Babel d'Alejandro González Iñárritu
Babel, quel beau titre! Jamais une métaphore biblique (la tour de Babel où dieu créa les différentes langues afin que les hommes ne se comprennent plus et ne puissent pas finir la tour qui devait atteindre le ciel) n'aura été si bien illustrée.
Sur la forme, Babel rejoint les 2 précédentes réalisations d'Iñárritu, Amores perros et 21 grams, puisqu'il s'agit d'un film choral avec 4 histoires qui ont toutes un point commun. Mais là où il fait fort c'est que ça se passe sur 3 continents! Afrique (Maroc), Amérique (frontière mexicaine) et Asie (Japon). Passionné par l'effet papillon, Iñárritu brouille encore les repères temporels et jongle entre les histoires de manière intelligente, bien que beaucoup plus simple que dans 21 grams par exemple. Ici le spectateur ne réfléchit pas pour reconstruire la suite d'évènements, c'est le seul défaut du film.
L'artisan indispensable de la réussite est le scénariste Guillermo Arriaga, sans doute le plus talentueux au monde, qui possède une connaissance de la nature humaine très pessimiste mais effroyablement réaliste. Il parle ici de problèmes de communication bien entendu mais également de la conséquence de nos actes les plus anecdotiques, de famille, de deuil, d'amour... des thèmes forts qui se retrouvent dans tous les personnages de ce drame: un couple d'américains ayant rompu le dialogue suite au décès de leur enfant et qui se retrouvent perdus en plein désert marocain, des enfants marocains qui n'ont aucun contact avec le monde extérieur, une baby-sitter mexicaine travaillant à San Diego, un père surbooké et sa fille sourde-muette qui ne communiquent plus que par la violence après la mort de la mère... Et on se rend compte qu'en plein coeur d'une ville comme Tokyo on peut être aussi perdu que dans le désert marocain, quand toute forme de communication est impossible.
Un film d'une puissance rare, porté par des acteurs sobres et émouvants, superbement écrit et réalisé une fois de plus de façon magistrale, Babel c'est tout ça.
9,5/10