la nuit tombée, les "chasseurs urbains" mettent les bouchées doubles. Les rues de Berlin se vident. C'est le meilleur moment pour traquer la bête sans mettre les habitants en danger. Leur cible : les sangliers, une espèce qui prolifère dans la capitale allemande depuis quelques années. L'Office régional des forêts estime qu'ils sont entre 5 000 et 8 000 à y avoir élu domicile.
"Berlin est plus verte que n'importe quelle autre ville d'Allemagne, voire d'Europe. Grâce à tous ses parcs et ses jardins, le sanglier s'y sent à l'aise", fait remarquer Marc Franusch, porte-parole de l'Office des forêts. Certains affirment que l'histoire aurait aussi favorisé l'affluence du mammifère dans la capitale : la chute du mur, en 1989, a fait disparaître la frontière physique séparant la ville des forêts giboyeuses de la région. D'autant que le sanglier a connu, ces dernières années, une croissance très rapide. Plusieurs hivers doux ont permis aux laies de mettre bas deux fois l'an plutôt qu'une.
L'animal a d'abord colonisé les quartiers périphériques. Mais, de moins en moins farouche, il n'hésite plus à s'aventurer jusque dans le coeur de la cité. Certains ont été aperçus aux abords du Kurfürstendamm, la très commerçante artère de l'ouest, et même sur la célèbre Alexanderplatz, en plein centre de la ville. "Les sangliers sont très malins et ils apprennent vite. Ils ont réussi à apprivoiser l'environnement urbain, résume Marc Franusch. Ils ont adapté leurs habitudes alimentaires à ce qu'ils trouvent sur place, comme les ordures, et surtout ils se sont habitués à la présence des humains."
FRAYEURS ET ACCIDENTS
La cohabitation avec les 3,4 millions de Berlinois n'est pourtant pas toujours harmonieuse. Voraces, les cochons sauvages saccagent les jardinets des maisons particulières pour débusquer dans l'herbe vers et insectes. Ils déboulent, sans prévenir, sur les voies de circulation et provoquent des centaines d'accidents tous les ans. Des mères de famille s'effraient de les voir faire intrusion, en plein jour, dans les aires de jeu pour enfant.
"En principe, le sanglier n'est pas un animal dangereux", affirme Derk Ehlert, commissaire de la ville en charge des animaux sauvages. Mais le garde forestier reconnaît que la situation peut parfois dégénérer. Ainsi, mi-décembre 2008, un retraité, qui avait tenté de s'interposer entre son chien et une laie accompagnée de ses marcassins, s'est retrouvé à l'hôpital, grièvement blessé à la jambe.
Pour répondre aux inquiétudes des riverains, la municipalité a donc enrôlé, en 2002, une quarantaine de chasseurs de ville. Entre avril et novembre 2008, plus de 500 bêtes ont été abattues dans la capitale. Mais les sangliers se reproduisent à toute vitesse et ne seront sûrement pas éradiqués à coups de fusil.
Une solution possible : la contraception. L'Institut berlinois de recherche sur les animaux sauvages (IZW) a mis au point un vaccin visant à contenir la natalité. "Mais le projet n'a pas trouvé de financement. On nous dit qu'il serait trop compliqué de l'administrer individuellement aux sangliers", regrette la biologiste Katarina Jewgenow.