Dersou Ouzala
Akira Kurosawa - 1975
À partir de 1965, Kurosawa se met en mode Kubrick, c’est-à-dire que l’amateur de sa filmographie devra ronger son frein, le maître ne filmant désormais un film qu’une fois tous les cinq ans. Et après un déroutant Dodes’Kaden, il y avait de quoi se sentir derechef dérouté avec le premier (et unique) film de Kuro se déroulant hors Japon, en pleine taïga sibérienne, pour conter l’amitié entre un soldat topographe russe et un chasseur appartenant à l’éthnie des Hehzens.
À l’origine, ce devait être Mifune qui devait jouer Dersu Uzala, mais finalement, le rôle principal a été donné à Maksim Mounzouk qui avait l’avantage, en plus d’aimer la chasse et la pêche comme son personnage, d’être raccord de par ses origines. Et le fait est que c’est avant tout sa prestation (sa voix notamment, sa manière de dire « capitan ») que l’on retient. Sa silhouette, sa présence, sont indissociables de l’aura du film et l’on se dit que Kurosawa, avec le choix de Yuri Solomin dans le rôle du topographe, a parfaitement réussi son casting (du reste, il n’était pas non plus réputé pour proposer des castings foireux).
Cela dit… je n’ai pu m’empêcher de me demander ce que le film aurait donné avec un Mifune enthousiaste pour endosser la carcasse d’un chasseur hehzen. Car si cette histoire d’amitié reste touchante, elle m’est aussi apparue un peu forcée, artificielle. On pourra arguer que parfois, certaines amitiés n’ont pas forcément besoin d’une pléthore de conversations pour avoir de la consistance, mais oui, à la réflexion j’aurais été très curieux de voir quelle consistance aurait donné Mifune à son personnage et quelle incidence il aurait eu sur la restitution d’une amitié, de son alchimie.
Car au bout du compte, je n’ai été que modérément touché par la fin. J’ai pu être saisi par des films comme Ikiru ou Madadayo, mais là, j’avoue avoir été déçu. Par les émotions, mais aussi par la restitution photographique de la nature. Réalisé en 1975, soit trois ans après un Jeremiah Johnson, j’attendais beaucoup mieux. J’ai trouvé la photographie un peu âpre, bariolée, sans finesse, incapable de faire sentir la beauté sauvage de la taïga. Ou alors, si c’était pour restituer une rudesse peu aimable de la nature, alors c’est réussi. Mais justement, il y avait cet aspect dans Jeremiah Johnson, mais qui n’empêchait pas un certain émerveillement photographique. Là, sans aller jusqu’à dire que mes yeux ont saigné, j’ai sans doute pris moins de plaisir qu’à la lecture d’un bon récit de voyage où l’on se fait ses propres images mentales. D’ailleurs, s’il y peu de chances pour que je le revoie un jour, je tenterai peut-être le roman de Vladimir Arseniev. Apparemment, il avait vivement impressionné Kurosawa, ce sera un bon compagnon d’aventure / nature writing aux côtés de
Michel Strogoff.