Dog Bite Dog
de Soi Cheang
de Soi Cheang
En 2004, Soi Cheang, jeune réalisateur jusque là plutôt vu dans l'horreur (comédie ou vrai film d'horreur), nous mettait une claque immense avec Love Battlefield, polar sec avec juste ce qu'il faut de drame et un final bouleversant qu'on peut considérer comme un des meilleurs films sortis de HK (mais longtemps inédit chez nous...) depuis très longtemps!
2 ans (et 2 films) plus tard il revient bouleverser son monde avec cette bombe sortie de nulle part, film sur lequel on aurait pas forcément parié vu le casting (difficile de miser sur un projet avec Edison Chen) mais qui à la fin de la projection ne laisse aucun doute : c'est une véritable tuerie, un festival de violence qui marquera durablement les esprits. Moins subtil et intelligent que Love Battlefield, Dog Bite Dog n'en est que plus définitif.
Débutant sur des images à priori réelles de la population du Cambodge vivant dans des déchetteries Dog Bite Dog nous met dans le bain d'entrée de jeu, ça sera un film crasseux. Des enfants qui combattent à mort dans des arènes ressembalnt à celles utilisés pour des combats de chiens, Edison Chen est l'un d'entre eux, il a grandi et est devenu le tueur parfait, car ne craignant pas la mort et ayant perdu toute trace d'humanité. L'idée était déjà présente dans Danny the dog (le seul vrai film de l'écurie Besson) et se retrouve ici poussée à l'extrême. Ce tueur qui tient plus de l'animal que de l'être humain est interprété par un Edison Chen qu'on n'a jamais vu aussi bon, sauf peut-être dans la voie du jiang hu et infernal affairs. Il est littéralement habité par son rôle, ne parlant presque jamais, complètement imprévisible dans ses gestes, impulsif et ne craignant pas grand chose... En face de lui le souvent très bon Sam Lee, qu'on avait découvert dans Made in Hong Kong de Fruit Chan il y a maintenant plus de 10 ans. Il incarne un flic borderline, torturé au possible, et qui va peu à peu perdre pied (faut dire qu'avec ce qu'il subit y'a de quoi pêter un câble!) jusqu'à devenir lui aussi un animal violent et porté par son seul désir de vengeance.
La mise en scène de Soi Cheang se met complètement au service de ce propos hyper violent et d'une ambiance de mémoire jamais vue. C'est la première fois qu'on voit un Hong Kong aussi dégueulasse et pourri! Tourné en majorité caméra à l'épaule mais très bas (presque à hauteur de chien finalement), donc avec beaucoup de contre-plongée, on ressent en permance une étrange sensation d'écrasement. Avec la quasi totalité du film de nuit et l'utilisation de filtres verdatres et jaunes, l'ambiance qui en résulte est vraiment glauque et poisseuse. Il n'y a bien que dans la toute dernière partie au Cambodge qu'on a un peu de lumière, mais elle est écrasante.
Le propos du film n'est pas très fin et n'appelle pas vraiment à une quelconque réflexion. On est dans de la violence presque gratuite qui risque de rebuter les petites natures. Mais il n'y a pas que ça. les deux personnages principaux sont très bien écrits et tellement bien joués qu'on s'atatche vraiment à eux. Leur évolution est vraiment intéressante car leurs destins vont se croiser comme dans un jeu de miroirs, l'un perdant tout espoir en l'homme et donc son humanité, l'autre au contraire s'en découvrant une et prenant même goût à la vie grâce au personnage féminin du film, rôle difficile d'une fille ayant perdu sa mère et abusée depuis des années par son père qu'assume à la perfection la débutante Pei Pei, fragile et pleine d'espoir.
Mais il y a aussi cette image d'une police gangrénée par le vice, dans laquelle les hommes droits de font pas de vieux os n'ont plus (excellents seconds rôles de Suet Lam et Cheung Siu-fai).
La grosse qualité de Dog Bite Dog est d'aller vraiment jusqu'au bout de son sujet, sans jamais faire de compromis, sans humour, avec une violence vraiment brutale et des personnages qui sont tous perdus. Que peu d'espoir dans toute cette noirceur, les quelques moments d'accalmie ne durent jamais longtemps et il n'y aura qu'à la toute fin, dans une scène à la fois très violente, tragique et d'un lyrisme jusque là absent que naîtra un semblant d'espoir. C'est amené de façon un peu maladroite mais c'est très beau. Mais malgré ce dernier rayon de soleil salvateur c'est un film extrêmement pessimiste.
9/10