Copie conforme, d'Abbas Kiarostami : 6.5/10 L’art, par sa complexité exigée, reste fatalement inaccessible au plus grand nombre, d’où le besoin rationnel de la reproduction artistique : l’art de reproduire l’art. Et si cette pensée, à la fois naïve et ambitieuse, ne serait que le reflet de notre existence ? Car dans nos vies, dans nos amours et dans nos détresses, cette reproduction inachevée et imparfaite de nos comportements se traduit quotidiennement et provoquera l’inéluctable question de la frontière du réel.
Ce sera le constat, parfois alarmant mais toujours porteur d’espoir, de James, écrivain quarantenaire, et de cette femme galeriste en quête d’amour et d’existence. Leur rencontre les mènera vers les sentiers battus du dialogue, source de la tristesse et de souvenir.
Copie conforme, de l’iranien Abbas Kiarostami, relève donc de l’œuvre cosmopolite au message universel et à la sensualité éprouvée. Ici, tout est question de dialogues et de débats profonds, sur la relation amoureuse et la réalité des sentiments, mais apportés par des thèmes légers et décomplexés. Le réalisateur a ainsi choisi, de manière forte intelligente, de mettre en scène les acteurs d’une façon très théâtrale, pour un résultat réussi, mais indéniablement inachevé.
Premier acte : la rencontreTout commence sur un plan serré où James y présente son nouveau roman, Copia Conforme, devant une foule modeste mais très attentive, exception faite sur une femme, brune et ravissante, assise au premier rang, celui des invités. Cette femme, accompagnée par son enfant très bruyant, semble conquise par le discours rayonnant et intellectuel de James : son visage rayonne, ses expressions sont sincères et son regard rêveur. Cette première rencontre apparaitra finalement le pilier fondateur de la future relation dont nous serons les témoins dans la première partie du film. Car si le film se veut uniforme sur sa forme tout au long de son déroulement, proposant des plans fixes et intimistes, son fond apparaitra comme particulièrement nuancé dans une seconde partie beaucoup plus intense et beaucoup moins poussive.
La rencontre des deux personnages, qui se donneront rendez-vous après la conférence, est effet basée sur un schéma relationnel très classique : au cours d’une balade très monotone, les protagonistes échangent, se découvrent et s’apprécient sur le thème faussement central du récit, à savoir l’art et sa reproduction. Pour le coup, les dialogues sont très convaincants, valsant entre sujets existentialistes, comme la mort et son interprétation, et sujets beaucoup plus légers et humoristiques. La réalisation est donc très théâtrale, à base de plans fixes et serrés, et permet d’entretenir une dose certaine de mystère et de folie qui se traduira par une seconde partie rocambolesque.
Deuxième acte : entre mensonges et réalitéCette rupture incroyable et inattendue dans le film arrivera volontairement par un acte tout à fait anodin et image de notre époque : James répondra au téléphone, sortira du café, et une serveuse viendra, à son tour, échanger avec la galeriste. Cette première intervention d’une personne extérieure provoquera un déséquilibre fatal. L’humour fera alors son apparition dans ce récit terne et froid puis sera suivi par une forte avalanche de sentiments, où l’amour, l’espoir et la tristesse se voleront tour à tour la vedette. Cette succession de situations plus étonnantes les unes que les autres créera chez le spectateur un fort sentiment de malaise et d’incompréhension où la réalité ne se distinguera plus de la fiction. L’amour serait-il sincère et, même, aurait-il déjà existé ? Difficile de répondre tant la fresque amoureuse des personnages, perturbés par des éléments extérieurs, semble puissante et profonde. La banalité devient source de problème, quand, paradoxalement, la complexité des débuts était source de jouissance. A l’image de l’amour, finalement. Cette seconde partie du film de d’Abbas Kiarostami soulève ainsi d’innombrables questionnements et provoquera inéluctablement de multiples interprétations de ce dernier.
Malheureusement, Copie Conforme aura mis trop de temps à prendre son réel envol, malgré l’interprétation impeccable de ses acteurs. De plus, la monotonie des situations provoquera une lassitude certaine chez le spectateur, pour aboutir sur une intrigue, finalement, pas très développée même si passionnante. Le film semble ainsi parfois dérouté et manqué sa cible à de nombreuses reprises en adoptant un rythme mollasson. Dommage, car ce récit théâtrale multilingue était particulièrement ambitieux. Filmer l’amour en Italie reste néanmoins un gage certain de qualité, surtout quand celui-ci est habillement élevé au rang d’art.