Après la réussite que fut
Sixième sens, le nouveau film de
Shyamalan était attendu au tournant et quelle ne fut pas la surprise de découvrir qu'il s'était encore amélioré tant sur le scénario que sur la mise en scène. Pourtant, ça n'était pas gagner d'avance : aborder le thème du superhéros en prenant à contre pied de tous les films dits "traditionnels" qui traitaient du sujet était un pari risqué. Mais il s'en est sorti haut la main en livrant certainement son meilleur film.
On suit donc ici David Dunn, un homme en apparence banal, qui travaille comme agent de sécurité dans un stade et qui vit une petite vie monotone avec sa femme et son fils. Alors qu'il effectue un voyage en train, celui-ci déraille causant la mort de tous les passagers sauf lui sortant indemne. C'est alors qu'Elijah Price, un féru de comics atteint d'une maladie des os, intrigué par ce miracle, va entrer en contact avec lui afin de lui faire part de sa théorie ...
Avec ce film,
Shyamalan décide d'aborder le thème du superhéros sous un angle nouveau. Loin de cet aspect fantastique qui consiste à placer le personnage sur un piédestal, le réalisateur s'oriente vers une approche plus réaliste du sujet. Le but est de nous montrer un homme en apparence comme tout le monde auquel on peut s'identifier facilement et qui va découvrir progressivement qu'il a des capacités supérieures à la moyenne. Ses pouvoirs ne se manifestent pas de façon spectaculaire et d'ailleurs, il ne s'était jamais rendu compte de leur présence : il a un système immunitaire renforcé qui l'empêche de tomber malade, il a une force surhumaine qu'il n'a jamais travaillé et il a un don qui lui permet d'avoir des visions quand il touche une personne. Rien de bien transcendant quand on voit les pouvoirs de Superman ou des X-men ...
Mais au-delà du traitement du superhéros, c'est avant tout un film qui traite de la cellule familiale et du besoin de trouver sa place dans la société. Le réalisateur nous présente une famille au bord de l'implosion dans laquelle le mari et la femme se sont peu à peu éloignés l'un de l'autre et où le fils semble un peu paumé car livré à lui-même sans modèle paternel. Dés la scène d'introduction, on découvre tout le paradoxe de cet homme : en même temps, il est encore amoureux de sa femme mais il va jusqu'à enlever son alliance pour draguer une autre femme. On sent que cet homme est perdu et cela se confirmera quand on découvrira qu'il était prédestiné à une grande carrière de footballeur professionnel qu'il a sacrifié pour le bonheur de son couple. De son côté, le fils n'a jamais eu la moindre raison d'être fier de son père et quand l'occasion se présente, il s'accroche à cette idée coute que coute. Quant à Elijah, c'est un homme solitaire qui a eu une enfance difficile entre les séjours à l'hôpital et la sur-protection maternelle. Il n'a appris à affronter le monde qu'à travers les comics.
Niveau mise en scène,
Shyamalan fait encore des merveilles avec une réalisation fluide composée de travellings toujours judicieux. Cette fois-ci, il s'est attaché les services d'
Eduardo Serra comme directeur de la photographie. Celui-ci est très doué pour l'utilisation des filtres et arrive donc à créer des atmosphères différentes en fonction des scènes. Enfin, il retrouve
James Newton Howard à la musique qui confirme que leur collaboration fait des merveilles ! Il signe une nouvelle fois une bien belle BO qui participe grandement à l'ambiance du film.
Pour ce qui est de l'interprétation, le duo d'acteurs principaux est parfait.
Bruce Willis signe un rôle dans la lignée de celui de
Sixième sens avec beaucoup de retenue mais ici, il dégage un charisme impressionnant. Avare de parole, c'est un personnage introverti qui préfère passer inaperçu. L'acceptation de son statut va donc se faire encore plus difficilement et on voit vraiment bien l'évolution de son comportement. A l'opposé,
Samuel L. Jackson interprète un personnage extraverti, tout du moins dés qu'il aborde ce qui est sa passion. L'un comme l'autre dégage un charisme différent mais qui envahit l'écran à chacune de leur apparition.
Robin Wright Penn, quant à elle, tient un petit rôle qui aurait pu être d'avantage développé. Comme
Toni Collette dans
Sixième sens, elle dégage une fragilité physique et émotionnelle qui donne envie de la protéger. Enfin,
Shyamalan prouve une nouvelle fois qu'il sait particulièrement bien diriger les jeunes acteurs en tirant le meilleur du jeune
Spencer Treat Clark.
Pour en revenir au thème principal, on se rend compte que le réalisateur a bien étudié toute la mythologie autour du superhéros. Son film suit une logique implacable et même si le twist final parait tout à fait logique après coup, je dois bien avouer que je ne l'ai pas vu venir. Du coup, j'en ai apprécié d'autant plus chaque détail en le revoyant. La complémentarité des 2 personnages est vraiment bien traitée et on découvre qu'en aidant Dunn à trouver un vrai sens à sa vie, Elijah trouve également le sens de la sienne. La dernière séquence est très courte et elle est pourtant émotionnellement très forte.
Au final, ce film a ouvert la porte vers une nouvelle manière d'aborder les superhéros. Maitrisé d'un bout à l'autre, c'est un vrai plaisir de le revoir régulièrement. La seule chose que je pourrais lui reprocher, c'est d'être trop court : on a l'impression que ça n'est qu'une introduction à une œuvre qui pourrait être bien plus ambitieuse. Malheureusement, je crois qu'on peut toujours rêver pour avoir une suite à ce film.