8/10
Platoon de Oliver Stone - 1986
"Somebody once wrote, "Hell is the impossibility of reason." That's what this place feels like. Hell."
Si le film de guerre a l'air d'être un passage obligé pour tout les grands réalisateurs, pour Oliver Stone c'était plus qu'une évidence, il a le Vietnam en lui et en fera même une trilogie avec Né un 4 Juillet et Entre Ciel et Terre, bon je suis carrément moins fan de ceux là qui s'intéressent à l'après Vietnam, ici on est au corps de l'action avec le quotidien de ces patrouilles en pleine jungle.
Le sujet forcément il le connait, c'est pas comme si il avait pas fait le Vietnam, il livre donc un putain de film de guerre et de soldats surtout, à la manière d'un Samuel Fuller en son temps il s'intéresse avant tout aux hommes plutôt qu'au conflit. Bon c'est pas exempt de défaut ce qui fait que c'est pas le meilleur film au Vietnam, c'est donc pas spécialement réaliste ( les viet ne sachant pas viser, mais genre vraiment, c'est oublié que les Viet ils ont quand même foutu la branlée aux ricains ), le traitement est pas toujours très fin, en même temps la finesse c'est un truc que connait Stone, du coup c'est très tire lame, et on a certains persos un peu caricaturaux mais ils sont tellement campé avec conviction ( putain de Berenger ) que ça passe bien, c'est fou comme tout les soldats sont rapidement attachants ( on est content pour ceux qui s'en sortent ), si aujourd'hui je me fais chier la plupart du temps au cinéma c'est parce que les mecs sont incapables de caractériser correctement des persos ou de leur donner l'épaisseur suffisante pour qu'on s'intéresse à eux, c'est clairement un truc qui s'est perdu et qu'on a que très très rarement. Ici en très peu de temps Stone rend ce petit bataillon très attachant avec un gros casting, d'ailleurs ça fait plaisir de voir des gars comme Keith David, Tony Todd, Forest Whitaker, Francesco Quinn ( il a une bonne tête lui ), John C. McGinley ( j'aime bien sa dernière scène ) ou bien encore Kevin Dillon ( excellent son perso complètement barré), je cite pas Depp, tocard un jour, tocard toujours.
"Excuses are like assholes, Taylor, everybody got one."
Et pis on a bien entendu la putain de confrontation entre Berenger et Dafoe, les 2 figures paternels de Sheen qui se terminera avec un plan christique qui est désormais devenu culte mais qui a aussi été tellement de fois mal parodié. Ces 2 personnages Elias et Barnes représentent un peu 2 facettes de la personnalité du réalisateur à travers les films de Stone : un très humaniste et l'autre une brute très violente ( pas besoin de citer les films là ), et il y a bien entendu Charlie Sheen a l'époque ou on pensait que ça deviendrait la nouvelle star d'Hollywood (il est quand même bien sympa son début de carrière), il s'en sort bien dans son rôle très cliché et très appuyé de rookie qui va devenir un homme et perdre son innocence mais la fin de sa storyline finalement ça s'éloigne du cliché car il va jusqu'au bout du truc, bien entendu il est éclipsé par le charisme des 2 sergents mais c'est aussi son rôle qui veut ça, après on va pas se mentir, Charlie Sheen c'est pas un grand acteur, c'est pas la came qui fait qu'il a pas fait carrière c'est juste qu'il est moyen quoi.
Le script est une plongée dans la quotidien de ces soldats embourbés au vietnam, fait de patrouille dans la jungle et de moment de décompression où les soldats comptent les jours qu'ils leur restent, a proprement parler y a pas réellement d'enjeu si ce n'est survivre, bon ça reste un putain d'enjeu, mais on avance un peu à l'aveugle, on est au coeur des patrouilles, on peut presque sentir la pluie et le froid.
"I love this place at night, the stars. There's no right or wrong in them. They're just there."
Stone montre une guerre sale et peu glorieuse, où les soldats ricains la peur au ventre sont loin d'être irréprochables entre racisme, drogue, folie meurtrière, y a de quoi faire et il édulcore rien, il dresse le portrait d'une époque qu'il a vécu.
Par contre dommage Stone n'évite pas le manichéisme en scindant très clairement ces soldats en 2 groupes : d'un coté les bons et de l'autre les enculés, y a pas vraiment de demi mesure, après le perso de Berenger va bien au delà de l'enculé de base, c'est juste que tout est exacerbé car la guerre lui permet juste de faire tout ce qu'il a envie et pour lui buter une femme désarmé c'est clairement pas un problème.
Le casting tire clairement le film vers le haut avec un Berenger qui trouve ici son meilleur rôle ( il est tout simplement fascinant ) et Dafoe est immédiatement charismatique, lui on peut discuter sur le fait que ce soit son meilleur rôle, j'aime bien quand il est sobre comme ça, ils avaient tout les 2 été nommés pour l'oscar du meilleur second rôle et c'est Caine qui a gagné pour un film pourri de Allen que tout le monde a oublié depuis.
Là ou le film fait qu'il n'accède pas au statut de chef d'oeuvre c'est aussi à cause de sa mise en scène, ça reste assez basique, bon c'est efficace, ça vide du chargeur et ça explose de partout mais les scènes de guerre se révèlent très quelconques et moyennement sanglante ( à part le gars qui a plus de bras y a rien de bien violent ) on est loin d'un
Full Metal Jacket ou un
Soldat Ryan, par exemple lors de la découverte d'un sous terrain, De Palma aurait fait un pur truc de tension, Stone filme ça tout platement, d'ailleurs je trouve que depuis Stone s'est bien amélioré ainsi
Alexandre ou Any Given Sunday sont nettement plus efficace question réalisation, heureusement Stone se révèle très bon lors de ses scènes chocs : le passage dans le village, la confrontation Dafoe/Berenger, la scène où Chris est enfin accepté par son unité ( et qui devient donc pote de beuverie ) et bien entendu la double confrontation Sheen/Berenger ( très bon dialogue lors de la scène ou Chris dit qu'il faut tuer Barnes ). Et puis par moment y a des supers plans quand même, c'est juste que l'action Stone c'est pas son truc.
La BO très mélo qui en rajoute des tonnes passent vraiment bien.
Clairement un des meilleurs Stone qui reste pour moi un réalisateur assez inégale, ici il n'atteint pas le niveau d'un Any Giver ou de JFK mais il livre un solide film qui passe facilement l'épreuve du temps.
Stone réussit à livrer un film sincère qui retranscrit l'enfer du vietnam, l'inutilité de cette guerre ( le plan avec la base ravagée et les montagnes de corps fait froid dans le dos ) et quand on parle film sur le Vietnam, il arrive immédiatement après Apocalypse Now et Une balle dans la tête, et non j'oublie pas de citer le Cimino, le Cimino il est un peu bof quand même.
"Everybody got to die sometime, Red."