[Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

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Moustache (La) - 8/10

Messagepar Olrik » Mer 27 Nov 2024, 13:55

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La Moustache
Emmanuel Carrère - 2005


La Moustache, adaptation par Carrère himself de son roman, est la preuve que pour créer une bonne histoire fantastique, nul besoin d’en faire des caisses. Ici, l’histoire est toute bête : un homme, Marc (joué par Lindon), décide de s’offrir une nouvelle tête en se rasant sa moustache pour faire une surprise à Agnès, sa femme (Emmanuelle Devos). Problème, cette dernière ne réagit pas, et pour cause : elle lui assure qu’elle ne l’a jamais vu avec une moustache !

Dès lors, tout le film va s’évertuer à entretenir ce doute propre au fantastique, doute qui fait osciller entre une explication rationnelle (Marc hallucine, il est devenu dingue) et une surnaturelle (en tout cas aberrante) : Agnès lui ment et dans ce cas, elle est la clé d’une blague qui va tout de même un peu loin (puisque tous les proches, lui certifiant qu’il n’a jamais porté de moustache, auraient été mis dans le coup par elle). On tombe dans une sorte de complot universel qui échappe quelque peu à la rationalité. On n’y croit guère car, Marc devenant de plus en plus agressif, on imagine mal son épouse continuer à lui jouer la comédie. Et puis, quand bien même, comment expliquer la scène d’ouverture qui nous montre qu’Agnès voit la moustache de son mari et qu’elle entend bien sa proposition de la raser ? Dès le début, le spectateur sait que la femme sait que son mari porte une moustache. Plus fort, Marc va jusqu’à faire les poubelles pour récupérer les poils rasés et les lui montrer. Il possède aussi des photos d’un voyage à Bali sur lesquelles on le voit avec une moustache, contredisant sa femme qui prétend qu’il n’en a jamais porté. Du coup, on en arrive comme lui à suspecter la santé mentale d’Agnès. Mais là aussi, l’explication est fragile. Arrive finalement une autre explication, pour le coup plus surnaturelle qu’un complot délirant : un peu sur le principe de certains épisodes de la Quatrième dimension, Marc aurait bifurqué vers une sorte d’autre réalité parallèle.

Et c’est lorsqu’un peu de lassitude commence à s’installer chez le spectateur à cause de toutes ces hypothèses que Carrère largue les amarres pour envoyer son personnage à l’autre bout de la planète, à Hong-Kong, afin d’échapper à son angoisse existentielle. Car au-delà de l’enjeu fantastique, c’est bien de cela dont il s’agit : avoir conscience d’exister par rapport au regard des autres. A Hong-Kong, où personne ne le connaît, il n’a plus à supporter ce poids et commence à reprendre goût à une vie étrange, faites de trajets mécaniques, comme pour emplir son vide… jusqu’à la réapparition de sa femme, réapparition qui ne permettra pas forcément de résoudre le mystère de sa moustache fantôme. Jusqu’à la fin, Carrère maintient l’incertitude et un désespoir latent, usant par ailleurs à merveille de l’unique pièce musicale utilisée pour le film, le Concerto pour violon de Philip Glass. Minimaliste, obsédante, grinçante par ses sonorités — comme mimant les grincements intérieurs de Marc — mais aussi exaltée pour accompagner l’énergie et la fuite en avant du personnage, enfin désespérée, l’œuvre tisse un réseau sonore qui épouse parfaitement la trajectoire d’un personnage qui aura commencé par un bain, qui se sera poursuivie par des scènes sous une pluie battante, et qui s’achèvera par un autre bain, laissant le spectateur dans la perplexité, devant cet élément pouvant aussi bien évoquer la mort, la destruction, que le renouveau.

Vraiment un bon film qui fait regretter que Carrère n'ait pas eu davantage l'occasion de réaliser d'autres métrages. Par ailleurs très bonnes prestations de Lindon et Devos.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Mark Chopper » Mer 27 Nov 2024, 14:18

Vraiment un bon film qui fait regretter que Carrère n'ait pas eu davantage l'occasion de réaliser d'autres métrages. Par ailleurs très bonnes prestations de Lindon et Devos.


Mais il aurait eu moins de temps pour écrire. Donc pas de regret pour moi.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Olrik » Mer 27 Nov 2024, 18:47

Peux pas dire, j'ai rien lu de lui. :mrgreen:
Mais faudrait que je tente La Moustache, juste histoire de comparer.
J'ai sinon Le Royaume, qui se balade dans un coin...
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Mark Chopper » Mer 27 Nov 2024, 19:45

Comment ça tu n'as pas lu L'Adversaire ? Ou Limonov ? :evil:

J'ignore quel châtiment t'attend, mais tu peux trembler.

