Vinyande Fabrice du Welz
En 2004 Fabrice du Welz nous sortait Calvaire, un petit film sorti de nulle part et qui a fait l'effet d'une bombe. Nourri d'influences prestigieuses, original, à la réalisation lêchée et à la lumière au diapason, Calvaire représentait la naissance d'un bel espoir pour le cinéma de genre européen (le film est franco-belge).
Il a fallu attendre 4 ans pour voir si Du Welz allait confirmer tous les espoirs placés en lui ou si finalement son 1er film n'était qu'un heureux accident. la promo de Vinyan a été discrète mais alléchante, un casting international, un tournage dans des conditions qui ne sont pas sans rappeler Apocalypse Now, un sujet simple mais à la portée universelle... Plein de promesses pour les amateurs mais rien ne nous préparait à ce film!
Dès le générique hyper conceptuel, on sait qu'on va voir un film "autre". Références à Kubrick dans ces premières minutes avec le gros lettrage, le bouillonnement d'eau rouge, le son étouffé mais assourdissant... Ca commence assez fort!
Ensuite tout n'est qu'expérimentations, et le sujet d'origine devient surtout un prétexte pour que le spectateur qui n'entre pas dans le film comme il le faudrait ne se sente pas exclu. Car Vinyan est un film qui se vit et qui se ressent plus qu'il ne se regarde. Du Welz utilise le language cinématographique pour nous faire entrer dans l'esprit de ce couple torturé par la perte de leur enfant. le plus bel exemple est cette scène où Emmanuelle Béart erre dans les rues de Bangkok, la lumière est rouge, la caméra instable et désorientée... même si on ne voyait pas l'actrice à l'écran on pourrait ressentir sa solitude, chapeau!
S'ensuit une sorte de quête initiatique, un trip dans la jungle qui nous fait penser à Apocalypse Now bien sur pour le côté "retour à la nature de l'homme" mais aussi aux "révoltés de l'an 2000" pour ces enfants effrayants et qui sont là pour rappeler une catastrophe passée ou seulement un souvenir douloureux... La narration est très lente et à un moment clé, le film bascule complètement dans l'imaginaire, on ne sait plus si ce qui se déroule est réel ou issu de l'esprit perdu d'Emmanuelle Béart.
Le film partage avec Calvaire la thématique du deuil impossible, mais traitée d'une façon qui n'a rien à voir. Du Welz a mûri et son cinéma n'a plus besoin d'être démonstratif et cruel, il n'en est qu'à son 2ème film et on pense déjà, en voyant Vinyan, à Werner Herzog ou Nicholas Roeg pour leur approche du cinéma. Il n'y a qu'à voir ce plan final métaphorique à souhait et complètement hermétique à quiconque serait passé à côté du film, qui donne au spectateur l'immense possibilité de se faire sa propre opinion... Ce qui est tellement rare aujourd'hui.
Eclairé à la perfection, tout en contrastes, Vinyan est un voyage éprouvant qui laisse une sensation étrange à la sortie de la salle. Celle d'avoir vécu un moment de cinéma rare mais qu'il est presque impossible d'expliquer. Et on pardonne donc au film ses quelques défauts (petites fautes de rythme dans la 2ème partie) car des expériences comme ça on n'en vit pas tous les jours. Et on attend le prochain film de monsieur Du Welz avec beaucoup d'impatience!
9,5/10