Mathieu Amalric a déjà prouvé depuis longtemps ses talents d'acteur allant même outre atlantique pour tourner avec
Spielberg. En tant que réalisateur, il a déjà 3 courts-métrages à son actif, il passe donc enfin au long-métrage avec
Tournée. Nous n'avons donc pas affaire à un débutant et son prix de la mise en scène remporté au dernier festival de Cannes est là pour le confirmer.
A travers ce film, il s'intéresse à un producteur de télévision un peu raté qui s'est reconverti dans le management d'une troupe de danseuses de "New burlesque". Celui-ci ayant fait miroiter à ses danseuses les grandes scènes parisiennes, il a réussi à les convaincre de débarquer en France mais ils vont se retrouver à faire une tournée organisée à l'arrache dans les petites villes portuaires ...
Le réalisateur a opté pour de véritables danseuses de cabaret pour tenir les rôles principaux. Du coup, on ressent une grande part d'authenticité dans ce film. Outre les scènes de spectacle bien décalées, on suit surtout cette petite vie en communauté qui évolue dans un univers au contraste saisissant. Entre les moments de tension et de complicité, on découvre surtout des morceaux de vie plus vrai que nature ainsi que l'envers de décor pas toujours rose de ce métier.
Le film est servi par des actrices au naturel déconcertant qui se livrent corps et âme à la caméra. Il est rare de voir de tels personnages au cinéma qui s'assument comme ils sont avec leurs défauts. D'ailleurs, même si c'est le manager qui tient le rôle central, il est effacé par ses danseuses qui bouffent l'écran à chaque instant ! Dans le rôle du producteur-manager, on retrouve donc
Mathieu Amalric. Il a beau être un excellent acteur, je trouve qu'il joue toujours les mêmes rôles. Du coup, ses interprétations n'ont plus le même impact qu'à ses débuts ... Le mec sur le fil du rasoir embourbé dans les problèmes qu'on sent près à exploser à tout moment, c'est vrai que c'est intéressant à jouer mais il manque de variation dans son jeu.
Mathieu Amalric semble quand même être un excellent directeur d'acteurs car il arrive à tirer des moments de grande émotion de ses actrices. Alors que ces danseuses dégagent une grande insouciance et une certaine vulgarité au premier abord, on voit progressivement leur carapace se fissurer pour laisser apparaitre des femmes fragiles qui font un métier qui n'est pas de tout repos et qui semblent manquer sérieusement d'affection. Et leur manager est tellement submergé de problèmes qu'il doit gérer de front, qu'il n'est pas toujours attentif aux attentes de ses danseuses. Par moments, il semble froid et sans cœur alors qu'il est simplement débordé par les évènements. La très belle scène du payage d'autoroute nous livre son vrai visage. On sent qu'il y a une sorte de "spleen" ambiant qui se met en place progressivement jusqu'au final dans cet hôtel abandonné.
Le défaut du film serait presque la mise en scène très instinctive. Tantôt caméra à l'épaule à la
John Cassavetes dont il ne cache pas son influence, tantôt théâtral à la
Arnaud Desplechin chez qui il a fait ses armes en tant qu'acteur, je dois dire que je n'ai pas toujours accroché à son style. Mais petit à petit, on arrive à faire abstraction de ces tics du "cinéma indépendant". De là à lui donner le prix de la mise en scène à Cannes, c'est peut-être un peu abusé.
Enfin, je terminerai avec la musique. Les numéros musicaux des danseuses sont mémorables et les quelques autres morceaux qui complètent la BO participent à cette ambiance festive que dégage le film. Entre
The sonics et
Screamin' Jay Hawkins, les sons choisis sont vraiment sympa.
Au final, Pour son premier long métrage
Mathieu Amalric se démarque totalement du cinéma français qu'on a l'habitude de voir et ça fait plaisir. Je grade une petite réserve sur le jeu assez répétitif de l'acteur mais celui-ci est effacé par l'interprétation générale des actrices. En tout cas, c'est à un joli film plein d'émotions auquel on assiste et il mérite vraiment qu'on s'y attarde.