Ok alors, après Beach Boys. Sinon, sais-tu que Kimutaku a fait une fois la bouffe pour Alain ? Enfin, il a du moins essayé... (passage à 20' où sa bouillabaisse marseillaise est vue par Delon comme une simple... soupe de poisson. Recadrage en règle !).
Tu ne l'avais jamais vu ? C'est limite culte. D'un côté les Smap qui admirent le Samuraï, de l'autre Delon dans le rôle du papa qui montre qui c'est le boss.
J'aime beaucoup comment il renvoie Kimutaku à ses chères études. Apparemment Kimura est connu pour avoir un sacré ego (les autres membres de SMAP le détestaient). Mais là, pas de bol, il tombe sur celui d'Alain. Moi, maintenant, quand je vois une bouillabaisse, je pense tout de suite à cette phrase magique : "Ce n'est pas de la bouillabaisse !"
Haruki Marukami a de la chance, les adaptations au cinéma de ses œuvres ne semblent pas jusqu’à présent avoir donné lieu à des films ratés. Au contraire, on a pu toucher une certaine grâce, avec les récent Burning de Lee Chang-dong et Drive my Car de Ryusuke Hamaguchi. Je pensais vraiment qu’on pouvait difficilement faire mieux que ces deux-là, mais c’était sans compter avec Tony Takitani.
Je l’avais vu il y a très longtemps, à l’époque des Divx de piètre qualité, sur un petit moniteur d’ordinateur. Souvenir flou et endormi, je crois que j’avais fini par faire autre chose tout en laissant le film continuer. Le film n’était pourtant pas long : 1H15 (parfait pour adapter une nouvelle, on n’est pas dans le développement de trois heures – développement pourtant réussi à mon sens – de Drive my Car).
Or, je viens de retenter hier l’aventure avec une copie d’excellente facture. D’emblée, j’ai eu un peu peur : couleurs fades, piano mélancolique non-stop, jeu minimaliste des acteurs, voix neutre, sans chaleur et omniprésente d’un narrateur, je me suis dit que ça sentait l’abandon au bout de dix minutes. Mais en fait, non, c’est tout le contraire qui s’est passé : après l’introduction, au moment où Tony devient un jeune étudiant féru de dessin, j’étais pris. Pris par ces couleurs fades, ce piano mélancolique, etc. Dans sa manière d’aborder Murakami, Ichikawa a opté pour une approche à la fois littéraire, illustrative et poétique. Littéraire parce que plutôt d’adapter le contenu narratif par des scènes, il préfère puiser abondamment dans les phrases de Murakami pour les faire dire par un narrateur. Illustrative parce que du coup, le film se construit par une succession de vignettes, de miniatures accompagnant ces phrases. Poétique parce que l’association de tous ces éléments, de la musique (Ah ! le score est de Ryuichi Sakamoto) et du jeu en retenue – mais très convaincant, Issei Ogata est très bon dans le rôle-titre – des acteurs, contribue à rendre le film hypnotique.
À cela s’ajoute l’histoire : on y suit donc la vie de Tony Takitani, fils d’un jazzman peut fait pour être père. Doué pour le dessin réaliste, Tony gagne fort bien sa vie mais finit par être gêné par un fort sentiment de solitude. Il tombe alors amoureux d’Eiko, une femme plus que lui de quinze ans et qui est une acheteuse de vêtements compulsive, qu’il parvient à épouser. Elle finit par disparaître, ce qui incite Tony à engager une employée avec la même taille pour travailler chez lui, en se vêtant des habits de sa femme, pour l’aider à en faire son deuil.
Je ne raconte pas la fin. Disons juste qu’il s’agit d’une histoire qui, si elle est dénuée pour une fois du réalisme magique cher à Murakami, a des allures de conte contemporain de par sa simplicité et sa manière de monter en épingle des choses courantes (l’obsession de la femme pour les nouvelles parures). Il y aurait toute une rêverie que l’on peut entreprendre sur le personnage de Tony dont le prénom américain est perçu d’emblée comme un abâtardissement, une monstruosité. Monstrueux aussi est son style graphique, très poussé dans son réalisme, mais perçu comme sans chaleur par les professeurs de Tony. Enfin il trône seul dans sa grande maison luxueuse (mais bien froide), désireux d’y faire venir une femme jeune et belle. Il y parviendra, afin de la faire mourir à cause d’une demande malheureuse (et pourtant nécessaire ; j’y ai vu une sorte de mise à l’épreuve, un peu comme Barbe bleue le fait avec sa femme). Enfin le motif de la pièce secrète et celui du sosie pour remplacer l’épouse défunte. Des éléments tout simples, mais parfaitement prenants et, dans cette druée brève d’1H15, suffisants pour capter l’attention du spectateur.
Tony Takitani est-il donc la meilleure adaptation d’une œuvre de Murakami ? Ça se discute mais, si l’on est sensible à une poésie de la solitude, de la perte, d'une existence qui peine à se trouver un but, alors on ne peut nier que le film est une réussite et parfaitement en phase avec son sujet.
Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil est idéal pour le découvrir.
Haruki Marukami a de la chance, les adaptations au cinéma de ses œuvres ne semblent pas jusqu’à présent avoir donné lieu à des films ratés. Au contraire, on a pu toucher une certaine grâce,
Crash-teste Hear the Wind Sing pour voir. Je ne le sens pas.
Mark Chopper a écrit:Crash-teste Hear the Wind Sing pour voir. Je ne le sens pas.
Ça dépend. Le film a au moins pour lui une esthétique 80's, ça peut me plaire. Je verrai, pas impossible que je le tente bientôt. Je verrai aussi pour Hanalei Bay, j'aime bien Yo Yoshida.
Saules aveugles, femme endormie m'intrigue aussi. Adaptation par un français, en animation... pourquoi pas.
De Yu Irie, je n’avais rien vu, en dépit de sa filmo commencée en 2009 et longue d’une douzaine de films. Parmi eux, des titres qui puent les films de commande dispensables, d’autres qui ont l’air intéressants mais encore difficiles à voir (c’est-à-dire avec au moins des sous-titres anglais).
Du coup c’est un peu avec curiosité que je me suis lancé dans le visionnage de ce An no koto, actuellement visible au 18e Kinotayo du musée Guimet (sous le titre « Ann »). Et puis, comme je me demandais à quoi pouvait ressembler le jeu de la charmante Yuumi Kawai, ça tombait bien.
Dans les deux cas, aussi bien la réalisation que la prestation de l’actrice, je n’ai pas été déçu. L’histoire m’a évoqué la frange la plus sombre d’un Kore-eda. Loin de films lumineux comme Notre petite soeur ou Après la tempête, on serait plutôt dans le Kore-eda de Nobody knows, avec cette histoire de survie à cause d’une mère qui abandonne ses enfants. Avec une différence : le curseur est poussé un peu plus du côté de la noirceur. En quelques mots, l’histoire :
Ann est une jeune fille qui n’a pas eu de chance dans la vie. Battue par sa mère, forcée à se prostituer dès l’âge de douze ans, elle est très vite sortie de sa scolarité, avec en plus une addiction aux drogues. Tout change quand elle est recueillie par un flic, Tatara, qui gère une association d’aide aux toxicomanes. Prise sous son aile, Ann va peu à peu s’éloigner de sa mère, trouver un boulot dans un hospice, suivre des cours du soir. Jusqu’au jour où le Covid va de nouveau faire basculer sa vie…
Présenté comme cela, ça ne fait peut-être pas complètement envie. Vous vous dites peut-être que ça pue le misérabilisme ou les scènes putassières. Mais en fait, non. Tout en usant d’un certain réalisme documentaire qui sonne vrai, Irie a l’intelligence d’user de son personnage de flic de manière plus légère, en choisissant l’acteur Jirô Satô (excellent dans Missing, de Katayama, en 2021), grosse masse forte en gueule et bouffonne, permettant de contrebalancer certaines scènes plus pesantes (le personnage de la mère d’Ann est… atroce). Quant à Yuumi Kawai, excellente surprise. Une autre en aurait peut-être fait des tonnes dans son rôle d’ancienne petite prostituée à demi détruite par la drogue. Pas Kawai qui, probablement bien dirigée par Irie, parvient à rendre touchant cette encore gamine qui s’efforce de rattraper le temps perdu. Contrairement à Émilie Dequenne dans la Rosetta des Dardenne, son personnage est moins vif, plus besogneux, assez taiseux et peu expressive. Et pourtant, on la suit avec attention, épousant pleinement sa volonté de s’en sortir.
Après, soyez prévenus, la légèreté bat de l’aile à partir de la deuxième moitié du film, à cause du Covid, donc (on imagine le nombre de vies minuscules comme celle d’Ann qui en ont chié à cause de l’épidémie), mais pas que. Si certains événement font peut-être un peu trop mélo dans la plus pure tradition du XIXe siècle (cf. la demande WTF de la voisine), on ferme les yeux et on se laisse porter dans des montagnes russes dont on espère que la fin sera lumineuse (là, je ne dis rien).
Lors d’une récente interview, Irie a exprimé son désir de continuer dans cette veine sociétale. Franchement, vu le résultat d’Ann no koto, on espère qu’il va rapidement trouver un nouveau sujet. Quant à Yuumi Kawai, souhaitons qu’elle perdure dans des rôles demandant une certaine exigence.
Le film remporte le Soleil d'or du festival Kinotayo cette année. Peut-être une sortie en salle à venir donc (c'était le cas de lauréats précédents, comme The Artistocrats et La Famille Asada récemment).
Mark Chopper a écrit:Le film remporte le Soleil d'or du festival Kinotayo cette année. Peut-être une sortie en salle à venir donc (c'était le cas de lauréats précédents, comme The Artistocrats et La Famille Asada récemment).
Je ne sais pas quels films étaient en concurrence, mais que le film plaise et décroche un prix n'est pas surprenant.
logan a écrit:T'as un lien pour Tony Takitani ? Ca m'intéresse