Le moyen métrage la Chambre du fils, qui fait partie de l'anthologie Películas para no dormir, nous y avait un peu préparés, le réalisateur espagnol semble être en plein changement de style... Ces crimes à Oxford viennent le confirmer tant tout ce qui faisait la signature d'Álex de la Iglesia semble avoir totalement disparu! Lui qui film après film explorait le côté le plus sombre de l'être humain tout en maniant l'humour noir avec une rare maestria nous livre un film dans lequel il renie complètement ce qui faisait le charme original de son cinéma.
Pour son premier film dans la langue de Shakespeare, il s'attaque au genre balisé du thriller, ou plus précisément du whodunit (la forme cinématographique du jeu de Cluedo), on cherche donc avec les personnages qui peut bien être le tueur...
En tant que film de de la Iglesia, c'est une grosse déception, mais ça n'en fait pas un mauvais film pour autant.
En effet, le whodunit est un genre de cinéma très ludique s'il est bien mise en scène. Et sur ce point, objectivement, on ne peut pas reprocher grand chose au réalisateur. Dans la première partie il se fend d'un plan séquence artificiel mais vraiment bien foutu, et qui se fait croiser quasiment tous les protagonistes avant la découverte du premier meurtre... c'est carrément virtuose!
Par la suite on tombe dans de la mise en scène certes toujours maitrisée mais plutôt classique, sans effet de style inutiles. On a bien droit à quelques beaux mouvements de caméra lors des duels cérébraux de Hurt et Wood ou la superbe scène en flash back du tailleur et son journal intime mais ça s'arrête là.
Bien éclairé mais sans fulgurance, ce n'est pas du côté de la mise en scène qu'on prend son pied, mais plutôt du scénario. Adapté de la nouvelle los crimenes de Oxford de Guillermo Martinez par le scénariste attitré de de la Iglesia, Jorge Guerricaechevarría (qui a écrit tous ses films mais à qui on doit aussi en chair et en os d'Almodovar ou encore Kovak Box), le scénario est un modèle de construction et d'intelligence. On pourrait croire qu'à la fin il manque de crédibilité mais ce serait une erreur, tout s'imbrique à la perfection et la révélation finale n'en est que plus surprenante. Non vraiment le gros problème de ce film c'est qu'il semble ne pas appartenir à son réalisateur... Jamais drôle, jamais fou (la seule image un peu choc c'est l'ancien élève de Hurt sur son lit d'hopital, ça fait maigre), ce film est trop sérieux pour l'espagnol. Et les références évidentes au cinéma d'Hitchcock, dont deux films (l'homme qui en savait trop et la corde) dont cités explicitement, n'arrange rien.
Pourtant il y avait tout de réuni pour en faire un excellent film, avec en plus un casting bien senti. Elijah Wood qui se détache complètement de son image de hobbit bien qu'il semble encore parfois manquer de maturité. En particulier face à un immense et so british John Hurt (Alien, Elephant Man, Hellboy, V pour Vendetta, la porte du paradis... quelle filmographie!!!) qui écrase de sa présence quiconque est à l'image avec lui. On trouve aussi dans un petit (en apparence...) rôle le toujours excellent Dominique Pinon et la belle espagnole Leonor Watling (parle avec elle, ma vie sans moi...) qui a droit à une scène complètement hors sujet juste pour dévoiler sa plastique...
Au final, on prend beaucoup de plaisir à suivre ce thriller rondement mené et réalisé avec classe, en jouant le jeu pour découvrir qui est l'assassin au milieu d'énigmes mathématiques. Mais si on est admirateur du travail habituel d'Alex de la Iglesia, c'est une déception de ne rien trouver du grain de folie qui faisait de Perdita Durango un grand moment de cinéma ou de cet humour noir dont on pouvait se délecter devant mes chers voisins...