Tiens, tu mériterais de regarder le film de Christine Angot.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Olrik » Mer 27 Nov 2024, 20:09

Mark Chopper a écrit:Tiens, tu mériterais de regarder le film de Christine Angot.

Merci, je suis sur une série de films sympa, ça va aller :mrgreen:
Mais je n'ai aucun a priori négatifs sur les romans de Carrere, je les tenterai forcément un jour.
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Classe de neige (La) - 7/10

Messagepar Olrik » Jeu 28 Nov 2024, 21:30

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La Classe de neige
Claude Miller - 1998


Vingt-deux ans après son premier long métrage (La Meilleure façon de marcher), Claude Miller revient à une ambiance colonie de vacances, mais cette fois-ci version hivernale, avec La Classe de Neige. Ici pas de flamboyance dewaerienne, encore moins de moments comiques : adapté d’un roman de Carrère, le film a peut-être plus de liens avec Shining, notamment par son personnage principal, Nicolas, gamin fragile et doté d’un imaginaire effrayant, qui rejoint avec un peu de retard sa classe de neige dans un lieu isolé, son père ne faisant pas confiance au transport en car et préférant l’amener lui-même.

Dès le début, on pige tout ce qu’a pu avoir d’étouffant la figure paternelle dans le développement de l’enfant — et malheureusement, sa mère a l’air aussi un peu gratinée. Avec ses traces de scarification au poignet et sa manière de forcer les gestes affectifs, le père apparaît comme un ogre potentiel qui n’a pas conscience des ravages de son attitude chez Nicolas. Nicolas qui, durant la nuit, cauchemarde à fond les ballons, plongeant le spectateur dans l'incertitude quant à l’origine même de ces cauchemars. Comme pour le Danny de Shining, sont-ce des images destinées à se réaliser ? Ou au contraire des traces inconscientes d’éléments qui ont été perçus et que l’imagination de l’enfant déforme ? Dans tous les cas, le spectateur est plongé dans une forêt de symboles pas vraiment rassurante, forêt dans laquelle il est question de père oppressant, d’infanticide et de vol d’organes. Cauchemars que personne n’a envie de connaître mais qui, paradoxalement, vaudront à l’enfant sa première éjaculation nocturne comme si, au-delà de la terreur de ces visions, venait s’immiscer le plaisir de se faire peur, d’attirer l’attention sur lui (cf. un dialogue avec un ami dans lequel il ment comme un arracheur de dents). L’explication de ces rêves sera évidemment cruelle même si, au bout du compte, un certain soulagement prédominera.

Ogre, enfance, forêt, sexualité (l’accès à la psyché de Nicolas montre clairement ce qui lui passe dans la tête vis-à-vis de sa jolie institutrice ou un de ses amis), La Classe de Neige a un côté conte de fée qui, à l’instar du Petit Chaperon Rouge, rappelle que le danger peut davantage venir de la sphère intérieure que de l’extérieur. Un très bon cru dans la filmo de Miller et une excellente adaptation d’un roman de Carrère.
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Film: Classe de neige (La)
Note: 3/10
Auteur: Scalp

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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Jed_Trigado » Jeu 28 Nov 2024, 21:37

Un film que j'ai découvert a la bonne période, sur MCM au début des années 2000 quand elle diffusait autre chose que des clips, j'avais quasiment l'âge du perso principal (bon plus, faut pas exagérer), je peux assurer qu'on en ressort pas indemne.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Olrik » Ven 29 Nov 2024, 06:42

Il faut dire que l'ambiance est réussie et que certains rêves fonctionnent bien (celui de la fête foraine est assez atroce).
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Scalp » Ven 29 Nov 2024, 07:05

Je les ai trouvé tellement raté les rêves, cheap, mal joué et même con.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Olrik » Ven 29 Nov 2024, 10:06

T'es passé à côté, c'est tout, pas bien grave.
Les rêves ont en tout cas tous leur intérêt.
Quant à leur aspect cheap, ça ne me semble pas être un point décisif pour des séquences oniriques, au contraire.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Mark Chopper » Ven 29 Nov 2024, 10:17

Scalp a un gros budget pour ses rêves. Michael Bay style.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Scalp » Ven 29 Nov 2024, 10:19

Ah ben carrément, c'est jamais cheap ou chiant comme du Nolan.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Olrik » Ven 29 Nov 2024, 10:27

Le rêve de Rosemary dans Rosemary's baby : cheap et totalement réussi.
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Re: [Olrik] Mes 8/10 minimum de 2024

