard. Les protagonistes ont du relief : ils sont touchants, repoussants, attirants, charismatiques, faibles, forts, humains et tueurs... mais chacun emprunte une route différente.
Résonne en lui toute une époque cinématographique dont la richesse pourtant insondable devenait peu à peu redondante.
Eastwood dresse donc le portait d'un homme autrefois rongé par la haine, l'alcool et la folie. Un tueur sans pitié dont le mythe grandit de minute en minute par le biais de courts dialogues nostalgiques. A l'instar de 7 mercenaires qui était une œuvre testamentaire d'un genre d'hommes et de mode vie, Unforgiven insiste sur le passé qui hante, qui poursuit et dont on ne se défait jamais totalement. Inconsciemment renié mais totalement assumé par Wiliam Munny, le passé crépusculaire du bonhomme est clairement abscons. On ne saura jamais vraiment qui il était ni pourquoi une telle folie l'animait. L'alcool est souvent cité mais on sait bien que l'inhibition ne fait ressortir que ce qui est déjà en nous.
Eastwood prend donc des libertés: ici on pourrait presque y voir une suite à la majorité des rôles qu'il a joué. Des hommes solitaires, sans chefs, sans foi ni loi et à la vie ténébreuse et sans attaches.
Unforgiven rappelle d'ailleurs énormément
l'homme des hautes plaines. dans les vêtements du personnage, l'ambiance finale, le fouet que l'on retrouve dans les deux films et ce sont tous deux des réalisations signées
Clint et au premier rôle interpelé par lui-même.
Clint et le western: toute une histoire. Ici les icônes sont à la retraite, le corps rigide et la vitalité n'est plus. Munny ne sait même plus tirer au pistolet..mais assure au fusil ! Même son cheval n'est plus habituer à être monté.
En mettant en scène d'anciens tueurs, le cinéaste joue avec nous et nos émotions: on s'attache à eux du fait de leur âge avancé qui les rend fragile et vulnérable, leur nostalgie, leur vie paisible de fermier et leur personnalité finalement bien plus humanistes que le shérif joué par un excellent
Gene Hackman.
Les deux ex-mythes de l'ouest (Freeman et Eastwood) ont déjà trouvé le salut : les deux grâce à une femme et une vie rangée. Seulement, l'un d'eux l'assume parfaitement et s'y complait tandis que l'autre montre dès les tout premiers plans dans la petite maison perdu au beau milieu d'une vaste plaine, des signes de faiblesse et de démotivation face la difficulté d'élevé deux enfants, de s'investir dans le travail quotidien et s'y épanouir. Il tombe et ne veut presque plus se relevé.
Fatigué, usé et en même temps blasé il ne peut que regarder au loin la silhouette de ce qu'il était auparavant: un cavalier solitaire voyageant au gré des saisons traquant ses proies, parfois innocentes.
C'est ainsi que sans se l'avouer il commence à sombrer. Ce n'est qu'un dernier coup, juste deux mecs à tuer pour avoir tailladé une prostituée. L'un d'eux est pourtant "innocent".
Gene Hackman (le shérif) se rend bien compte que ce ne sont pas des tueurs ou des bandits. Il leur fait payer une sorte d'amende tandis que les prostituées réclament le sang...
Le shérif est sévère, violent et sans peur sauf celle de se retrouver avec tout un tas de hors la loi sur les bras à cause d'un prime lancée par les filles de joie pour quiconque tuera les deux bourreaux de la défigurée. L'un d'eux est pourtant "innocent". Un seul homme à brandit la lame qui taillada le jeune visage. Elles réclament pourtant le sang du duo alors que ceux-ci respectent leur gage et que le plus jeune (l'innocent) , avec toute la sincérité qu'on lit dans son regard, veut offrir un merveilleux poney à la victime. rejetés, caillassés par les dames, les deux homme s'enfuient.
