Shutter Island de Martin Scorsese
Scorsese nous embarque à Shutter Island dans une superbe introduction brumeuse le ton est donné : l'aventure sera pesante et le malaise s'insinuera à chaque seconde du voyage.
Frappant à grand coup d'une bande son omniprésente, Scorsese ne fait pas dans la dentelle et sacrifie la fluidité de son cinéma au profit d’une première partie déroutante sur bien des points notamment par ses choix narratifs, le film garde un mystère entier changeant sans cesse de direction. L'intrigue ne développe aucune piste qu'elle lance, court-circuitant mainte fois une enquête qui tente sans cesse de se relancer, un rythme en dent de scie qui laissera pas mal de spectateur dans le brouillard. Privilégiant d'étranges flashback, des élans gores et des visions horrifiques le tout rythmé par des crépitements d’ampoules, Scorsese ne cesse de se renouveler en s’amusant à mélanger les genres.
Le réalisateur nous coince dans un hôpital psychiatrique fortifié ou les brusques changements météorologiques se conjuguent avec les sauts d’humeurs de son personnage principal : Le marshall Teddy Daniels. Le jeu halluciné de Leonardo DiCaprio fait de l’ombre au reste du casting pourtant impeccable de Mark Ruffalo en retrait à une Michelle Williams inquiétante, on pourra tout juste reprocher à Ben Kingsley d'alourdir sa démonstration finale. L'acteur principal porte dans un bouillonnement intense toute la structure du film, en explorant les méandres psychologiques de son personnage il continue sa fructueuse collaboration avec Scorsese dans la veine d’Aviator.
D’ailleurs le metteur en scène retrouve son directeur photo Robert Richardson pour mettre en images quelques unes des plus belles scènes de sa carrière, invoquant les éléments feu et eau pour tisser les liens d’un drame bouleversant qui traversera l’océan pour dénoncer la violence dont est capable l’Homme. A partir d’une escapade dans un cimetière le film décolle à l’aide une tension tourmentée de laquelle découlera toutes les pièces nécessaires afin de venir à bout des méandres de ce puzzle.
Lorsque DiCaprio arrache en jurant sur sa cravate hideuse pour enflammer une diversion toute les fautes de goûts présentes dans le film allant des faux raccords à l’insistance de certaines scènes considéré comme hors de propos voir grotesque, se retrouvent être d’ingénieux indices parsemé par son réalisateur pour former un film à l’image de la psyché malléable de son héros dernier rempart envers des souvenirs traumatisant. La virtuosité de certaines séquences contient de manière subtile plusieurs dimensions et interprétation possibles résumé en une déclaration finale : Scorsese révèle toute l'ambiguïté fascinante de son film.
9/10