Critique PIRANHA 3D d’Alexandre AjaAttention Spoilers !
La ville de Lake Victoria, en Arizona, s'apprête à recevoir des milliers d'étudiants pour le spring break. Un tremblement de terre secoue la ville et ouvre une brèche dans le lac, d'où s'échappent des milliers de piranhas. Mais les jeunes étudiants continuent la fête. De son côté, Julie Forester, le shérif de la ville, découvre un cadavre... De plus, son fils Jake est parti sur le lac à bord du bâteau des Wild Wild Girls !Après La Colline a des Yeux et Mirrors, Aja s’attaque à un troisième remake (qui, comme Mirrors, n’en est pas vraiment un), celui du film de Joe Dante : Piranha, sorti en 1978.
Mais au lieu de faire un film très 1er degré et angoissant comme peut l’être Jaws, Aja préfère s’orienter sur le fun décomplexé, sexy et gore, avec une touche de références 80’s.
Et il faut bien dire qu’il réussi son coup, malgré la nature "schizophrène" du film.
Car Piranha 3D est un film qui, malheureusement, a eu une production plutôt difficile (notamment à cause des frères Weinstein, les patrons de la boite de prod Dimension) et qui souffre de deux points de vue totalement opposés entre le réalisateur et les producteurs.
Aja a toujours envisagé son film comme une grosse série B gore et fun totalement décomplexée, dans la veine des premières œuvres de Peter Jackson, alors que les Weinstein ne peuvent concevoir des films d’horreur qu’au premier degré, et ont la fâcheuse tendance à s’accaparer les montages de leurs productions.
Heureusement, Aja a réussi à imposer son point de vue à de nombreuses reprises, en incluant tout de même des éléments imposés par la production, qui seront certainement atténués dans le Director’s Cut ( Aja dit lui-même que la version salles n’est qu’a 80% la sienne).
Son casting est une sorte de fantasme nostalgique et multi culturel, où les inoubliables Richard Dreyfuss (qui reprend son role de Matt Hooper des Dents de la Mer), Christopher Lloyd (quel pied de le revoir), Ving Rhames et Elisabeth Shue croisent le chemin d’actrices pornos en vogue tels que Riley Steele et Gianna Michaels, la belle Kelly Brook, ou encore Jerry O’Connell (dans le rôle de Joe Francis, le véritable créateur des vidéos Girls Gone Wild), Adam Scott et Eli Roth.
Le scénario et les enjeux sont très simples, mais propices à des idées de mise en scènes totalement dingues. Aja se fait plaisir, filme des mises à morts bien crades et inventives. Le summum étant le carnage entre aperçu dans la bande annonce, où des centaines de Springbreakers se font déchiquetés par des piranhas affamés, et où la nature humaine se montrera sous son vrai jour, que ce soit l’égoïsme (le mec qui tente de s’échapper en bateau, en fonçant dans la foule) ou le courage (le sacrifice d’un des personnages).
Les maquillages signés KNB sont vraiment impressionnants, et le quota de gore promis est bien là, même s’il faudra patienter une bonne demie heure, passé l’intro, pour en avoir pour son argent.
Après, Aja multiplie les mises à morts, souvent très drôles et absurdes (les piranhas qui se battent pour manger le sexe d’un des persos, une nana "traversée" de bas en haut, Eli Roth et son bateau, le coup de l’hélice) et prouve qu’il est vraiment à l’aise dans le genre, en donnant une certaine ampleur au carnage, notamment dans son climax.
La 3D, bien que ce soit de la conversion, est utilisée à bon escient, notamment lors de la scène d’exploration de la faille, ou des attaques en vue subjective.La perte de luminosité causée par les lunettes est tout de même frustrante lors des scènes sous-marines.
Le réal se plait aussi à mettre en scène un des plus gros défilés de paires de fesses et de seins vu au cinéma récemment, dont l’apothéose est une scène totalement surréaliste, où Kelly Brook et Riley Steele nagent totalement nues, tels deux sirènes, sur de la musique d’opéra.
Le véritable problème du film vient plutôt du traitement des personnages, toujours partagés entre les différents points de vue sur la nature du film. Certains éléments ont l’air d’avoir étaient introduits par les producteurs pour élargir l’audience du film, notamment une love story inutile et un point de vue un peu trop manichéen et consensuelle, où les fêtards et autres bimbos meurent et où la gentille famille survie.
Ce qui contraste totalement avec le point de vue d’Aja, qui s’est battu pour imposer des scènes ultra gores et second degré, et des scènes sexy plutôt hot pour une production classique.
La version intégrale nous éclairera certainement sur la volonté propre du réalisateur, puisqu’elle devrait logiquement correspondre à ses envies. On parle déjà de 7 minutes supplémentaires, et ses coupes se ressentent parfois dans le film. Certaines transitions sont plutôt abruptes et les scènes semblent s’enchaîner sans véritable lien (hormis le montage alterné plutôt réussi du climax)
En l’état, Piranha 3D est déjà un bon film popcorn très typé 80’s dans sa narration et ses enjeux, généreux, gore et sexy, et prouve qu’Alexandre Aja est certainement le Frenchy le plus doué du genre, et qu’il a su s’imposer en cinq films comme un véritable artisan aux multiples facettes.
Un de ses prochains projets (s’il trouve les fonds pour le concrétiser), l’adaptation de Cobra, célèbre manga surtout connu chez nous pour son adaptation animée, devrait prouver définitivement qu’il est un réalisateur sur lequel on peut compter.
7/10