Pendant ce temps Munny est en route avec ses deux acolytes. Feux de camp, résurgence de souvenirs enfouit profondément, liens très forts entre Ned et Munny, un jeune Kid bigleux qui rêve de devenir une légende et un grand tueur alors qu'il n' pas ça dans le sang. Il n'est pas fait pour ça. Ned quant à lui avait beau être aussi une enflure dans sa jeunesse il n'a jamais été un grand mythe sanguinaire comme Munny qui lui est presque fait pour ça.
Sa nature était écrasée par un amour puissant.
L'amour est mort.
Il reste une cicatrice et c'est cela qui permet à Munny de "continuer" à vivre avec ses enfants.
Finit l'alcool, finit les pistolets et les meurtres.
Mais la tentation de se faire de l'argent pour aider ses mômes et forte et les souvenirs fougueux viennent tout chambouler. C'est aussi comme ça que Ned succombe. Ce n'est pas le fait de tuer qui les motive mais le fait de revivre l'aventure ensemble une dernière fois pour se prouver que leurs corps abimés peuvent encore fonctionner.
Inconsciemment il y a se désir de renouer avec le flingue.
Munny s'entête et se répète souvent dans son discours : "j'ai changé". "je ne suis plus le même". ce qui est vrai mais il oublie que ce qu'on faut est toujours en nous et à vie. Il faut seulement l'élément déclencheur déterminant pour définitivement se laisser envahir par la "bête".
Les minutes passent, l'attente s'intensifie, les perosnnages retombent peu à peu dans leur vie passée et pour l'un c'est devenu obsolète: Ned ne peut plus abattre un homme. Il n'y arrive pas. Il renonce et s'enfuit et le Kid qui rêvait de devenir une icône tue son premier homme en y laissant son innocence : il renonce à son futur quand Ned renonce à son passé.
Munny rechute et continue. Claudia, la défunte femme de Munny est présente tout le long du film par une musique très douce à la guitare et on nous rappelle souvent qu'elle fait bien partie de l'histoire Munny étant atteint par la mort de celle qui le délivra de l'infamie.
Eastwood ne fait l'apologie de rien dans son film.
Loin de tout manichéisme, il prend des personnages finalement très humains, gris et où d'une scène à une autre notre ressentit peut radicalement basculer. Aucun protagoniste n'est totalement coupable ou "méchant".
des exaction ont été ou sont commises mais dans leur fonds les individus du film sont tous ambiguës : que ce soit dans leur fond, leurs actes et leurs motivations. Le scénario tend à mettre an avant d'ex-malfrats, d'ex-tueurs rangés à la morale plus juste et plus pacifique que ceux qui forment le clan des "civilisés" vivant en pleine ville. Se fut souvent le cas dans des tonnes de western mais Eastwood le raconte avec une si belle image et un si beau traitement qu'il remporte haut la main plusieurs oscars bien mérités.
Clint emprunte quelques éléments des plus grands westerns pour composer un chef d'oeuvre élégiaque dont le final dévastateur (ambiance, intensité, photo et interprétation de Clint ) impose clairement un meilleur western des 90's et de tout temps soyons clair.
Conclut par un final intense, pas si violent ni si bourrin mais Clint fait peur et la "Bête" est là, à l'écran. Le tueur est armé, seul, face à tout u ntas de beaufs. La photo bien dark, l'éclairage parfait. Pendant 10 min nous sommes en Enfer avec Will Munny. Le regard fou , le shotgun chargé, les sens aiguisés, ce n'est pas le vieil homme repentit qui est à l'écran mais bien le mythe. Pluie, orage, nuit, msuqie ténébreuse, tous les codes sont là.
La séquence qui introduit le final crépusculaire est vraiment magnifique et hautement symbolique :
Le vent, le temps maussade , le regard inquiet et tendu de Clint qui observe l'arrivée d'une messagère, le Kid qui boit à la bouteille tout en évoquant son premier meurtre..Les sanglots d'un jeune rêveur qui gardera une mort sur la conscience jusqu'à la fin de sa vie. Les cadres se resserrent sur les personnages, la fin arrive et promet une vengeance terrifiante.
10/10