L'étrange histoire de Benjamin Button, de David Fincher: 6/10« Le premier grand film du XXIème siècle ». Voila comment l’Express, célèbre magazine hebdomadaire français, annonçait ce fameux Benjamin Button. A l’époque, le film avait en effet de quoi faire saliver toute une troupe de moutons : réalisé par David Fincher (Seven, Fight Club), L’étrange histoire de Benjamin Button raconte cette drôle d’histoire donc de cet homme qui naquit vieux et qui vécu ainsi sa vie à l’envers pour mourir jeune, pubère, précoce. Et qui de mieux que ce fameux Brad Pitt, répondant à ces critères de jeunesse éternelle, pour interprété cet étrange personnage. Ainsi, dix ans après leur mémorable association avec Fight Club, David Fincher et Brad Pitt étaient de retour main dans la main pour nous offrir cette incroyable fresque hollywoodienne qui se devait de marquer sa génération. Sauf que tous les espoirs placés en lui se réduisirent en miettes après près de trois heures de film incroyablement longues et pas toujours passionnantes. Un comble pour une histoire telle que celle de ce malheureux Benjamin Button.
Un film qui peine à nous émouvoirA la manière d’un Forest Gump, l’histoire qui nous est contée est ancienne et intra-générationnelle : de sa naissance jusqu’à sa mort, tous les évènements dont nous serons les témoins sont du domaine du passé et nous sont racontés par le biais de flash black douteux et mal orchestrés. En effet, la narratrice, au chevet du lit d’hôpital de sa mère qui eut une histoire d’amour ô combien palpitante avec ce beau gosse de Button, ne paraitra jamais impliquée dans cette drôle d’histoire tellement son engagement avec celle-ci est minimaliste : par le biais de lettres du défunt, elle lit, sans réelles émotions palpables, les péripéties de ce dernier. Sans réelles émotions, voici en fait le talon d’Achille impardonnable du film. Car celui-ci, basé principalement sur l’histoire d’amour d’un homme qui vit sa vie à l’envers, ne parviendra jamais à émouvoir les âmes de pierre des terribles spectateurs que nous sommes. En effet, les différentes relations à la fois amicales, familiales et bien sûr amoureuses que Button aura au cours de sa vie resteront à jamais entrouvertes sans jamais pénétrées, sans jamais travaillées. Tout est trop plat, trop simple, pas assez intimiste et pas du tout émouvant. Ce personnage, pourtant incarné par un acteur au charisme inégalé, parait réellement terne car trop naïf et limite niais, ce qui semble peu crédible aux yeux de son physique avantageux. Au contraire d’un Forest Gump, pour en revenir à lui, Benjamin Button n’a pas une personnalité assez marquée pour provoquer chez le spectateur un réel attachement.
Un homme qui vit sa vie à l’envers : cela aurait pu être d’une telle réflexion philosophique ! Malheureusement, là aussi, la platitude du questionnement philosophique, qui aurait dû être une ode à l’existentialisme, est réellement consternante, voir grotesque. A l’image de cette scène où Brad Pitt, jeune et doux comme un agneau, décide de quitter le cocon familial pour permettre à sa femme d’éduquer comme il se doit leur enfant : les dialogues y sont niais et trop peu recherchés. Une romance à fleur de peau et surtout beaucoup trop caricaturée. Le personnage ne se posera pratiquement jamais de question sur le sens de sa vie, sur le ressenti des autres, sur l’amour impossible. Dommage, car Fincher avait réussi avec Seven et surtout Fight Club de poser aux spectateurs de réelles questions philosophiques existentielles.
Le cachet d'un grand réalisateurNéanmoins, malgré tant d’acharnement et à défaut d’être réussi, le film est très loin d’être mauvais. L’histoire reste palpitante malgré sa platitude (certains moments sont mémorables, comme les scènes sexuelles d’une magnifique intensité), et la réalisation générale est une belle réussite : les plans sont très photographiques et la pate graphique nécessaire à ce genre de récit fantastique est bien présente par le biais d’un effet sépia des plus réussis. De plus, la performance visuelle concernant le rajeunissement et surtout le vieillissement de Brad Pitt est incroyable de naturel et de crédibilité. Une pure merveille pour une histoire qui ne l’est pas moins. Les acteurs, eux-aussi, sont très convaincants sans être non plus au sommet de leur art comme cela était annoncé un peu partout.
Un léger goût amer. Voila ce que laissera ce Benjamin Button dans le gosier de nombres de spectateurs. Car tel un mannequin sans cervelle, le film semble malheureusement privilégier incontestablement la forme au fond malgré un univers et un scénario très prometteurs. Mais la déception vient surtout de David Fincher, qui nous livre ici un conte trop simple, trop facile, et qui se consomme dans l’instantané et non dans la durée. Dommage, car ce réalisateur de talent avait ici de quoi faire une œuvre cinématographique majeure qui aurait pu marquer sa décennie et ce début de siècle. Il n’en restera au final qu’un bon film que l’on ne se souviendra plus d’ici quelques années.