Secret Sunshinede Lee Chang-dong
Le cinéma coréen regorge de trésors qui valent bien mieux que tous ces films à la mode qui jouent toujours sur le même schéma usé en quelques années. Il y a autre chose que des polars en Corée, il y a de grands réalisateurs pour de grandes oeuvres dramatiques. On pense à Im Sang-soo, Im Kwon-taek ou encore Hong sang-soo... Et après avoir vu Peppermint Candy, Oasis et ce Secret Sunshine, on peut rajouter à cette liste Lee Chang-dong tant ce réalisateur est bourré de talent.
Il y a des films qui vous transpercent le coeur à tel point qu'on en oublie que c'est du cinéma, qui trouvent l'image juste qui va toucher à des sentiments qu'on ne prend aucun plaisir à ressentir. Ces films qui réussissent à aller aussi loin sont précieux, et Secret Sunshine est de ceux-là.
Secret Sunshine (ensoleillement secret) est la traduction littérale du titre original : Milyang, le village où se situe l'action, où va s'installer Shin-ae avec son fils... Et ce petit bout de femme qui vient de perdre son mari dans un accident de la route, qui doit s'occuper seule de son fils, va reprendre goût à la vie, jusqu'à ce qu'un nouveau drame, un de ceux qui anéhantissent une vie, survienne. Alors celle qu'on voyait d'apparence si forte va sombrer chaque jour un peu plus, jusqu'à retrouver un semblant de bonheur dans la religion, qui s'offre comme le dernier recours d'un être en perdition. Mais ce bonheur n'est qu'illusion et mensonges et l'apprendre finira de l'achever...
Pas vraiment gai tout ça... Secret Sunshine est un film très triste, qui soulève des problèmes importants comme le deuil, l'absence de l'autre, la foi, l'amour... Au travers du personnage de Shin-ae, lee Chang-dong nous montre une Corée qu'on ne connaissait pas, celle des gens simples, ceux qui savent que la vie n'est pas du cinéma (voir la scène des billets). Et ce personnage va terriblement souffrir, et nous avec.
Filmé de façon très intimiste, proche des personnages, avec une approche très naturelle, Secret Sunshine s'éloigne définitivement des canons esthétiques coréens du moment pour mieux nous emmener dans la lente destruction d'une femme, d'une épouse, d'une mère...
On peut y voir un drame, une histoire d'amour ou une réflexion sur le rôle de la religion (plus qu'une véritable critique bien qu'en une seule scène les fondations de cette notion si chère à l'église qu'est le pardon sont broyées)... c'est un peu tout celà à la fois.
Et la mise en scène est totalement dévouée à une actrice flamboyante. Jeon Do-yeon, qu'on a vu chez nous surtout dans le fun No Blood No Tears, irradie tout le film et livre une prestation incroyable, passant du rire aux larmes en une fraction de seconde, elle réussit à nous communiquer le mal qui ronge Shin-ae dans chaque scène. Qu'elle sourie, qu'elle hurle de douleur (celle physique, au ventre, que ressent une mère) ou qu'elle s'effrondre de chagrin, on y croit, tout simplement. Et on se souvient de cette humilité et de cette émotion qu'elle nous a laissé voir lorsque elle a reçu son prix d'interprétation à Cannes, plus que mérité!
A ses côtés, presque effacé, on retrouve celui qui est peut-être le plus grand acteur coréen actuel, Song Kang-ho, excellent de sobriété dans son personnage d'amoureux, un peu bête mais tellement généreux.
Voilà un très grand film, très éprouvant, très grave, mais qui traite un sujet propice à des torrents de larmes de la façon la plus intelligente qui soit, avec pudeur. Le résultat en est d'autant plus fort et bouleversant.
9/10