
Ascension - Shin'ichi Sakamoto
J'ai longtemps pensé que sur le thème de l'alpinisme, il n'y avait pas meilleur manga que
Le Sommet des Dieux. Mais ça, c'était avant de lire
Ascension, de Shin'ichi Sakamoto. Ça commence un peu comme un shonen (un lycéen solitaire se prend de passion pour l'escalade), mais très vite on comprend que ça va aller bien au-delà. Le lycéen en question a pour nom Buntaro Mori et est inspiré d'un grand alpiniste japonais (Buntaro Kato) ayant vécu dans la première moitié du XXe siècle. Or, Sakamoto choisit pour cadre notre époque, ce qui lui permet de jouer d'éléments intéressants pour enrichir son intrigue. Ainsi le matériel, forcément plus perfectionné qu'à l'époque du vrai Buntaro, ou encore internet, puisque l'un des personnages verra dans sa tentative d'ascension du K2 une opportunité de se faire mousser en filmant et diffusant son aventure (coucou Inoxtag !).
Mais plus intéressante est l'insertion de la sphère privée. Contrairement à nombre de héros du shonen qui sont dans ce domaine de vraies buses jusqu'à en devenir limite antipathiques (je songe à Goro dans Major), Buntaro, vrai puceau durant les deux premiers tiers du manga,ne songeant qu'à écarter les jambes de montagnes (la métaphore est dans le manga), va rencontrer une fille, vivre avec elle et même avoir un bébé. Ce qui va évidemment poblématiser la suite à donner à sa passion de la montagne. Car il ne s'agit pas ici que de gravir le mont Fuji via le Yoshida trail (bien que ça puisse déjà être éprouvant, demandez donc à Olrik the 3rd !). Il s'agit de mettre sa vie en jeu en atteignant des hauteurs où le corps, malgré un entraînement XXL, malgré un équipement dernier cri, est sérieusement mis à l'épreuve.
Du coup, à quoi bon ? C'est ce que se demande Buntaro avant d'être – assez perfidement – associé à une tentative d'ascension du K2. C'est le dernier arc du manga et il vaut largement l'arc final du Sommet des Dieux. D'autant que le graphisme de Sakamoto n'a aucun mal à être supérieur à celui de Taniguchi. Au-delà du réalisme des planches, le mangaka excelle dans ses essais de restitution métaphorique de la psyché de son personnage – ce qui me fait regretter de n'être pas allé à l'expo qui lui était consacrée lors du FIBD 2024.
Bref, un manga XXL qui gagnerait à être réédité dans une belle édition double.
10/10