Superman ReturnsCela fait 5 ans que Superman a disparu pour les habitants de Metropolis et cela aura fait 20 ans pour nous autres. Pourquoi le monde a t-il besoin de Superman ? A défaut d’avoir lu l’article de Lois Lane, je m’en vais en faire une concise réponse. Parce qu’il est un symbole de justice, de bonté et d’espoir qui met en exergue nos faiblesses et nous aide à trouver le bon dans notre peuple appelé humanité. Pour des générations d’enfants humains, et ce depuis presque un siècle, il aura été la lumière qui nous a guidés et aidé à devenir meilleurs et à construire un monde meilleur, à une époque charnière de notre évolution, où tout peut être perdu.
Le cinéma avait donc, plus aujourd’hui qu’en 1979, désespérément besoin de Superman. Mais alors que fait-on ? On re-raconte toute l’histoire depuis le début ? Comment il est arrivé sur terre, a grandi dans une famille de fermiers, est devenu un superhéros dissimulé derrière le journaliste/reporter Clark Kent, comment il rencontra Lois Lane et en devint amoureux, comment il jura de défendre le monde contre les méfaits son ennemi juré Lex Luthor ? Et bien sûr on s’arrange pour que tout soit un peu différent, plus moderne, filmé à la façon moderne caméra embarquée par un parkinsonien et musique confiée à un as du loop drum techno dernier cri. « Wroooooong ! » comme dirait Kevin Spacey. Batman Begins a commis cette erreur, Superman ne pourra pas être gâché de cette sorte, ni son illustre aîné, Superman The Movie réalisé par Richard Donner et considéré comme le père fondateur du film de superheros, ni ce successeur tant attendu par le monde. Superman Returns ! Il revient pour une suite et non une redite ou un remake, et fort de ses acquis cinématographiques passés ou des leçons tirées des erreurs des derniers épisodes de la franchise tournés dans les années 80.
C’est donc avec un respect absolu envers les deux premiers films de Richard Donner que Bryan Singer livre au 21ème siècle son Superman. Les allusions fusent, que ce soit dans un but de cohérence esthétique (le générique de début), scénaristique (le film tient compte des événements déroulés dans les deux films de Donner et y fait clairement référence pour expliquer les conséquences, 5 ans plus tard, dans ce nouveau film) ou même musicale (John Williams n’est pas de retour à la baguette, mais ses thèmes sont rigoureusement repris : la célèbre marche pour illustrer les exploits héroïques de Superman, le « love theme » pour figurer la renaissance d’un amour perdu, et une foule de thèmes et motifs moins connus du grand public mais religieusement remis à leur place exacte).
Parti de cette cohérence hallucinante, Bryan Singer raconte son récit qui possède ses propres caractéristiques, et certaines, très étonnantes, qui ne peuvent être dévoilées dans ma critique sous peine de spoiler ceux qui n’ont pas vu le film, mais ceux qui l’ont vu savent de quoi je veux parler. Lex Luthor n’est quant à lui pas du tout original : il veut toujours conquérir le monde, et ses terres ! Mais le moyen employé est, pour le spectateur qui avait été subjugué par la scène de la fondation de la forteresse de solitude de Superman dans le film de Donner, très originale, impressionnante et toujours en parfaite adéquation avec les épisodes précédents. Hormis une mégalomanie luthorienne inchangée, une foule de changements vient perturber le Metropolis que nous connaissons tous : Lois Lane a trouvé l’homme de sa vie en la personne d’un être humain cette fois-ci, et est même devenue maman, et Superman doit retrouver sa place dans un monde qui a vécu sans lui pendant 5 ans. Une question essentielle se pose alors, tant au monde fictif qu’au monde réel (celui des spectateurs) et devient le pilier fondateur de tout le film : Le monde a t-il besoin de Superman ? Le sujet est traité avec une sensibilité désarmante et une finesse peu coutumière de ce genre de films. Entre les mains de Bryan Singer, on le sait depuis les X-Men, le super héroïsme n’est plus qu’un sujet épique mais également un drame psychologique fouillé et émouvant. Cet aspect dramatique avait été effleuré dans Superman The Movie (la scène de la mort de Jonathan Kent et celle de Lois Lane) et poursuivi dans Superman II avec la romance désormais officiellement « consommée » entre Superman et Lois. Mais ici, Singer décuple l’émotion de manière assez inédite en injectant de nouveaux éléments perturbateurs et en établissant un beau parallèle relationnel avec le premier film, que je tairai ici (pour ne pas spoiler encore une fois), mais tous ceux qui sont au courant voient de quoi je parle.
Au niveau de la mise en scène, Bryan Singer livre des scènes calmes d'un intimisme et d'un lyrisme véritablement émouvants (la scène de Superman au sommet du monde écoutant les appels des hommes est absolument transcendante) et opte pour une prise de vue et un montage lisibles dans les scènes d’action (pas comme la plupart des films d’actions récents) certainement par souci de cohérence, une fois de plus, avec les films précédents, ou peut-être tout simplement par pur bon sens, en permettant à son spectateur de comprendre l’action et de ne pas ressortir de la salle avec un mal de crâne infernal. Le costume de Superman est relooké (et on prend le temps de le spécifier dans le film pour justifier le passage du costume des anciens épisodes à ce nouveau) certainement dans le but de crédibiliser davantage l’acteur dans son costume. Tout le monde n’est pas Christopher Reeve et ne peut pas aussi facilement donner une âme et un charme saisissant à un personnage en collants bleu avec un slip rouge par-dessus.
D’ailleurs au niveau du casting, Brandon Routh s’en sort haut la main et s’avère un choix parfait pour le rôle. Nicolas Cage aurait été un carnage par exemple, et le choix d’un anonyme est plus que judicieux et avait payé il y a 30 ans. Lois Lane est sensiblement différente, moins pétillante, plus dramatique. La raison vient à la fois d’un scénario où le personnage est en proie à des émotions un peu lourdes, et des qualités d’actrice dramatique propres à Kate Bosworth. Mais Lois Lane a évolué en 5 ans, elle s’est rangée, elle a un enfant, et ce changement se justifie tout à fait. Le deuil d’une Lois électrique et drolatique des épisodes précédents devient alors nécessaire. Que dire de Kevin Spacey ? sinon que c’est comme si Gene Hackman n’avait pas quitté le rôle, ou que je n’aurais pas pensé une seule minute à un autre acteur pour poursuivre avec brio le travail commencé par Hackman en 1978.
Justesse, maîtrise, sensibilité, Bryan Singer mène son blockbuster d’une main passionnée et passionnante. On sent le fan absolu de Richard Donner qui a rêvé de ce moment toute sa vie et qui donne naissance à ce rêve. Mais loin d’être aveuglé par tant d’admiration, Bryan Singer va plus loin et donne au monde un nouveau Superman, non pas nouveau dans le sens « distinct » mais dans le sens « evolué ». Sans renier ses aventures cinématographiques passées, il écrit, dans Superman Returns, l’avenir du superheros. Et il y a fort à parier que la suite prendra la même direction, en allant beaucoup plus loin encore. En grand admirateur des films incarnés par Christopher Reeve, je me sens profondément fier que la suite des aventures de Superman soit entre de si bonnes mains.
Note : 9,5/10