Carrément banni des écrans anglais par la BBFC qui rappelle au passage que l'institution est un des plus gros censeurs de l'histoire, Grotesque a bénéficié tout de même d'un joli coup de pub bien orchestré par ses producteurs malins. Pourtant le titre résume à lui seul le propos du film, une gigantesque mascarade à ne surtout pas prendre au sérieux sous peine de passer un sale moment. Pour bien saisir la blague et quelle en est la cible, il suffit de lire l'accroche "Unrated Version" sur l'affiche qui se moque ouvertement de tous ces Unrated ou Director's cut qui fleurissent sur les jaquettes DVD des films de genre occidentaux, comme pour se justifier d'avoir du retirer quelques inserts gores afin de ne pas choquer un public qui s'était pourtant déplacé pour ça! Grotesque n'est pas une parodie mais plus une caricature d'un genre à la mode aux USA, le torture-porn movie (nom bien aguicheur mais un poil mensonger), et dont les principaux représentants sont bien entendu la série des Hostel ou des Saw, et leurs promesses jamais tenues...
Le fait que cette caricature nous vienne du Japon sonne un peu comme un ras-le-bol par rapport à ses américains qui en plus de faire des films souvent ennuyeux avec quelques scènes chocs ont tout simplement pillé leur cinéma... car oui, la torture sur grand écran est avant tout une tradition nippone!
Et d'entrée de jeu, pour bien souligner le manque d'efficacité des ces films, le réalisateur ne prend même pas le temps de créer une scène d'exposition et balance son couple de jeunes gens aux mains du tortionnaire au bout de 3 minutes... Habitué des films d'horreur plus classiques (on lui doit entre autres le très moyen Ju-Rei), Kôji Shiraishi change carrément de style en livrant une bonne heure de tortures physiques et psychologiques non-stop (sur 1h15 de film c'est pas mal quand même!). Et il n'y va pas avec le dos de la cuillère le bougre!!
Ça commence gentiment à coups de marteau ou de scalpel, le tout sur une musique en perpétuel décalage, pour aboutir rapidement sur une scène de viol a mano sur les deux, comme pour les libérer d'une certaine tension sexuelle (les pauvres n'avaient même pas eu le temps de consommer...) et prétexte à du squirting... Et quand le bourreau psychopathe pervers annonce que la vraie douleur arrive, on le croit sur parole! Le réalisateur nous sort alors l'artillerie lourde de la torture, avec ce médecin toujours très calme mais très bavard, avec des outils déjà vus mais toujours efficaces. Découpage des membres à la tronçonneuse (ou au scalpel pour le membre le plus précieux de monsieur), des clous plantés là où ça doit faire très mal, des aiguilles, des ciseaux... Niveau hémoglobine, au contraire de ce qui s'est passé chez Eli Roth, on en a pour son argent tant Shiraishi grossit le trait au maximum.
Il jongle assez habilement entre la violence hors-champ et les gros plans gores pour notre plus grand plaisir sadique. Mais si les images sont clairement dégueulasses, on navigue en plein second degré, dans le grotesque donc... Ainsi il en fait tellement que c'est grand-guignolesque, ça pourrait être dégoûtant mais le ton rend la chose plutôt marrante, tout comme l'utilisation de la musique classique comme fond sonore pour ces séances de torture. Et pour ceux qui n'avaient peut-être pas saisi qu'il n'y avait rien de bien sérieux dans tout ça, après une ultime boucherie, il livre un final avec explications débiles et images juste... grotesques! La BBFC lui a reproché de présenter des images sadiques sans qu'il y ait de réelle caractérisation des personnages et de leurs motivations, c'est tout à fait vrai! Mais franchement, est-ce qu'on peut sérieusement dire que les personnages d'Hostel sont bien écrits??? Je crois pas non...
Tourné en totalité caméra à l'épaule dans un soucis de réalisme, on ne peut pas vraiment dire que Grotesque soit un film "beau", mais la photo plutôt soignée le place un cran au-dessus des autres production nippones à l'aspect souvent très cheap.
Bien sur il s'agit là d'un film à ne pas mettre devant n'importe quels yeux car s'il y a bien plus extrême on a quand même droit à des images bien crades et une ambiance assez réaliste qui peuvent choquer un public incapable d'accepter un second degré évident ou de prendre ses distances vis-à-vis du film.
Mais si on aime bien les films relativement trashs, le gore qui tache, et si on n'aime ni les happy ends ni les arnaques d'Eli Roth, il faut voir ce film qui transcende un budget sans doute très maigre en se posant finalement comme le torture-porn ultime que ne pourront jamais réaliser des occidentaux trop soucieux de la bonne morale.