Inception, de Christopher Nolan : 8/10
Il y a des films dont le destin peut déterminer l’avenir de toute une industrie. Inception fait partie de ceux-là. Tout droit sorti de l’esprit du très créatif Christopher Nolan, Inception, fort d’un budget de deux-cent millions de dollars, fait en effet figure d’exception dans le nuage cinématographique actuel avec son scénario inédit et, par conséquence, plutôt risqué. Car Hollywood, bercé depuis peu par une forte crise de créativité, attend beaucoup de ce dernier pour définitivement effacer ses doutes et ses incertitudes.
C’est donc dans un contexte relativement difficile et perturbant que Nolan présente enfin sa dernière œuvre, ambitieuse et parfois démesurée. A l’aide d’un casting relevé et d’un scénario digne des plus grandes fresques hollywoodiennes, le résultat, bien qu’imparfait, est particulièrement réussi.
Un scénario exigeant et accrocheur
Dom Cobb n’est pas un voleur ordinaire. A l’aide d’une technologie de pointe, qui n’est pas sans rappeler celle de Eternal Sunshine of the Spotless Mind, ce dernier parvient à infiltrer les rêves de ses cibles pour y dérober des secrets ou y intégrer des idées commandées par ses clients. Derrière ce scénario accrocheur et particulièrement « wachowskien » se cache de multiples embranchements cinématographiques. Bien entendu, Inception est tout d’abord digne des plus grands thrillers psychologiques et existentiels que le cinéma nous ait offert. Disposant d’un modèle relationnel et d’une architecture complexe, le film de Christopher Nolan embarque son spectateur dans un incroyable puzzle aux multiples interprétations et au déroulement passionnant. Il faut dire que le thème abordé est particulièrement propice à ce genre d’effets. Car les rêves et leurs interprétations sont, depuis la nuit des temps, un mystère qui passionne chacune des civilisations et Nolan fait de ce mystère un stupéfiant vecteur de diverses sensations. Au contraire d’un David Lynch, qui propose une véritable expérience sensorielle ayant pour racine l’inconscient, Christopher Nolan fait du rêve une réalité avouée en proposant l’inconscient comme une sorte de conscience incontrôlée. Car le spectateur fera, tout au long du film, aisément la distinction entre le rêve et la réalité. Heureusement, ce choix, plutôt didactique, ne constituera pas un méfait ni un inconvénient, tant celui-ci apparaitra finalement nécessaire à un récit complexe mais abordable.
En effet, comme dit précédemment, Inception ne se résume pas qu’à un simple thriller onirique. Celui-ci dispose en effet d’une profondeur nettement plus émotionnelle, principalement à travers l’amour impossible entre deux êtres que la vie et la mort sépare. Cette relation, véritablement sublimée par l’approche inversée du rêve qui deviendra finalement cauchemar, souffre néanmoins du syndrome actuel de la simplicité aggravée : présentation limpide et fade, dialogues parfois niais et émotions souvent surjouées. Particulièrement regrettable, car cette histoire d’amour constituera l’ancrage essentiel du scénario et de l’avancement de celui-ci.
Inception est enfin un grand film d’action hollywoodien. Les effets spéciaux, nombreux et relativement efficaces, seront sources d’émerveillement mais aussi, paradoxalement, de frustration. Car certaines scènes apparaitront inutiles, notamment celles qui se situent dans un paysage enneigé présent à la fin du film. Fatigantes et mal orchestrées, ces dernières soulignent un certain manque d’efficacité concernant le coté « grand public » du film. Étrange, car, de ce coté-là, Christopher Nolan avait amplement réussi le défi avec ses précédents films, notamment avec The Dark Knight. Au contraire, certaines scènes ne pourront jamais faire défaut à un film définitivement réussi. Notamment celles qui se trouvent dans le rêve de l’hôtel, celles-ci étant d’une efficacité redoutable et extraordinaire : bénéficiant d’un traitement à la limite de la perfection, notamment grâce aux choix judicieux de Nolan de privilégier le « dur » au numérique, la scène du combat dans cet hôtel sans gravité est d’une justesse exemplaire et n’a ainsi rien à envier à Matrix et aux autres films du genre. Un régal de mise en scène, tout simplement, et sublimé par la musique empirique et majestueuse de Hans Zimmer, célèbre pour ses multiples participations à de nombreux blockbusters (Gladiator, Pirates des Caraïbes).
Une réalisation globalement sobre
Au-delà de ces scènes d’action parfois grandiloquentes et parfois maladroites, la réalisation générale du film restera sobre et jamais révolutionnaire. Les plans ne sont pas extraordinaires et le rythme est imparfait. Loin d’être mauvaise, la caméra de Nolan ne brillera tout-de-même pas par son ingéniosité ni par sa prise de risque. Bien sûr, le montage, élément qui se devait être irréprochable avec un tel scénario aux multiples embronchements, ne sera jamais source de frustration tant sa justesse apparaitra comme exemplaire. Les scènes s’enchainent donc parfaitement sans aucunes difficultés ni aberrations.
L’interprétation des acteurs est quant à elle globalement correcte. Bien évidemment, certains acteurs ne brilleront pas, faute d’un rôle trop en périphérie. Mais le couple central du récit, à savoir Leonardo DiCaprio et Marion Cotillard, restera toujours convaincant et efficace. Et la tache de l’américain n’était pas aisée. Véritable socle d’un scénario souvent machiavélique, au sens où celui-ci manipule ses protagonistes et les spectateurs, l’acteur parvient à porter tout le poids de ce récit sans aucunes difficultés : toujours naturel et sincère, celui-ci reste fidèle à ses précédentes sorties et parviendra aisément à convaincre les plus septiques.
Un très bon film ? Certainement. Un chef d’œuvre ? Surement pas. Inception souffre indéniablement de sa grandiloquence. Son scénario, ambitieux et structurel, parviendra à conquérir un public exigeant et attentif. Néanmoins, par sa vision maladroite du sentiment amoureux, Inception n’arrivera jamais à émouvoir alors que l’émotion forme, finalement, le fil conducteur de tout son récit. Tout comme ses scènes d’action, ratées et faisant taches au milieu de tant d’efficacité. Dommage, car le film de Christopher Nolan possède inéluctablement le gène de ces films intemporels, transcendants et parfois révolutionnaires.