On l’attend tous (enfin tous les amateurs de cinéma de genre) depuis trop longtemps. Production chaotique, remontage après les premières projections presse, échos pas terribles… le film, présenté en sélection à Venise, Sitges et Gérardmer va bientôt affronter le public. Qu’en est-il exactement? Et bien le bilan est plutôt mitigé. De très belles choses en côtoient d’autres limite nanardesques, mais il est essentiel de remettre le film dans son contexte, à savoir celui d’un premier film. Yannick Dahan, critique de cinéma émérite à la forte personnalité, a beau avoir déversé ses propos pas toujours tendres sur pas mal de films, il ne faut pas oublier qu’il débute dans la réalisation. Donc lui tomber dessus sous prétextes qu’il soit tombé sur d’autres avant est idiot et sans intérêt. D’autant plus que ce type est un véritable amoureux du cinéma de genre, tout comme les grands noms de l’équipe à l’origine de la Horde dont Stéphane Moïssakis et Arnaud Bordas, soit une partie de la Mad Team actuelle et passée réunie. Cet amour pour ce type de cinéma est la chose essentielle qui sauve le film du naufrage, car il faut être honnête il souffre de très nombreux défauts sur lesquels la critique « sérieuse » va tomber avec condescendance. Entendre par sérieuse celle qui dénigre le cinoche de genre et qui ne cesse d’encenser le cinéma d’auteur (le bon comme le mauvais), et qui a réussi à nous faire oublier qu’en France nous avons eu des Franju, Mélies, Tourneur, et autres génies de l’image bien plus intéressants que les cinéastes de la nouvelle vague. Que la Horde soit un des héritiers de ce cinéma, entre autres, n’en fait pas un grand film c’est certain. Mais ça en fait un film sur lequel il est dommage de cracher, même si ce serait tellement facile.
Point important, la Horde a bénéficié d’un budget de seulement 3M€, presque ridicule comparé à la plupart des comédies qui polluent nos écrans, mais tout de même 1 million de plus que Frontière(s) dans le genre. Cela n’excuse pas tout, mais explique pas mal de choses tout de même. Et la liste des défauts du film est longue, très longue… A commencer par un scénario assez étrange. L’introduction est assez vite expédiée, ce qui n’est pas un mal, et permet de rentrer en 5 minutes dans le vif de l’action, et en gros l’intrigue se résume à un groupe de flics et gangsters qui descendent les étages d’un immeuble pour échapper à des zombies. Plutôt cool, car le concept est efficace et sans fioritures. Sauf qu’à cette trame tout à fait suffisante pour l’esprit du film, les scénaristes ont décidé d’incorporer des éléments visant à la compliquer de manière artificielle et totalement inutile. Cela sans doute en vue de se donner bonne conscience, à tord. La vengeance suffisait, mais on nous rajoute la femme enceinte, les soucis du pays pour les deux blacks, et franchement on s’en cogne. La conséquence est un rythme qui faiblit par moments, dommage.
Plusieurs points à revoir sur la technique également. La musique est trop envahissante en plus de ne pas être géniale (dont le rap qui sert de générique de fin, à vomir), les dialogues alternent le jouissif avec le très faux, les acteurs surjouent à l’excès (Claude Perron qui était pourtant la valeur sure du casting arrive à être insupportable), la photo alterne le très beau et le relativement moche. Mais le plus ennuyeux est ce recours systématique à la caméra portée dans les séquences d’action qui rend le tout parfois illisible. Ça peut être efficace (28 jours plus tard et 28 semaines plus tard) mais ça ne l’est pas forcément, il faut utiliser cet outil avec méfiance et parcimonie. Et là ça ne sert pas le film, au contraire. Conséquence du budget serré, les effets numériques font parfois de la peine, en particulier les gerbes de sang qui n’ont rien de réaliste, l’utilisation pas toujours bien sentie du hors champ ou le manque de zombies à l’écran finalement. Enfin, on peut noter de sérieux soucis de montage qui rendent le déroulement vraiment pas fluide, conséquence évidente d’une post-prod chaotique. On l’aura compris, la Horde est loin de la grosse réussite, mais il n’est pas non plus la purge que certains ont vu.
Et son gros point fort est sa générosité envers le spectateur qui se déplace pour voir un film d’action avec des zombies dedans en même temps qu’un film du critique le plus badass du petit monde cinéphile. Et si parfois certaines scènes se trainent en longueur, on peut dire qu’on en a pour son argent au niveau dézinguage de zombies! C’est efficace avant tout, c’est grossier, surprenant, violent, ça ne se pose pas de question de morale. Et même si c’est surjoué (vas-y que je sors ma plus grosse voix pour montrer que c’est moi qui en ai le plus dans le slip) ça passe tout seul. C’est sérieux mais pas tant que ça car au niveau des dialogues on atteint des sommets de too much, en particulier avec le personnage d’Yves Pignot, vieux raciste complètement barge qui n’est jamais vraiment revenu d’Indochine et qui manie la hache (belle référence à la Colline a des Yeux au passage) aussi bien que la sulfateuse.
Tout l’intérêt de la Horde est cette longue descente d’immeuble, c’est un film qui commence comme un polar, se poursuit en huis clos et finit en vrai zombie-flick. On y trouve plusieurs grosses scènes, même si elles sont dévoilées dans la bande-annonce, qui font toute sa force et son charme. Alors c’est vrai que c’est très imparfait, qu’il y a des tonnes de choses à revoir, que ça manque de zombies (et ça c’est vraiment le truc qui gêne le plus), que c’est pas toujours bien joué ou bien shooté. Mais les mecs derrière la caméra aiment leur sujet et ont sans doute fait ce qu’ils pouvaient avec les moyens disponibles. C’est loin d’être honteux, c’est hyper référentiel (comment ne pas penser à Carpenter et Peckinpah??) et ça mérite tout le soutien des amoureux du genre, et puis il y a assez de scènes bien badass pour qu’on s’en souvienne quelques temps, ce qui n’est pas donné à tous les premiers essais.