Alien de Ridley Scott
(1979)
Alien est, et restera je pense, comme à la fois mon film de la saga favori, mon long-métrage d'épouvante/horreur culte ainsi que mon Ridley Scott préféré (à moins qu'il sorte son chef-d'œuvre dans les prochaines années mais j'en doute, même si je le considère encore comme un très grand cinéaste). Alien, c'est le film qui me fout la trouille à chaque vision pour des raisons toujours différentes, c'est aussi le film qui a marqué, selon moi, un renouveau total de la science-fiction, au même titre que 2001 A Space Odyssey.
Pourtant, force est de constater que les deux films sont totalement opposés à tout les niveaux. Alors que le film de Kubrick est un trip ultime où le futur est décrit visuellement comme un monde où tout sera lumineux, le film de Scott est un simple film d'horreur où, cette fois, le futur est décrit comme un univers crade et où l'on ne se risquerait pour rien au monde. Car dans Alien, les vaisseaux sont esthétiquement laids, les tuyaux sortent de partout, la fumée aussi, on trouve des salles avec des chaînes qui pendent et de l'eau qui coulent, etc... La grande force de Alien est pourtant de rendre beau ce futur via la mise en scène. Ainsi, à l'instar de Blade Runner, on est devant un travail très plastique, où chaque corridor est magnifié par un travelling ou un panoramique très bien choisi. Il est intéressant de constater que le Nostromo est aussi constitué de salles à la 2001, l'esthétique du film de Kubrick se retrouvant dans la salle de cryogénisation, de repas mais aussi et surtout dans la salle de contrôle de Mother (double féminin de HAL). Ainsi, Alien offre dès 1979 une vision nouvelle du futur, une vision terrifiante qui inspirera de nombreux autres cinéastes (Danny Boyle et son Sunshine pour ne citer que lui).
Plus haut, je qualifiais Alien de "simple" film d'horreur. Bien entendu, le terme est loin d'être péjoratif puisque le film permet de renouer le genre de la science-fiction avec les sensations que l'on peut procurer au spectateur, et ce, bien plus que ne l'a fait le Star Wars de Lucas deux ans plus tôt. Car Alien est un film où le fond n'est pas inexistant, mais presque invisible. Le fond du film n'est pas un propos, c'est la sensation du spectateur devant une scène, un plan, un son. Alien est donc un film totalement sensoriel, en cela le film est déjà une révolution. Mais le film est loin d'être un simple tour de montagne russe qui ne mérite d'être fait qu'une seule fois, car Alien se visionne et se revisionne toujours avec le même plaisir, celui de replonger dans le monde que nous propose Ridley Scott, un monde où un monstre terrifiant peut sortir de n'importe où, un monstre que l'on peut regarder sans même le voir (à deux reprises dans le film, extrêmement audacieux).
D'autant que ce monstre, cet alien, est une véritable réussite. A des années-lumières de ce que le cinéma nous avait proposé jusque là, Scott réinvente le monstre de cinéma pour le rendre ultime. Ici, pas de plan d'iconisation mais plutôt une envie de cacher cet organisme le plus possible. En cela, Alien réinvente totalement le cinéma d'épouvante et le hisse à son paroxysme. Ainsi, on retiendra du long-métrage deux scènes véritablement angoissantes : celle se déroulant dans des conduits de ventilation (qui transforme le Nostromo en véritable labyrinthe où aucune échappatoire n'est possible) ainsi que la totalité de la scène se déroulant dans la navette de sauvetage, une séquence entière qui renoue le spectateur avec une peur primaire, celle du noir et de l'invisible. Un véritable tour de force cinématographique.
Toutefois, ce tour de force serait vain si les trucages ne se révélaient pas à la hauteur des ambitions du film. Il n'en est rien bien heureusement. Les effets spéciaux et autres trucages sont toujours aussi réussis (hormis peut-être l'explosion finale qui retentit pas moins de...3 fois), et ce grâce à la volonté de Scott de rester plus dans le suggéré que dans la démonstration, à l'instar de ce que faisait Spielberg dans Jaws. Niveau casting, Sigourney Weaver trouve là le rôle de sa carrière (difficile de penser à une autre personne que Ripley en la voyant) et les six autres rôles secondaires sont tous bien tenus, Ian Holm et John Hurt en tête.
Alien est pour LE film d'épouvante du cinéma. En s'appropriant les codes du genre pour le réinventer, Ridley Scott signe là une œuvre totalement basée sur le ressenti du spectateur, comprenant que le cinéma est avant tout un instrument créateur de sensations. Masterpiece.
10/10