Messagepar Scalp » Ven 29 Nov 2024, 10:37

Un autre film que j'aime pas :mrgreen:
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Naqoyqatsi - 5/10

Messagepar Olrik » Sam 30 Nov 2024, 11:02

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Naqoyqatsi
Godfrey Reggio - 2002


Naqoyqatsi… belle excitation quand j’avais appris la mise en chantier du projet ! Dernière pierre à la trilogie des Qatsi, elle ne pouvait être que fabuleuse. Je me souviens avoir commandé illico le DVD américain en import et avoir inséré avec fébrilité la galette dans le lecteur… avant de déchanter méchamment. Tant d’attente pour ça ? Je crois même avoir piqué un roupillon lors du premier visionnage et, lors d’autres tentatives, même chose.
Mais là, maintenant que je dispose d’une pièce avec VP dédiée au home cinema, ça allait être autre chose, forcément une nouvelle expérience ! Expérience que j’ai tentée hier.
Verdict ?
Ben, ça reste quand même pas mal foireux et décevant (et en même temps, pas si mauvais).
Il n’y a pas eu de miracle parce que, justement, le miracle reposait sur l’association Reggio – Glass – Fricke. Ce dernier ayant préféré faire ses propres films, on se retrouve avec un certain Russell Lee Fine à la photographie et surtout Jon Kane pour les bidouillages numériques et, autant le dire, le résultat, déjà pas heureux à l’époque, a très mal vieilli et fait saigner les yeux. Pourtant, le film date de 2002 mais rien à faire, se retrouver parfois à des séquences qui rappellent le clip de Money for nothing de Dire Straits (je n’exagère pas), c’est incompréhensible.
Alors le père Glass est resté fidèle, lui, et on ne peut l’accuser d’avoir manqué d’inspiration. Sa partition est dans l’esprit des précédentes et dispose de jolis moments de bravoure (si elle n’égale pas celle de Koyaanisqatsi, je la trouve supérieure à celle de Powaqqatsi). Après, la B.O. ne peut pas non plus suffire, il faut qu’elle fusionne avec les images et le propos qui les sous-tend. Et là aussi, ce n’est pas la joie. A la fin, on a l’habituel écran qui nous donne la définition du titre. On apprend donc que Naqoyqatsi signifie donc « life as war » ou « civilized violence ». Le problème est que le traitement de la guerre et de la violence a été, tout le long de l’heure et demie, bien épisodique. En fait, le spectateur gagnera à avoir conscience de ce découpage que Reggio a donné concernant la structure de son film :

1) Numerica.com : le langage et les espaces réels sont remplacés par les codes numériques et la réalité virtuelle.
2) Circus maximus : l’ère des compétitions, des records, de la réputation et de l’amour de l’argent. La vie est devenue un jeu.
3) Rocketship twentieth century : Un monde que la langage ne peut plus décrire. Le rythme imposé par la technologie débouche sur la guerre et la violence civilisée.

Présenté comme cela, ça paraît en effet plus clair. Il n’empêche, bombardé d’images, le spectateur peine à trouver du sens dans ce gloubi-boulga.
Mais au bout du compte, perce une étrange impression, celle d’un chaos généralisé qui, finalement, peut apparaître visionnaire au regard de notre époque où l’écran est roi, où le monde prend feu en Ukraine et au Moyen Orient, où la nature prend l’eau de toutes parts (oubliez ici les somptueux plans naturels de Koyaanisqatsi, il n’y en a pas), où Trump et Musk ont pris le pouvoir, enfin où l’I.A. déclenche un engouement aussi hystérique que dangereux. Oui, si l’on considère que notre époque est devenue un hideux shaker dans lequel on crashteste (pour reprendre la phrase utilisée sur l’affiche) l’humanité, alors le bordel, la laideur et l’incohérence de Naqoyqtasi apparaissent comme… tout ce qu’il y a de plus cohérents.
Et si le film apparaît toujours lourd et désagréable à regarder (mais, encore une fois, pas à écouter), on peut se demander s’il pouvait en être autrement. La machine, largement évoquée dans le premier opus, semble avoir pris le pouvoir et le dernier plan du film laisse assez peu d’espoir sur le devenir de l’homme. Les esprits les plus optimistes y verront peut-être une course vers l’espace pour y trouver un nouveau havre. Mais après ce que l’on a vu une heure et demie, on sera plus enclin à y voir une sorte d’Icare destiné à redevenir une poussière d’étoiles.
Koyaanisqatsi se terminait sur une fusée explosée effectuant un mouvement descendant. Naqoyqatsi se termine sur un mouvement ascendant, mais pas forcément réjouissant.


Une vidéo intéressante sur le travail de Glass :
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