Il y a des films comme ça dont tout le monde parle avec tellement d'éloges que ça ne donne même plus envie de le voir... C'est le cas de Je vais bien, ne t'en fais pas que je découvre 3 ans après sa sortie, le temps que plus personne n'en parle, le temps d'oublier les superlatifs souvent utilisés à tort et à travers... De plus le cinéma français, en particulier les drames, est souvent très prétentieux et ennuyeux donc il y avait de très bonnes raisons de passer à côté. Et bien loin du tumulte des Césars, de la consécration de Mélanie Laurent, des compliments adressés à Kad Merad (pourquoi dans ce pays faut-il toujours attendre qu'un comédien joue un rôle sérieux pour réaliser que c'est un bon acteur?) il se trouve que ce film est une petite merveille. Un drame familial poignant qui brasse une multitude de thèmes universels, un de ces rares films qui touchent vraiment au coeur, qui rappellera des souvenirs à n'importe quel spectateur ayant passé l'adolescence, capable d'émouvoir aux larmes par certains aspects... mais avant tout, un film profondément humain.
Le thème principal, dévoilé dès les premières minutes du film, est l'amour fraternel. Comment réagir quand son frère a disparu? Ce sentiment se voit ici exacerbé par le fait qu'il s'agisse de jumeaux, dont les liens sont encore plus forts. On vit cette séparation beaucoup trop brusque avec Lili qui revient d'Espagne, le trauma est tellement grand que c'est une partie de sa vie qui a disparu, à tel point qu'elle se laisserait presque mourir, lâchant prise devant l'absence de son frère et le secret que ses parents refusent de dévoiler, sans doute pour la protéger mais on ne le sait pas. La première partie du film est carrément dépressive, abordant d'une façon très intelligente le problème de l'anorexie chez les jeunes ados, avec beaucoup de sensibilité. Les parents qui ne comprennent pas, les médecins qui oublient l'aspect humain des choses, les amis qui ne savent pas comment la soutenir... Tout cela est traité de façon très réaliste.
Mais c'est l'arrivée surprenante d'une lettre qui sortira Lili de la dépression. Son sourire revient enfin est le film prend dès lors l'allure d'une aventure, une recherche incessante de celui qu'elle aime, à qui elle est liée par ce qu'il y a de plus fort, les liens du sang. Et cette quête durera jusqu'à un final bouleversant, même si on le devine presque dès le début... On a beau crier que les secrets sont le meilleur moyen de détruire une famille, ce sont parfois eux qui la sauve.
Dans ce rôle Mélanie Laurent est impériale, tellement belle et fragile, sombrant complètement, retrouvant l'espoir qui se lit dans ses yeux... quelle prestation magnifique!
Mais c'est loin d'être la seule! Philippe Lioret est un grand directeur d'acteurs c'est une évidence. On croit à cette famille, on croit à ces amitiés, et même à l'histoire d'amour obligatoire mais qui là est amenée d'une façon belle et sincère. L'empathie est immédiate envers chaque personnage tellement les rôles sont bien écrits. Et il est vrai que Kad Merad impressionne, son personnage de père fermé, autoritaire, presque tyrannique, se dévoilant au fil du film de façon inattendue. Et lui qui nous apparaissait comme une ordure devient finalement le plus tragique pour sa façon d'éprouver autant de regrets sur sa vie, son réel désir de repartir en avant, et surtout son amour sans limite pour sa fille. Un amour qu'il ne lui montre pas, mais qui lorsqu'il est enfin dévoilé ne peut que bouleverser.
Dans sa mise en scène, intelligemment, Philippe Lioret reste très sobre. Il n'a pas besoin d'en faire des tonnes tant son scénario et ses acteurs sont parfaits... beaucoup de plans fixes, quelques beaux mouvements à la stead pour souligner l'errance ou l'abandon de certains personnages, une photo réaliste... c'est juste pile poil ce qu'il fallait faire.
La musique de Nicola Piovani et les textes d'Aaron viennent souligner le drame de bien belle manière, avec bien sur la chanson Lili en titre phare. Comment ne pas sombrer quand Kad l'écoute dans sa voiture en voyant s'éloigner sa fille... C'est toujours juste, ça ne tombe jamais dans la facilité du mélo tire-larmes et ça fonctionne, c'est bouleversant!
Une famille qui vit le pire drame possible et qui cherche à s'en relever, c'est là le coeur de ce fabuleux film. On est souvent triste, parfois étonné, parfois énervé lorsque certaines décisions du père nous paraissent absurdes et cruelles mais finalement, quand arrive le dénouement on comprend. En même temps que Thomas (Julien Boisselier très émouvant) on réalise que certains choix peuvent paraître fous, stupides, inconcevables au sein d'une famille, mais nous apparaissent comme nécessaires, et même vitaux.
On ne peut pas vraiment parler de happy end car le pseudo bonheur final est tout de même plombé d'une mélancolie qui semble-t'il ne les quittera jamais... C'est vraiment un beau film qui aura réussi à capter des émotions bien réelles avec un regard très humain sur ses personnages, une franche réussite belle à en pleurer!