Premier film de
Sofia Coppola adapté du roman homonyme de
Jeffrey Eugenides,
Virgin suicides semble presque être un prolongement du premier court-métrage de la réalisatrice :
Lick the star. J'ai découvert le film à sa sortie juste après avoir lu le bouquin et je dois dire que j'ai été immédiatement conquis. L'ayant revu 5 ou 6 fois depuis, je trouve que le film vieillit très bien.
Le film raconte la vie de la famille Lisbon dont la père est professeur de mathématiques. Lui et sa femme ont 5 filles âgées de 13 à 17 ans qui sont le centre d'attention de tous les garçons du quartier. Leur mère a donc tendance à les surprotéger ... Lorsque la plus jeune d'entre elles se suicide, tout le monde se demande ce qui a pu se passer et ses 4 sœurs deviennent de vrais sujets de fascination. Mais la famille va devoir surmonter cette épreuve malgré l'incompréhension qui l'entoure.
Un peu à la manière d'
American beauty, le narrateur nous annonce dés le départ comment l'histoire va se finir : les sœurs Lisbon vont se suicider. Le spectateur va donc s'identifier à ces garçons du quartier et observer ces filles afin de trouver les éléments qui pourraient les pousser à un tel acte. La voix-off est d'ailleurs bien utilisée pour nous montrer le raisonnement de ces adolescents. On remarquera toutefois que le point de vue masculin est un peu moins marqué que dans le livre. Et c'est certainement dû au fait que le film soit réalisé par une femme.
Le film est assez fidèle au roman même si on pourrait lui reprocher d'être un peu trop court. En effet, j'ai trouvé qu'il y avait 2 passages du bouquin qui auraient mérités d'être développés. Tout d'abord, la campagne de prévention contre le suicide faite à l'école est développée sur tout un chapitre dans le roman et n'est abordé que 30 secondes dans le film. Le deuxième point qui diffère est la fin qui est plus glauque dans le bouquin. Alors que les 4 sœurs meurent simultanément dans le film, l'une d'entre elles se rate dans le livre et doit vivre encore 2 semaines enfermée dans sa chambre avant de réussir à mettre fin à ses jours.
Niveau mise en scène et ambiance, le film est parfait. Dès son premier film,
Sofia Coppola fait preuve d'une grande maitrise et met en place un véritable style personnel. Elle arrive à insuffler une ambiance poétique et planante à son film. Il faut dire qu'elle est bien aidée par le travail du directeur de la photographie
Ed Lachman (
Ken Park) et par la musique du groupe
Air tout simplement sublime ! On est totalement envouté par cette histoire et ces images qui mettent en valeur le côté énigmatique de cette période qu'est l'adolescence.
La construction narrative qui oppose les garçons et les filles en nous montrant le point de vue des garçons et en laissant les agissements de ces jeunes filles à notre propre interprétation est fort judicieux. Le film met en avant la difficulté des 2 sexes à se comprendre, surtout à cet âge là. Il nous présente également les risques de la surprotection des enfants. Les parents ne sont jamais présentés comme les coupables. Ils semblent juste être restés bloqués sur le deuil de leur plus jeune fille au point d'en avoir oublier de s'intéresser aux 4 autres. Aucune d'elles ne semble prédestinée au suicide, elles ne sont pas dépressives et dégagent une certaine joie de vivre (simulée ?). On ne comprendra jamais clairement ce qui les a poussé jusque là mais ça semble être une accumulation imprévisible d'évènements.
Pour ce qui est de l'interprétation, c'est vraiment très réussi.
James Woods et
Kathleen Turner sont parfaits en parents déphasés et débordés par les évènements. Lui semble s'être totalement déconnecté du monde et elle ne voit pas d'autres solutions que de durcir son comportement pour les protéger ... Parmi les filles Lisbon, c'est
Kirsten Dunst qui tient le rôle central. C'est elle qui semble la plus ouverte à la découverte des garçons et c'est donc d'elle que viendra les tensions familiales. A ses côtés,
A.J Cook (
Destination finale 2),
Chelse Swain ( sœur de
Dominique Swain) et
Leslie Hayman (amie de la famille
Coppola) complètent le quatuor en restant assez effacées.
Josh Hartnett joue ici le rôle du beau gosse qui fait craquer toutes les filles. Particulièrement à l'aise dans ce rôle, il lui restera coller à la peau par la suite. Enfin, la bande de garçons est joué par des acteurs quasi inconnus : seul
Jonathan Tucker a percé depuis. Ils restent néanmoins crédibles dans leur rôle d'adolescents voyeurs.
Pour finir, j'en reviendrai à la musique de
Air sans laquelle le film ne serait pas ce qu'il est. La collaboration entre la réalisatrice et le groupe electro français a parfaitement porté ses fruits et le groupe en a même profité pour sortir un album qui va au-delà de la simple BO. Qu'est-ce que j'ai pu écouter cet album !!!
Au final,
Sofia Coppola nous livre une adaptation quasi parfaite de l'excellent roman de
Jeffrey Eugenides. Traitant avant tout de son sujet de prédilection, l'adolescence, elle arrive à créer une œuvre d'une grande poésie. Une grande réalisatrice est née !