Je le pressentais déjà après trois films, mais c’est désormais une tendance qui se confirme : je n’adhère pas au cinéma de George Cukor et j’ai clairement tendance à trouver ce dernier un brin surcôté alors qu’on le cite régulièrement dans les grands réals de l’âge d’or hollywoodien. Ici, on a probablement le film le plus populaire de sa carrière, notamment parce qu’il avait fait une razzia aux Oscars à l’époque, prenant au passage ceux du meilleur film et du meilleur réal, face à
Dr. Strangelove ou
Mary Poppins. Et très franchement, même pour un amateur de comédies musicales comme moi, ça ne le mérite vraiment pas. Le souci, c’est que le film est un pur produit de son époque : on est alors dans des années où Hollywood a du mal à se renouveler, perd petit à petit son aura auprès du jeune public qui ne s’y reconnaît pas, et se retrouve avec une concurrence nommée télévision. De cette période naisseront des films conçus pour être vus en salle, avec toujours plus de budget, des durées de plus en plus folles, et des procédés techniques censés pousser le public vers le grand écran (en écrivant ça, je me rend compte qu’on vite exactement la même chose depuis quelques années), et autant cela a donné des grands films, autant ça a donné aussi des énormes productions boursouflées de partout, et là, avec
My Fair Lady, on s’approche pas mal de ce second cas de figure.
C’est un peu l’exemple parfait de la comédie musicale de Broadway qu’on transpose au cinéma de façon paresseuse, sans réel travail d’adaptation, avec des décors qui donnent toujours l’impression de voir une scène toujours vue du même angle (empêchant donc l’immersion supplémentaire que peut apporter l’adaptation cinéma), une mise en scène mollassonne, des acteurs qui surjouent, des costumes qu’on te balance à la gueule pour que tu comprennes bien qu’il y a du budget, etc… Rien de nouveau sous le soleil donc, pour un récit qui vieillit mal de surcroît : j’ignore comment c’était perçu à l’époque, mais voir cette femme tomber amoureuse de l’homme qui ne fait que la torturer psychologiquement, qui ne manque pas une occasion pour lui faire comprendre qu’elle n’est pas son égal, et qui lui demande de lui apporter ses chaussons en guise de déclaration d’amour, le tout avec des yeux de spectateur d’aujourd’hui, c’est limite
. Mais même sans cet aspect, le film cumule les défauts : c’est trop long, ça ne raconte finalement pas grand chose, le rythme est particulièrement inégal, la relation entre les deux héros ne marche pas, l’humour paraît forcé, les chorégraphies sont pas fofolles, bref c’est pas très glorieux pour un film qui croule sous les récompenses.
Du métrage, je retiens surtout le casting qui rend l’ensemble un minimum agréable à suivre. Rex Harrison a beau jouer un salopard, il le fait bien, et Audrey Hepburn apporte bien évidemment son charme naturel à un personnage auquel on s’attache rapidement. Par contre, je me demande si le film n’aurait pas été meilleur avec Julie Andrews comme il était prévu initialement (au final, c’est elle qui gagnera l’Oscar avec
Mary Poppins la même année, belle vengeance
), car ça se voit vraiment que Hepburn est doublée sur la majorité des passages chantés, ce qui casse pas mal le délire. En l’état, c’est pas un film foncièrement désagréable, et je peux comprendre aisément qu’un spectateur puisse être charmé par le spectacle et y trouver du plaisir, mais en ce qui me concerne j’ai vraiment l’impression de voir une sorte de grosse pièce montée avec trop de chantilly dessus, et qui s'effondre sous son propre poids.