Breathless, de Yang Ik-June : 8/10
La violence engendre la violence. Tel pourrait se résumer la vie de Sang-Hoon, jeune recouvreur de dettes qui use de sa force physique pour oublier sa détresse psychologique. Jusqu’au jour où, par le fruit du hasard d’une rencontre, Sang-Hoon découvre la juvénile Yeon-Hee, différente de toutes celles qu’il a déjà rencontrées, et qui semble être son propre reflet féminin.
Une satire politique terrifiante de réalisme
Premier long métrage de Yang Ik-June, Breathless est le récit pessimiste d’un monde déshumanisé où règnent la violence, la haine et la compétition. A travers des zooms intenses et remuants, le jeune réalisateur a réussi à traduire cette violence physique mais surtout morale d’une façon très directe et très immersive. Les protagonistes tombent, s’éclatent et s’autodétruisent dans cette société coréenne inégalitaire et injuste. Car Breathless est avant tout un plaidoyer politique ayant pour objectif de stigmatiser cette société qui n’arrive pas à appliquer le principe de justice sociale. Grâce à des personnages travaillés et profonds, Yang Ik-June parvient à démontrer que la violence qui les animent est provoquée par leur environnement néfaste et pervers : drames familiaux, troubles psychologiques, difficultés scolaires et pauvreté.
Cette précarité, transgénérationnelle car vécu au travers de trois générations, semble fatalement inéluctable. Le propos est très dur car celui-ci est filmé de façon très naturel et très simpliste : pas de surenchères, pas d’effets sensationnels, Jonk Ik-June a fait le choix d’une caméra en perpétuel mouvement qui souligne l’intensité des chocs physiques et moraux. Le rythme est ainsi particulièrement maitrisé, même si quelques rares séquences semblent un peu répétitives.
Quand le bien rencontre le mal, et vice-versa
Le personnage de Sang-Hoon, au passé lourd et à l’avenir incertain, est particulièrement maitrisé. Les mimiques de Yang Ik-June, qui interprète et qui réalise donc, sont justes et parfaitement limpides. Le personnage sait se rendre à la fois terrifiant de froideur et attachant de sensualité. Attachant de part son histoire. Rapidement propulsé dans la difficulté de la réalité, le jeune Sang-Hoon voit sa sœur se faire poignarder par son père qui voulait initialement s’attaquer à sa mère. Sur le chemin de l’hôpital, sa mère se fait renverser par une voiture et décède de ses blessures. A l’image de ce personnage, tous les protagonistes de Breathless souffrent d’une crise identitaire forte et d’un manque de repères flagrant symbole de toute une génération. L’attirance de Sang-Honn envers Yeon-Hee se retrouve ainsi amplement justifiée : leurs propres reflets seront finalement leurs propres repères.
La morale du film est particulièrement explicite : le bien et le mal sont indissociables. Car, paradoxalement, c’est grâce à ce mal qui le ronge que Sang-Hoon réussira à prendre conscience du bien qu’il est capable d’incarner. A l’image de cette fabuleuse scène, incroyable d’intensité et d’émotion, où ce dernier se rend chez son père avec l’idée d’accomplir sa vengeance mais qui finalement réveillera son émotion cachée par tant et tant d’année de haine et d’autodestruction. Exceptionnelle, cette scène se conclut par une cascade émotionnelle perturbante où Sang-Hoon parviendra enfin à s’émouvoir de sa triste situation. Un des rares moments où l’intéressé fera preuve d’un certain degré d’humanité.
Émouvant, violent et révoltant, Yang Ik-June signe avec Breathless un magnifique premier film qui écrase tout sur son passage. Malgré quelques passages redondants et répétitifs, le film est une réussite exemplaire, à la limite de l’insolence, qui dévoile tout le talent scénique et artistique de son jeune réalisateur. Une fresque sentimentale à consommer sans modération.