La Belle et la Bête (1991)
Film d'animation américain réalisé par Gary Trousdale et Kirk Wise ; musique et chansons d'Alan Menken et Howard Ashman
9,5/10
Histoire éternelle :
- La Belle et la Bête vient confirmer après le succès de La Petite sirène, le renouveau du département animation de Disney, qui fait suite à une décennie de semi-échecs. Ce film marque également la réconciliation du public avec le conte de fées traditionnel qui avait fait la gloire du Studio.
- Très belle adaptation du conte de Madame Leprince de Beaumont qui donne une importance égale aux rôles de la Belle et de la Bête, alors que dans l’histoire originelle, Belle est le personnage central. Volonté avouée des créateurs du dessin animé de se recentrer sur l’histoire d’amour, le message de tolérance vis-à-vis de la différence et sur la morale : la vraie beauté est intérieure. Le film s’ouvre ainsi sur l’histoire tragique de ce prince capricieux devenu Bête.
« Il était une fois, dans un pays lointain, un jeune prince qui vivait dans un somptueux château. Bien que la vie l'ait comblée de tous ses bienfaits, le prince était un homme capricieux, égoïste et insensible. Un soir d'hiver, une vieille mendiante se présenta au château, et lui offrit une rose en échange d'un abri contre le froid qui faisait rage. Saisi de répulsion devant sa misérable apparence, le prince ricana de ce modeste présent et chassa la vieille femme. Elle tenta de lui faire entendre qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences et que la vraie beauté venait du cœur. Lorsqu'il la repoussa pour la seconde fois, la hideuse apparition se métamorphosa sous ses yeux en une créature enchanteresse. Le prince essaya de se faire pardonner mais il était trop tard, car elle avait compris la sécheresse de ce cœur déserté par l'amour. En punition, elle le transforma en une bête monstrueuse et jeta un sort sur le château et ainsi que sur tous ses occupants. Horrifié par son aspect effroyable, la bête se terra au fond de son château avec pour seule fenêtre sur le monde extérieur un miroir magique…»
- Un scénario qui oscille avec bonheur entre la comédie, la romance, la magie et la poésie. C’est aussi, le plus musical (hors Fantasia) des films d’animation Disney. Les chansons rythment véritablement le film avec harmonie et font avancer l’intrigue. Elles servent de fil conducteur au récit et permettent très rapidement de cerner les enjeux. A l’exemple de cette introduction chantée qui présente à la fois les lieux, les protagonistes et l’ambiance en quelques minutes. Quant à « C’est la fête/Be Our Guest » c'est un véritable hommage au music-hall. Cette bande son inoubliable est la conjugaison des talents d’Alan Menken et Howard Ashman. Pas étonnant, finalement que ce film d’animation ait donné naissance à la première comédie musicale des Studios Disney.
Les personnages :
- Belle, une héroïne entre modernité et tradition. Curieuse, éprise de liberté, passionnée par les livres grâce auxquels elle s’évade, débrouillarde, tolérante et peu attirée par la perspective de devenir femme au foyer. D’où un soupçon de modernité. Une jeune fille solitaire, incomprise des habitants de son village, tout comme son père inventeur farfelu. Ils sont un peu « étrangers » au Village à cause de leur non conformisme (d’ailleurs personne ne viendra défendre Maurice, quand Gaston voudra le faire interner dans un asile). Mais, Belle reste aussi dans la tradition des princesses Disney, par sa gentillesse, sa bonté, son élégance naturelle et ses rêves de prince charmant et d’amour romantique.
- On remarque un léger manque d’homogénéité graphique du personnage de Belle (couleur des cheveux, regard et visage). Cela peut paraître curieux dans ce film pourtant presque en tout point parfait esthétiquement. Serait-ce finalement un choix artistique pour montrer que Belle déjà fort jolie, le devient de plus en plus au fur et à mesure de l’évolution de ses sentiments pour la Bête ?
- La Bête, une vraie réussite que l’on doit à Glen Keane. Personnage complexe, tourmenté, inquiétant, voir effrayant au comportement parfois très sauvage et doté d’un sale caractère, et pourtant tellement attachant. On suit le cheminement de la Bête qui apprend à écouter son cœur. Je crois que c’est la seule fois dans un conte, que l’on regrette finalement que la Bête se change en Prince.
- Il manque un véritable méchant charismatique. Gaston est certes perfide, mais c’est surtout un être narcissique, un bellâtre avec des biceps et rien dans la tête. Beaucoup plus pitoyable et risible que machiavélique. Son évolution est comme un reflet inversé de celle de la Bête. Plus la Bête s’humanise, plus Gaston devient cruel. Personnage qui n’existe pas dans le conte et qui est très librement inspiré de l’Avenant de la version de Cocteau. Il est accompagné d’un sidekick comique, Lefou qui finalement n’a d’autre but que d’accentuer encore plus tous les défauts de Gaston.
- Des personnages secondaires attachants. Surtout le personnel du château métamorphosé par un envoutement en mobilier enchanté. Lumière et Bigben le duo comique. Le premier inspiré de Maurice Chevalier symbole du savoir-vivre et du séducteur à la française cher à Sacha Guitry (cf. sa cour assidue à la soubrette/balais) et le second intendant so british, très à cheval sur les conventions. Madame Samovar, Théière tout en rondeurs personnification de la figure maternelle protectrice et bienveillante. Zip petite tasse ébréchée, personnage enfantin attendrissant et courageux...
Une réussite esthétique :
- Des décors splendides qui rendent gloire au classicisme français agrémenté d’une touche de baroque et de néo-gothique (les magnifiques vitraux et le château de la Bête avec ses tourelles inspirées de Viollet-le-Duc). Une touche de XVIIIe, de XIXe et même de début du XXe siècle afin de marquer le côté intemporel de cette belle histoire.
- Une animation sublime et un arc-en-ciel de couleurs encore magnifiées par la restauration de l’édition Blu Ray. Juste un petit bémol, le cheval Philibert dont le poil à tendance à varié du brun au rose, surtout lors des scènes nocturnes. Une inoubliable séquence d’animation en 3D lors de la scène du bal où la caméra virevolte autour des personnages. Mais aussi, de superbes effets de transitions (ainsi cette contre-plongée d’une fenêtre du château vers le village de Belle).
Le seul film d’animation à avoir été nominé dans la catégorie meilleur Film aux Oscars, une histoire universelle et une belle parabole sur l’être et le paraître. L’un de mes chefs d’œuvres Disney préféré.