Dog Pound, de Kim Chapiron: 6.5/10Kim Chapiron, fondateur emblématique de Kourtrajmé, revient avec Dog Pound, quatre ans après son premier long métrage, Sheitan. Ce dernier, bien qu’imparfait, était particulièrement réussi, notamment grâce à une mise en scène succulente et à des acteurs géniaux ; éléments qui avaient d’ailleurs fait le succès des précédents courts métrages du réalisateur.
Dog Pound pourrait bien être une transition, une porte de sortie, pour ce réalisateur talentueux à la vision pessimiste. Son nouveau film, retraçant efficacement le destin de trois mineurs prisonniers au caractère atypique, restera cependant comme un film simple et souvent naïf. Un excellent réalisateur ne fait pas un excellent film.
La haine et l’amour en confrontationLe film commence par la présentation très brève des faits qui seront reprochés aux trois futurs jeunes internés : trafique de drogue, vols de voiture et violence auront raison de leur liberté écourtée. Ces trois jeunes, inconscients de la réalité, rétabliront l’égalité de leur différence ethnique : les traitements de faveur n’existent plus en prison. Très vite, le film prend toute l’ampleur du débat qu’il soulève, à savoir le traitement inhumain de ces jeunes aux ailes coupées et au destin rendu aveugle. Car dès la première demi-heure du film, toute l’intrigue, si on peut l’appeler comme cela, se met en place. Découverte du milieu carcéral, conflits entre internés, formation de gang et rackets se succèdent et permettent d’introduire avec une lucidité certaine une ambiance juvénile mais extrêmement malsaine. Juvénile, car les internes dorment ensembles, dans de sortes de dortoirs qui évoquent certaines colonies de vacance. Malsaine, car la violence va rapidement s’imposer dans le comportement de nos trois jeunes, soumis à l’arrogance de gangs et à l’incompétence des surveillants.
Cette introduction, assez efficace, montre tout de même le certain manque de créativité qui fera défaut au film durant toute sa durée. Car, en effet, tous ces évènements sont présentés avec un classicisme ahurissant. Les jeunes se battent, s’entraident, et s’organisent comme nous l’avons vu déjà de nombreuses fois au cinéma. Durant toute la première partie du film, rien de bien excitant ne nous est ainsi présenté. La réalisation efficace permet de cacher un film froid et sans réelles saveurs : l’ennui est absent mais la lassitude est très vite atteinte.
A travers des plans recherchés et des acteurs inconnus mais talentueux, Kim Chapiron arrive à tenir en haleine ses spectateurs mais sans réellement les époustouflés. Ce qui aurait pu émouvoir, à savoir la présence enfantine dans une prison froide et déshumanisante, n’arrive jamais à faire surface, tout du moins dans la première partie du film. Les situations étant traitées d’une manière si caricaturale et si simpliste, comme cette scène où les équipes de sport sont constituées selon la couleur de peau, le film n’arrivera jamais à réellement décoller pour offrir un spectateur un véritable frisson de haine, d’amour ou d’attachement. Dommage.
La prison enferme l’espoirLa difficulté de la prison est donc abordée avec légèreté et simplicité. Mais est-ce réellement un défaut ? Car tout le propos de Dog Pound se retrouve à lui-seul sublimé par la seconde partie du film, nettement plus élaborée et aboutie que la première.
Alors que la première était en effet plutôt lente et pas franchement palpitante, tout en restant tout de même d’une qualité cinématographique intéressante, la seconde partie se révèle extrêmement plus réussie car plus crue et plus pathétique. La dégradation des relations et la série de drames s’enchainant les uns aux autres provoquent un cachet pathétique et dramatique au récit. De plus, la violence, filmée avec grâce par Kim Chapiron, permet de créer une intensité extraordinaire au film, à l’image de la vivacité et de la vitalité des protagonistes.
L’humour, sentiment très contrasté face à ce tourbillon de haine et d’angoisse, fait aussi une apparition fracassante et permet de créer, avec une intelligence brillante, une réelle faille dans le film. Les anecdotes contées par les jeunes prisonniers, avec simplicité mais profondeur, sont misent en scène avec un brio et permettent une fracture spatio-temporel excellente. Et relèvent aussi la seule lueur d’optimisme du film. Car, comme le soulignera la fin du film qui n’en est pas vraiment une, l’avenir est incertain. Et ce n’est que par le passé que ces jeunes réussiront à vibrer et à frémir, dans une prison qui souligne la neutralité des sentiments et des traitements envers les enfants. Là est aussi le message de Kim Chapiron : les prisons pour mineurs ne sont que très peu différentes de celles des adultes. Mais les voyages forment la jeunesse, et même ceux qui mènent à la prison. La maturité de certains détenus est étonnante, mais le cordon ombilical ne sera jamais coupé dans un tel cadre, où la seule liberté consiste à rencontrer ses parents. Un film pessimiste, efficace, mais indéniablement inachevé.