par Scalp » Mar 17 Nov 2009, 17:06
9/10
Infernal Affairs de Andrew Lau & Alan Mak - 2002
"J'ignore si il est bon ou méchant, il n'y a que lui qui le sait"
Après la rétrocession, et la fuite des grands noms HK à Hollywood, seul Johnnie To tenait le ciné local à bout de bras, et il le faisait plutôt bien donc quand un polar de Andrew Lau sort au ciné c'est pas l'évenement du siècle même si il a un casting qui fait carrément envie, c'est surtout un film de Andrew Lau et la carrière de Lau c'est chaud (par contre il a été chef op sur City on Fire entre autre), c'est simple avant Infernal Affairs il avait fait une quinzaine de films et que de la merde, mais genre vraiment, après Infernal Affairs, il fera la suite, qui tue, puis retournera faire de la merde (enfin c'est pas tant qu'il soit mauvais avec une caméra c'est juste qu'il filme que des scripts à la con, les Young and Dangerous faut se les taper), donc l'espace d'un film il est touché par la grâce et on va pas mettre la réussite du film sur les épaules de Alan Mak car sa carrière c'est pas forcément mieux, Mak est à l'origine du script et il s'est associé à Lau pour pouvoir obtenir le budget voulu car même si Lau fait des films de merde, il fait des films de merde qui marchent.
C'est donc drôle de se dire que le temps d'un film Lau et son pote la mette profond à l'un des 5 plus grand réalisateurs de sa génération. Tout ça pour dire que quand j'ai débarqué au ciné c'était un peu l'inconnu, c'est l'époque d'avant les réseaux sociaux, donc y avait encore très peu d'avis sur les films et on était pas gavé de 50 bandes annonces comme aujourd'hui mais bon y avait des têtes que j'aimais bien donc pourquoi pas et puis un polar HK au ciné ça se refuse pas, et c'est en écrivant cette phrase que je me rend compte que le dernier bon polar HK au ciné il a 10 piges, RIP Johnnie To.
Ce film c'est la preuve que pour faire un bon film, ce qu'il faut avant tout c'est un script, le reste on peut se débrouiller si on sait à peu près tenir une caméra et qu'on a prit des mecs qui savent jouer, c'est un peu le Usual Suspect Hong Kongais quoi, un piètre réal qui livre un chef d'oeuvre grâce à une écriture sans faille. Lau n'est pas un grand réalisateur c'est juste un faiseur correct et il refera jamais mieux par la suite.
Sur une idée de départ vraiment géniale et pour le coup originale ( une taupe de chaque coté et le parallèle que ça crée, le tout sans aucun manichéisme, chacun ayant ses motivations qui peuvent le rendre attachant et chacun étant finalement à la poursuite de son propre reflet), et l'originalité dans un polar c'est un truc rare, le duo nous livre un film tendu de bout en bout avec des enjeux clairement identifiables immédiatement. 1h35 suffisent amplement pour gérer ce script parfaitement rythmé et un modèle de concision, ça commence rapidement on attend pas 3 plombes pour avoir la première scène tendue, en soi la courte durée pourrait être un défaut mais ici je trouve que ça participe amplement à la réussite du film. Les thèmes ça fait pas dans la l'originalité mais ça fonctionne toujours : amitié, trahison, solitude, le tout porté par un casting haut de gamme et une réalisation clinquante avec plein d'effets de style ( pas mal de ralentis/accélérés ) mais sans tomber dans l'esbroufe et pis ça colle vraiment à l'atmosphère voulue, il met sa caméra au service du script et ne fait pas de plan matuvu. Les scènes importantes sont vraiment efficaces : le deal c'est super bien géré ( c'est même un modèle de mise en scène et de montage ), bien tendu du slip, et il film aussi parfaitement l'architecture de HK ( truc qui fait toujours le charme des polars HK ), ça reste la ville la plus belle à filmer avec LA pour un polar. La réalisation si elle est jamais virtuose se révèle toujours très classe à base de jolis travelling toujours bien placé (vous voyez le truc qui fait qu'on se touche sur la dernière boursouflure de Cuaron) et un sens de la durée en suspension qui donne un un film stylisé mais jamais vulgairement. En plus on a une super photo, Doyle était conseillé sur le film et ça se voit, ça donne un HK très glacial.
