Dersou Ouzala de Akira Kurosawa 1975
Cet adorable petit trappeur mongol est chez lui sur ce territoire qui ne semble pas avoir de fin. La troupe l’adopte sur le champ tant son expérience du terrain est valorisante. Nous sommes en 1902 les temps changent, il faut se ressourcer, explorer de nouveaux territoires en attendant d'inévitables bouleversements politiques.
Un esprit de groupe vit ses derners instants de communion naturelle en compagnie d'une nature instinctive distribuant verdicts et récompenses sur un site dépolitisé. La solidarité fonctionne à merveille, la progression est semée d’embûches, Arseniev en pleine école valide sans contraintes la perception naturelle possédé par ce petit bonhomme aux phrases incomplètes.
Ici c’est le froid, le vent et la neige qui domine, les livres sont impuissants, il faut pactiser, faire allégeance, exécuter sans broncher les procédures dictées par les rigueurs du climat. Dersou est un roi son territoire est perspicacité, présence d’esprit, rapidité d’exécution dans une nature annonçant toujours à l’avance ce qui va arriver, une fois les symptômes décryptés il faut agir vite afin de conserver un potentiel de gratitude envers un homme bon.
La Taïga est une force contre laquelle on ne peut rien, elle ne décline pas, son relief s’impose par la normalisation de ses composants. Ici tout est éternel. Aucune traîtrise de la part d'un environnement contenant déjà une cause finale qu'il suffit de maîtriser par une raison mêlée d'instinct.
Dersou ne peut plus maintenir la gestion parfaite des lieux, diminué par ses sens et ses superstitions il sent que cette collaboration naturelle touche à sa fin. Cette immense contrée possède une clause impitoyable, elle congédie de manière brutale ce qui ne peut plus être son égal. Pour être l’ôte de ces lieux, il faut sentir, voir et chasser de manière parfaite, si l’une de ces puissances vous abandonnent, c’est la fin. L’homme en ces lieux est l’égal de la bête et subit le même sort.
Dersou est une initiation offerte à des hommes qui n’ont plus que quelques années de liberté contemplative à assouvir avant de crouler sous les slogans politiques. Arséniev et ses hommes sont bons, reconnaissants, soumis sans contraintes aux jugements naturels d’un esprit converti à la clémence ou à la sévérité d'un territoire infini.
La Taïga devient une terre fraternelle ou chacun est l'image de l'autre. Arseniev préservé des contraintes citadines réveille en serrant dans ses bras deux termes endormies, Chaleur et amitié détenu par un être naturel luttant de toutes se forces afin d'éviter l'aliénation d'une pensée programmée.
10/10
Le zéro bipolaire. Le néant infini et son absolu infini. Une forme pleine dans une valeur nulle.