Une petite critique de la série pour donner envie à ceux qui n'auraient pas encore franchit le pas
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The Wire (Sur Ecoute)
De David Simon et Ed Burns
Avec Dominic West, John Doman, Idris Elbas, Seth Giliam, Frankie R. Faison, Lance Reddick, Wood Harris, Sonja Sohn, Wendrell Pierce, Clake Peters, Deidre Lovejoy, Aiden Gillen.
La chaîne HBO nous livre encore un petit bijou télévisuel sur le trafic de drogue à Baltimore ainsi que les problèmes sociaux qui en découlent. Une série qui dépeint avec brio et réalisme le quotidien des policiers, dealers, junkies en passant par les juges et hauts fonctionnaires de la ville de Baltimore.
Bien plus qu’une série policièreVoici une série passée quasiment inaperçue par le grand public mais acclamée par l’unanimité de la critique et que beaucoup qualifient de « meilleure série produite de toute l’histoire de la télévision américaine ». Alors, je ne vais pas y aller non plus par quatre chemins, ce superlatif est totalement justifié et je dirais même que « The Wire est la meilleure production de toute l’histoire de la télévision » tout court. Pourquoi ? Je crois que ce qui rend cette oeuvre à ce point remarquable, c’est son atypisme par rapport aux autres productions que l’on a l’habitude de voir. The Wire n’est pas une simple série policière. Elle va beaucoup plus loin que l’habituel « bons vs. méchants » ou « enquête et basta » servie par la majorité des chaînes. Comme à son habitude, HBO nous offre là toute une palette de personnages aussi complexes les uns que les autres ayant chacun leurs motivations et leurs consciences propres qui expliquent leurs actions dans une absence totale de manichéisme. Il n’y a pas de héro à Baltimore, aucun personnage ne se démarque des autres. Chacun sert l’histoire et non l’inverse. D’ailleurs, les créateurs aiment à dire que le personnage principal de The Wire est tout simplement la ville de Baltimore.
La série débute sur la découverte du nom du plus gros caïd de la drogue de l’Ouest de la ville dont l’organisation est responsable de la majorité des règlements de compte entre trafiquants. Le gros hic c’est que personne au département de police ne sait à quoi il ne ressemble ni même ne soupçonnait son existence jusqu'à lors. S’en suit une enquête de fond basée sur la surveillance, petites arrestations pour finalement aboutir à une écoute téléphonique (d’où le titre français Sur Ecoute).
Ici, point d’enquêtes rondement menés et résolues en moins de 45 minutes. Les dossiers solides se montent avec difficultés et l’on prend conscience de tous les freins auxquels les enquêteurs de la criminelle font face (persuasion des témoins à passer au tribunal ou même à parler officieusement, pressions politiques de la mairie en période de réélection et manque cruel de budget pour le département). Mais The Wire ne dépeint pas seulement le quotidien de la police. Une multitude de points de vue plus ou moins reliés au monde de la drogue viennent faire leurs apparition au travers de personnages plus intéressants et plus profonds les uns que les autres. La distribution est d’ailleurs magistralement réussie. Chaque acteur épouse à la perfection les traits de son personnage à tel point qu’on ne peut imaginer quelqu’un d’autre incarner un des rôles. Plus la série avance, plus les motivations des différents intervenants s’éclaircissent et au final on s’attache à des personnages fictifs tellement crédibles qu’on pourrait croire en leur existence (les créateurs avouent eux-mêmes qu’ils se sont inspirés d’habitants de la ville qu’ils ont réellement côtoyés).
Chaque saison, correspondant à une enquête, est traités sous l’angle d’une thématique différente et c’est une véritable mosaïque sociologique de la ville qui est représentée au bout des 5 saisons. La première saison pose le décor du trafic de drogue et de ses conséquences dans les recoins les plus défavorisés de Baltimore, l’une des ville américaine les plus touchées par le fléau. La saison 2 nous emmène aux abords des quais du port par lequel transite illégalement drogues et autres joyeusetés et nous dépeint, par la même occasion, la vie des dockers. C’est dans la saison 3 que la politique fait une incursion majeure en suivant la campagne d’élection du maire de Baltimore et comment cet événement influe sur le travail de la police. C’est aussi dans cette saison que l’on plonge une nouvelle fois dans les quartiers Ouest pour y retrouver les story-lines de la première. La série s’intéresse ensuite à l’éducation et s’attache à expliquer comment les jeunes se retrouvent à devenir dealer ou junkies à travers quatre élèves de quatrièmes très attachants. Enfin, la dernière saison nous emmène dans les locaux du Baltimore Sun pour y suivre le traitement de l’information au travers d’une énorme supercherie médiatique. Ces thématiques et leurs univers sont traités avec une interprétation sans faille et un admirable réalisme qui renforce toute la crédibilité que les professionnels (éducateurs, policiers, juristes) et habitants de la ville confèrent à cette série. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard puisque les créateurs David Simon et Ed Burns ont eux-mêmes vécu et travaillé à Baltimore. L’un est un ex-journaliste du Sun et l’autre un ex-flic reconverti en prof.
Même si à première vue les thèmes ne coïncident pas vraiment, les divers story-lines s’imbriquent fil des saisons d’une manière jamais égalée dans les autres séries que j’ai pu suivre (et croyez moi, elles sont nombreuses). Tout est admirablement connecté et écrit. La réalisation est ici posée, vraiment différente de toutes les séries grand public de ces 20 dernières années. A ce titre, The Wire n’est pas une série facile d’accès au premier abord. Je dois dire que les premiers épisodes que j’ai vus m’ont laissé perplexe (Jimmy a d’ailleurs arrêté la diffusion dès la première saison jugeant qu’elle n’avait pas trouvé son public). Ici pas de twist à la fin de chaque épisode pour vous laisser sur votre faim comme à un junkie auquel on aurait retiré la seringue en plein shoot. A la fin du premier épisode on se dit que c’est mou, lent, qu’on dirait une série des années 80. A la fin du deuxième, on commence à se laisser happer et charmer par les personnages mais ont se dit qu’il ne se passe quand même rien. Et si on persévère, au bout du cinquième épisode on se rend compte qu’on est totalement addict. Et à la fin de la saison, on se dit qu’on est vraiment content d’avoir continué à regarder ce petit chef d’œuvre… et on veut plus! Alors je ne m’étendrais même pas sur ce petit vide que l’on ressent à la fin de la série quand on sait que les créateurs sont déjà passés à autre chose. Et ce vide est d’autant plus pesant qu’après la vision de The Wire, toutes les autres séries que l’on peut suivre deviennent fadasse. En fait, on pourrait apparenter chaque saison de The Wire à un bon bouquin. Dans les premiers chapitres, il ne se passe jamais grand-chose, ça décrit, ça plante le décor mais une fois que l’on est happé par l’histoire, on se retrouve à le dévorer page par page. Eh bien The Wire c’est pareil, mais épisode par épisode.
Pour conclure, je dirais que par les thèmes qu’elle aborde et la manière dont le tout est orchestré, The Wire est une série dramatiquement noire où l’humour n’est jamais laissée pour compte. C’est d’ailleurs ce qui contribue au charme de la série en plus de sa fabuleuse palette de personnages attachants. Une série subtile qui, par sa cohérence et le traitement des problèmes qu’elle expose, respecte l’intelligence de son audience (chose très rare de nos jours). A ne pas manquer et à savourer absolument en VO.
Alex
Article paru sur abusdeciné