Blindnessde Fernando Mereilles
Présenté en ouverture au dernier festival de Cannes et démoli par la critique, le nouveau film du prodige mereilles nous arrive dans un tout nouveau montage. Et on peut dire que le résultat est surprenant!
Il faut dire qu'après la bombe "la cité de dieu" et le brulot politique "the constant gardener" (peut-être le meilleur film tiré d'un écrit de Le Carré à ce jour), on attendait son nouveau film avec beaucoup d'impatience... D'autant plus qu'il s'agit là de l'adaptation d'un prix Nobel de littérature et que le scénario est signé Don McKellar, acteur en provenance de l'univers d'Egoyan et réalisateur de Last Night, film d'anticipation hyper pessimiste... Un background intéressant donc pour ce Blindness qui s'inscrit dans une vague SF proche des Fils de l'homme, une SF minimaliste et réaliste, qui ne peut pas laisser indifférent.
Le film est clairement divisé en 2 parties, la première est la plus "choc", cette humanité qui peu à peu devient aveugle perd tous ses repères, l'homme se rabaisse vers ses plus bas instincts et se rapproche de l'animal lorsque sa survie est en jeu. Mereilles ne nous épargne rien, même s'il fait preuve de pudeur grâce à l'utilisation intelligente du hors champ et de nombreux effets de mise en scène. Sur ce point il s'amuse à utiliser tous les moyens pour faire ressentir au spectateur cet état d'aveuglement étrange (au lieu de voir tout noir, les personnages voient tout blanc), surexposition, flou... Sa caméra est sans cesse en mouvement et peine à suivre les protagonistes, ou quand la mise en scène colle à son sujet à la perfection! On peut aussi mentionner la photographie de César Charlone... Juste superbe!
Après s'être vus rabaissés, humiliés, ses hommes et femmes pour qui l'apparence n'importe plus révèlent que finalement l'être humain est un loup. La corruption s'installe rapidement, la perversion aussi, jusqu'à ce que certains s'éveillent et que la révolution lancée par les femmes, après un sacrifice à la fois écoeurant et magnifique, libère les captifs de leur microcosme mais dévoile finalement une situation générale loin d'être plus belle...
Julianne Moore porte le film sur ses épaules avec tout le talent qu'on lui connait, soutenue par des seconds rôles au diapason (Danny Glover, Gael Garcia Bernal, Mark Ruffalo...) et s'impose un peu comme un prophète, un être supérieur qui guide ses semblables en leur faisant voir ce qu'ils ne peuvent plus voir.
Bourré de métaphores politiques, religieuses, sociales, Blindness est un nouveau film coup de poing qui laisse le spectateur sur le carreau. Soit on adore et on n'en sort pas facilement, soit on déteste cet étalage d'artifices et de réflexions. Si on peut émettre une réserve sérieuse, la fin est décevante tant le ton tranche avec le reste. Mais, et c'est l'apanage des films intéressants, il ne laisse pas de marbre. Ce réalisateur est en train de créer une oeuvre terriblement originale, chapeau bas!
8,5/10