GONE BABY GONE |
Casimir is dead | 7.5/10Si Ben Affleck n’est pas spécialement un acteur qui m’a pour le moment impressionné, je dois dire que je suis relativement surpris, et dans le bon sens, par sa première réalisation. Gone baby gone est un film qui oscille entre fresque sociale et polar, sur fond de problématique philosophique à propos des cas de conscience moral.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que tous ces fronts sont plutôt bien menés. Toutes les situations évoquées dans le film sont sur le fil d’un rasoir censé trancher la vie en deux camps, le bien et le mal. Ici la lame est émoussée et c’est on ne peut plus agréable, surtout quand on traite de ce genre de sujet. L’éducation, le bonheur, la justice, tant de sujets qui confondent bien et mal en permanence et se doivent d’être traités comme tel.
J’ai juste été moyennement convaincu par quelques aspects du scénario et la façon dont certains éléments s’enchainent, comme par exemple la scène chez les 3 pédophiles (ça se finit trop vite et on passe à la suite sans souci) ou celle du Bar ou Harris fait son pseudo hold up. Mais dans l’ensemble, le film se déroule superbement et nous embarque dans une histoire à tiroir vraiment agréable à suivre.
Surtout qu’elle est portée par une tripotée d’acteurs vraiment crédibles dans leurs roles respectifs. Mention spéciale à Casey Affleck qui m’a carrément impressionné. Son flegme quasi britanique est renforcé par un accent et une diction assez terrible. La scène chez Cheeze est tout simplement énorme. Ce genre de perso, frêle au prime abord, mais sévèrement burné et carrément décidé, c’est du charisme assuré, et Affleck lui en file sacrément. Ed Harris est lui aussi plus que dans le ton avec son rôle de policier chevronné blasé mais décidé à orienter la justice. J’ai beaucoup aimé aussi Amy Ryan, l’actrice qui incarne Hélène, convaincante en mère camée terriblement irresponsable.
Chaque scène du film est glauque à souhait et nous dépeint un Boston crasseux où la drogue et l’alcool sont des vices d’une banalité extrême. Le travail fait sur la photo est vraiment chouette et sert ce côté très réaliste du film. On nous immerge dans des coins pas très glorieux des Etats Unis, où la misère est terrible et source de crimes tout aussi atroces.
Pour conclure, vraie bonne surprise que ce premier film qui, même s’il souffre de quelques faiblesses scénaristiques, nous propose une œuvre sans réelle prise de position sur des sujets toujours délicats à aborder sans tomber dans le pathos ou le happy end.
J’ai vu the Town ce week end, je l’ai également apprécié, un peu moins cependant. En effet, même si, dans son genre, il est certainement plus abouti que Gone Baby Gone, ce dernier m’a plus touché. La fin complètement noire et cette ambiance totalement anti manichéenne omniprésente dans le film en sont la principale raison. Une chose est sure, les frères Affleck m’ont tout deux fait bonne impression et deviennent pour moi acteur et réalisateur à suivre !
PETIT RAJOUT SUITE A LA LECTURE DU BOUQUIN
J'ai revu ce très bon Gone Baby Gone après avoir dévoré l'excellent livre dont il est adapté. Et même si je garde un avis positif sur le film, j'en sors un peu moins convaincu que la première fois. Affleck nous délivre une belle adaptation mais pour réussir à créer une histoire touchante en 2h de temps, de nombreuses pistes sont laissées sur le carreau, ainsi que pas mal de dialogues finement ciselés dans le bouquin qui perdent beaucoup d'impact à l'écran. Il a en effet choisi de remanier partiellement l'histoire pour la simplifier, du coup elle perd cruellement en impact. La relation Kenzy-Broussard est beaucoup plus simpliste ainsi que les explications réelles sur l'enlèvement de la petite.
Mais là ou on perd le plus, c'est dans l'ampleur des personnages. Si Casey Affleck est diablement efficace en Kenzy et colle, à mon sens, bien au livre, ainsi que Broussard ou encore la mère camée, définitivement au top niveau interprétation, on perd des personnages très forts dans le roman dans le film. Ainsi, Angie devient anecdotique et perd son statut de femme magnifique mais terriblement burnée, sa relation avec Patrick est également un peu zappée par Ben Affleck (je ne blâme pas, fallait bien ciseler un peu ^^). Mais la plus grosse perte du film, et je dois dire que pour le coup je ne comprends pas trop le choix de casting, c'est le personnage de Bubba. Dans son film on a le droit à un pauvre Dealer un peu vener', limite fat et de taille moyenne, qui conduit un SUV avec du rap à fond les ballon, qui a un appart tout ce qu'il y a de plus normal et un charisme aussi fort que la petite racaille du coin qui veut te vendre une barrette de chichon. On est loin du perso attachant mais des plus inquiétants du livre qui semble avoir un physique hors norme capable de flinguer d'une pichenette le plus costaud des All Blacks, qui vit dans un entrepôt désaffecté dont l'enceinte est minée et qui refourgue des armes parce que les armes, il aime ça ^^ D'ailleurs, la meilleure scène du bouquin, la descente chez les pédophiles, est présente dans le film, mais pâtit cruellement de ce perso affadit.
En bref, je revois un peu le film à la baisse au vu du matériau de départ, je trouve que certains choix de modification de l'histoire sont un peu maladroits. Cela étant dit, Gone Baby Gone reste une belle réussite, l'image est soignée, Boston y est crasseux comme jamais, on ressent d'ailleurs bien l'ambiance du bouquin à ce niveau là. Pour conclure, un conseil, si vous avez aimé le film, je ne peux que vous conseiller de laisser passer un peu de temps avant de tenter le livre, qui est bien plus fort que sa version imagée et un complément qui devrait vous convaincre.