La mauvaise graine
de Mervyn LeRoy
Cycle Sales Gosses :Préambule :
Dans cette série de critiques je vais aborder les films traitant sous des angles et des genres différents le sujet passionnant des enfants diaboliques.
Qu’ils soient délinquants, psychopathes en puissance, possédés, extra-terrestres ou juste têtes à claques, les sales gosses reviennent régulièrement sur nos écrans de façons très diverses, et depuis longtemps déjà.
Dur de déterminer avec exactitude quand cette vision sombre de l’enfance a commencé à émerger, mais à l’âge d’or d’Hollywood, les jolies têtes blondes étaient sacrées (à l’écran, mais exploités en dehors !) et l’image de l’enfant était rarement abordée sous un angle négatif ou suspicieux.
J’ai déjà sélectionné plein de films sur le thème (d’autres pourront se greffer à la liste) que je critiquerai au fur et à mesure de mes envies…
Le Cas 39 -
La mauvaise graine - Les révoltés de l’an 2000 - Le village des damnés – Esther -
Je suis le seigneur du château - The children’s hour (La rumeur) -
Sa majesté des mouches - Alice sweet Alice - Les diables - The children - Mean Creek - Manny & Lo - La petite fille au bout du chemin - Attention les enfants regardent - Mais ne nous délivrez pas du mal - Big city - Le fils du requin - Demandez la permission aux enfants - Favola crudele (Dark tale) - La malédiction - L’exorciste - La robe du soir
ce paragraphe sera copié-collé au début de chaque critique du cycleThe Bad Seedréalisé par Mervyn LeRoy (1959)
avec: Nancy Kelly (Christine), Patty McCormack (Rhoda)
L’histoire :
Après la mort suspecte d’un camarade de classe, la petite Rhoda, 8 ans, a un comportement étrange. Sa mère finit par se demander si elle n’a pas commis l’impensable…
La critique contient plein de spoils :
Adapté d’un roman et d’une pièce, le film de LeRoy conserve une certaine audace de par la nature de son sujet, un enfant criminel. Mais non pas criminel par nécessité, poussé par la misère ou la guerre, on parle ici de criminel psychopathe, qui tue par plaisir ou, dans le cas de Rhoda, par absence de barrière morale. Car, non contente d’avoir battu et noyé son camarade de classe (et elle n’a que 8 ans !) simplement pour lui prendre une médaille scolaire qu’il avait gagné, on apprend par la suite que plus jeune elle avait trucidé une vieille voisine, et un peu plus tard dans le film, afin de protéger son secret, elle n’hésitera pas à brûler vif un témoin gênant. Le tout en conservant son allure de petite fille modèle, ange blond avec des couettes, qui parle poliment et fait des révérences.
Avec un sujet pareil, le film avait tout pour devenir au choix un thriller terrifiant, ou une étude clinique du cas de Rhoda. Mais il n’est ni l’un ni l’autre. Pour son passage à l’écran il conserve tous les défauts d’une pièce : on dirait du théâtre filmé. L’unité de lieu est quelquefois brisée par des excursions au dehors, mais cela reste assez rare. Du coup le film ne développe aucun côté visuel (ce qui est quand même le propre du cinéma). Par exemple on ne verra jamais un des meurtres ni aucun acte de violence commis par Rhoda : ils sont à chaque fois racontés par un des protagonistes. A l’inverse du récent Esther qui n’hésitait pas à confronter sa jeune actrice (Isabelle Fuhrman) à des scènes difficiles, ici tout est épargné à Patty McCormack.
Ensuite le jeu des acteurs renforce cette impression de théâtre, c’est beaucoup surjoué, et on a droit à de nombreux soliloques où les personnages nous expliquent ce qu’ils ressentent (essentiellement la mère, et le jardinier gênant), à des moments où une mise en scène habile et un silence auraient suffi.
On pourrait se dire qu’au moins le film ne fuit pas son sujet. Ici pas d’échapatoire ou de renversement de dernière minute comme on l’a vu dans de nombreux films jusqu’à aujourd’hui (comme dans Hide and Seek avec Dakota Fanning), Rhoda est bel et bien une meurtrière de huit ans. Mais le film ne peut s’empêcher de prononcer un discours moral conservateur des plus gênants. Les différents personnages nous exposent des théories : comme le fait que les jeunes meurtriers viennent de milieux forcément miséreux, où on ne leur enseigne aucune morale. C’est très réducteur, et nombre de crimes d’intérêt sont commis par des gens de milieux aisés. La misère engendre crime et violence, c’est certes vrai, mais ce n’est pas de ce type de crime dont on parle : ici on parle d’une psychopate. Or on sait que ce genre de criminel (pervers, sadiques…) n’est pas engendré par un contexte social particulier et peut venir de n’importe quel milieu. Le film nous propose alors un twist assez ridicule pour tenter d’expliquer rationnellement le comportement de Rhoda : l’hérédité ! En effet on apprend ainsi que sa mère Christine a été adoptée et qu’elle est elle-même la fille d’une célèbre criminelle : les gênes ont sauté une génération… Cette possibilité de gênes criminels fait toujours débat aujourd’hui.
Le film s’attarde alors sur les attermoiements de la mère, qui se sent responsable d’avoir engendré un monstre, l’aime tout de même, la couvre, et finit par vouloir l’assassiner. Ce qu’elle tente en lui faisant avaler des pilules avant de se tirer une balle… Double suicide raté puisque les deux survivent. Mais le film au lieu de s’arrêter là se poursuit encore, car il en est un qui n’a pas encore prononcé son jugement dans cette affaire : Dieu! La petite Rhoda finit par fuguer une nuit pour retourner au ponton du meurtre du jeune garçon afin de retrouver la médaille que sa mère lui a dit avoir rejetée à l’eau. Un éclair la foudroie et la précipite dans la rivière. The End.
Cette fin accentue le côté moralisateur du film, et ses aspects contradictoires : d’un côté on nous dit que Rhoda n’y peut rien à son comportement (c’est les gênes!), mais d’un autre côté elle subit tout de même le châtiment divin… Bref le film ne sait pas trop où il navigue.
Au final, les acteurs sont présentés en voix off et défilent comme au théâtre…
The bad seed avait tout pour faire un très bon thriller, et il se regarde finalement avec un œil amusé… mais c’est la déception qui l’emporte.
4/10