Vengeance (2009) de Johnnie To Donc, en effet, Johnny Halliday est mauvais comme un cochon rendant risible quelques scènes dès qu'il ouvre la bouche, surtout quand il doit parler en français. La scène où il parle à sa fille dans le coma par exemple est catastrophique et sonne terriblement fausse.
To a beau lui demandé le strict minimum, Halliday a un jeu trop limité pour ne pas tirer le film vers le bas à l'inverse des autres acteurs ( Hong-kongais, qui eux sont toujours d'une classe folle et ultime ).
Cela dit et malgré tout ça, j'ai presque envie de dire que cela sert le personnage de Costello. To le filme en effet souvent comme un anachronisme complètement déconnecté du monde que ce soit par des reflets ( vitre ou miroir ), soit par son look vestimentaire ( l'imperméable sorti du samouraï ) ou son langage et son air absent.
Cela colle parfaitement avec les problèmes de mémoires dont souffre Costello, obligé de multiplier les Polaroïds pour se souvenirs de sa vengeance et de ses amis/ennemis.
A ce titre, comme souvent avec ces scénarios signés Wai Ka-fai, je trouve le script plus subtil et intelligent qu'on pourrait croire. Il y a toute une structure en miroir qu'il faudrait approfondir avec ses aller-retour spatio/temporel ( la décharge, la maison de la fille de Costello, la plage ) et ses figures récurrentes ( la lune qui joue un rôle majeur dans 2 scènes clés dans l'évolution de Costello, les personnes abattues à travers la porte, les scènes de repas etc... )... sans parler même des références mêmes d'autres films de Johnnie To qui peuvent constituer une certaine mémoire du spectateur ( le vélo rappelle
Running out of Time 2, les parapluies
Sparrow, une contre-plongée saisissante
Exiled, l'amitié et la partie de foot
The Mission etc... ).
Pour revenir au film en lui même, on va dire que To ne révolutionne pas son cinéma, mais comme Kitano ou Melville il décline à l'infini les codes et les clichés du genre avec un plaisir évident et une volonté toujours plus imaginative de trouver THE idée qui mettra en valeur chaque scène. D'où une virtuosité folle tant dans sa science du cadre, que ses mouvements de caméra ou sa photographie. Cela donne des scènes excitantes et brillantes à souhait comme la rencontre dans l'hôtel, la scène du parc, la décharge et donc le final avec la traque aux pastilles collantes ( le énorme "is this your jackett ?"
)...
Ca passe par des idées très simples ( qu'on devine souvent improvisées ) comme un pistolet qui vient appuyer sur une sonnette, un duel de remontage d'arme à feux les yeux bandés, une séance d'entrainement au pistolet sur un vélo et beaucoup d'autres moments comme ça où le temps se dilate et se suspend de manière un peu irréelle et fantastique ( la fusillade rythmée par les rayons de la lune)
Du coup, ça a beau être un énième polar, on se surprend souvent à sourire devant l'originalité des situations qui sont pourtant des séquences vues un milliard de fois. Sur ce point de vue, To continue d'enfoncer la concurrence soufflant le second degré, la noirceur, l'humour, la violence, le décalage voire le ridicule, assumés avec un main de maître, qui continuent d'en faire un de mes réalisateurs fétiches. Ce n'est pas grand chose, mais j'adore toujours qu'il continue de prendre des risques avec ses ruptures de ton alors qu'il fait vraisemblablement son film le plus vendeur pour le marché occidental ( ou du moins français ).
Devant certaines scènes je comprends tout à fait que certaines personnes peu familiarisées avec le ciné HK trouve le film ridicule ou nanaresque... après ça ne fait pas non plus oublier du film : Johnny Halliday très médiocre, un rythme en dent de scie ( avec 108 minutes, c'est presque son film le plus long
), une vision des femmes décidément douteuse et limitée, quelques scènes out-of-this-world ( la prière sur la plage
), des idées du scénar très mal exploitées ou tombant à l'eau, surtout dans ce qui tourne autour de l'amnésie ( "la vengeance, mais qu'est-ce que c'est ?" ).
On peut aussi trouver ça poseur et trop démonstratif dans sa virtuosité. Perso, comme d'hab, je raffole au contraire de son style toujours précis, élégant, léonien et maitrisé. Johnnie To pense avant tout son cinéma comme de la pure mise en scène et je ne vais pas le lui reprocher !
Si, donc, la vengeance est un plat qui se mange froid, To a tous les ingrédients pour mettre en appétit.
6,5/10