Le film repose donc avant tout sur son script parfait, y a vraiment rien à lui reprocher tout est limpide et rien n'est sur-expliqué ( sauf le flashback pour l'enveloppe pas vraiment utile si on veut vraiment chipoter). Et puis cette fin coup de poing est toujours aussi parfaite. A noter qu'il y a une fin alternative où Andy Lau est arrêté, bien pourri donc.
Le casting c'est juste la classe : Andy Lau y trouve son meilleur rôle ( mais vraiment, bon après c'est un acteur que j'aime bien mais je trouve qu'il est pas du niveau des meilleurs de sa génération même si c'es devenu lui la star depuis la rétrocession, Lau c'est souvent gage de qualité mais c'est le mec qui me fera voir un film ) et il est parfait dans ce rôle de flic vraiment ambigu qui sera prêt a tout pour pouvoir continuer son train de vie au moment ou on croit qu'il va rentrer dans le bon chemin il abat froidement Tsang, c'est sur ce seul point que je vais comparer avec le film de Scorsese, Andy Lau enterre littéralement la performance fadasse de Matt Damon et surtout ici il tient tête à Tony Leung. Tony Leung lui aussi livre une interprétation remarquable de flic infiltré ( comme à la grande époque de Woo ) toujours sur la corde raide, il donne un coté nonchalant bienvenu à son personnage bouffé par 10 ans d'infiltration, chose qu'il porte sur son visage, on y croit, bon là on parle quand même du meilleur acteur honkongais en activité quoi, il a un coté je joue au feeling toujours appréciable, il est jamais quelconque, il fait passé énormément de chose avec un regard ou un sourire. Mais en plus de ces 2 acteurs au sommet on a la crème des seconds rôles : Eric Tsang campe un parrain nettement mieux écrit que le perso de Nicholson (ah merde je compare encore) et il prend vraiment encore plus d'épaisseur dans le numéro 2, il est loin de le temps des Lucky Stars, il est plus qu'un méchant et à ce jour ça reste encore et de loin, son meilleur rôle.
Anthony Wong bein c'est la classe à l'état pur il a pas besoin d'en faire des tonnes ( qu'est ce que je l'aime quand il joue sobrement comme ça ), il est là avec son charisme naturel et c'est suffisant comme chez Johnnie To (dans les bonus il est marrant il dit qu'il choisit ses rôles en fonction du fric qu'on lui propose, que c'est LE critère).
Le reste des acteurs c'est des valeurs sûre : Chapman To, Gordon Lam et pis je les aimes bien les jeunots Shawn Yu et Edison Chen (qui seront très bon dans la suite). Niveau actrice alors oui je sais je suis faible parce qu'avec Sammi Cheng et Kelly Chen on est très loin des Charlie Young ou Brigitte Lin mais ça fait le taf, alors Sammi Cheng elle sert clairement pas à grand chose sauf pour la dernière scène, Kelly Chen quand à elle apporte une sorte de moment d'apaisement pour Leung.
La BO est excellente et comme souvent à HK on a une petite chanson qui passe bien et se retrouve en symbiose avec les images.
Le duo Lau/Mak refera un film, Confession of Pain mais ce fut une grosse merde. Par contre l'idée de faire un préquel sur le papier c'est une belle idée de merde mais le résultat est carrément surprenant tant le film n'a pas à rougir de la comparaison et on peut même trouver le 2 meilleur.
Alors on est en droit de préférer le film de Scorsese, pourquoi pas, mais en réalité y a pas photo. Revoir Infernal Affairs c'est comme une réminiscence d'une époque révolu, un temps où on avait encore des polars asiatiques de qualité en salle, et pas des boursouflures hardcore coréennes.
Critiques similaires